27 novembre 2007

CAP VERT

Cap Vert sel et pierres
mer et rochers
l'eau partout l'eau rationnée
îles îles et volcans
hier la famine
aujourd'hui le vent
sec du désert.

Cap Vert la mer
Cap Vert le sang
métisse qui brûle dans tes veines
capverdiennes au regard brûlant.

Et tes rêves de départ
de nouvelles rives
de mousse et de brouillard;

Et tant de cérémonies
inutiles et stériles
pour un peu de pluie...

Je donnerai mon sang
pour une rivière
qui coule claire
sous un pont en acier
dans une verte
très verte vallée.

Loin du Sahel va ma prière
trop de soleil c'est trop
Dieu donne-nous un nuage
donne-nous un peu d'eau...

Mais Dieu est de plus en plus sourd
aux prières des pauvres
il ne veut plus écouter
ou alors il ne sait plus
distinguer la souffrance;

il croit que les larmes
des enfants du Cap Vert
vont arroser les pierres
comme une pluie d'été.

Guatemala (1995)

25 novembre 2007

LE SOLDAT INCONNU

La flamme du soldat inconnu
illumine les médailles
de ceux bien connus
qui cultivent la grisaille
des longs couloirs
du moulin à papier
de multiples tiroirs

et qui gèrent les défilés
et le triste sort
des soldats morts
dans les tranchées.


Guatemala (2/11/1993)

22 novembre 2007

La poésie

Pendant longtemps
j'ai cru que je n'existais pas
j'avais honte de mon ombre
la poésie me tournait le dos
coquette distante
elle me regardait avec mépris
elle m'ignorait
comme si j'étais transparent.

Puis un jour
après une vie de persévérance
après des décennies d'admiration
après des centaines de propositions
d'amour et de fidélité
elle me dit : bonjour...
distraitement
du bout des lèvres
sans plus.

Et moi je m'accrochais à ce signe
avec désespoir
avec passion.Je hissais la voile
de mon imagination
et le regard vers le ciel
et le regard vers le fond
de l'inconscient profond
je cherchais la baleine bleue
de l'inspiration.

Mais je ne trouvais que des méduses
et des algues mortes
parmi les vagues et les nuages
et parfois un petit reflet de soleil
au fond de mes larmes.

Car la poésie
ne se donne pas au premier venu;
elle résiste
elle résiste
comme une vierge têtue...

Sans pitié elle anéantit
elle blesse elle tue
ses amants les plus assidus
la poésie...

07 novembre 2007

Didier Randot

Didier Randot n'est pas un révolutionnaire; il ne revendique pas la dernière avant-garde, ni s'évertue à rattraper la dernière mode : il dessine ce qu'il voit. Et il voit bien. Ses lignes sont toujours pures et sûres et montrent l'essentiel d'un paysage, d'un profil de femme ou d'un vieux mur. Plus proche de Courbet que de Monet, Randot trace sur le cuivre son image du monde. Ses gravures - son moyen préféré d'expression -, nous montrent aussi bien les rues de Lectoure que les femmes voilées d'Islamabad, les châteaux de la région de Bordeaux que des nus vibrant de sensualité.
Sa technique raffinée, fruit d'un long apprentissage, est celle des maîtres de la renaissance; sa vision du monde celle du voyageur curieux des différences de cultures. Les sujets de ses eaux-fortes peuvent être interprétés comme un refus de l'uniformisation mondialiste des moeurs et coutumes. Plus inspiré par le passé que par le monde moderne, Randot habite dans une grande et magnifique maison ancienne au coeur de Lectoure - ville de plus de 2000 ans - où pourtant nous pouvons admirer une magnifique collection de tableaux et dessins de maîtres de l'art moderne.
Le style de ses dessins nous fait penser qu'il répond à un choix plus qu'intentionnel, car il est en parfait accord avec l'esprit, la culture et les sentiments profonds de l'artiste et, peut-être involontairement, il est aussi une forme de résistance aux dérives néo-dadaistes contemporaines qui envahissent les salons. Matisse disait : "Les arts ont un développement qui ne vient pas seulement de l'individu, mais aussi de toute une force acquise, la civilisation qui nous précède. On ne peut pas faire n'importe quoi...". Tous ceux qui encore considèrent important dans l'art la probité, la maîtrise du métier et la qualité artistique de l'oeuvre ne seront pas décus.

03 novembre 2007

La politique

On m'a dit
que la politique
ne doit pas habiter
le nid doré de la poésie.

On m'a dit
qu'il ne faut pas mélanger
la politique et la poésie.

On m'a dit
on m'a dit
tellement de choses sur la poésie
que maintenant
je ne sais pas quoi faire
avec mes utopies...

Car moi petit poète solitaire
je vois
je vois
et je vis
la violence de la guerre;
les camps et les tortionnaires
se succèdent
ils prolifèrent
et ils se multiplient.
Moi je vois que
les menteurs et les malins
sont de plus en plus nombreux
et ils marquent des points
pendant
que le poète rêve
de mots bien propres
comme la source et le coquelicot
le narcisse
et le chant des oiseaux.

Et pendant
que le poète rêve
de nuages et de doux ruisseaux
les autres ouvrent leur chemin
à coup de hache et de couteau
et entre l'hiver et l'hiver
entre la peur et le sang
la guerre et la misère
la faim
et les camps.

Et moi petit poète révolté
je rêve et je rêve
de solidarité.

01 novembre 2007

TANGO

I

Tango de Buenos Aires
où es-tu passé ?

Pourtant dans ma jeunesse
on disait dans mon quartier
que Gardel chante de mieux
en mieux chaque année...

Gardel serait-il enroué ?

Tango de Buenos Aires
où es-tu caché ?

Où sont tes bandonéons
tes larmes et ta mélancolie ?


II

Tango
où est ta chaleur
et ton âme de banlieue
populaire
avec sa tristesse
comme un cri.

Où sont les bals du samedi
au club social du quartier
où dansait la grand-mère
la jeune fille à marier
et aussi les tout petits ?

Où est ton âme
ta virilité
et ta violence prolétaire
d'ouvrier trop exploité ?


III

Où est le tango de Buenos Aires
qui sortait de chaque rue
de chaque fenêtre
de chaque Café
comme une brume nostalgique
comme un violon blessé ?

Gardel serait-il oublié ?
Le tango de Buenos Aires
se serait-il suicidé ?

Ou peut-être
peut-être
n'a-t-il jamais existé ?...

Ou alors il s'est perdu
au coin d'une rue
en buvant un opio-cola
bien frais
dans le dernier bar
populaire du quartier?...