28 février 2007

Un urbanisme humain, est-ce trop demander ?















Est-ce trop demander
que de vouloir des villes heureuses
des villes fleuries
aux larges trottoirs ombragés
conçus pour flâner
pour se rencontrer
chez le boulanger-pâtissier
où les petits pains sont chauds
et le café est gratuit ?
Est-ce une utopie
de vouloir dans notre quartier
un marchand de fruits tropicaux
et de légumes frais
et un boucher-épicier souriant
qui livre à domicile
pendant que vous rentrez
chez vous tranquillement à pied
traversant un parc fleuri et arboré ?
Est-ce tellement difficile
d´imaginer notre petite réalité ?
Faut-il être goianiais
pour concevoir des villes
à visage humain
sans caméras sans police
pour vous dévisager à chaque coin
comme un présumé terroriste?
Faut-il allez vivre si loin
pour trouver des avenues
sans l´odeur étouffante
du pétrole mal distillé ?
(l´alcool brûlé dans les moteurs
sent la crêpe flambée).
Faut-il venir au Brésil
pour trouver des capitales qui offrent
110 mètres carrés - Brasilia -
d´espaces verts par habitant ?
Mais dans cet immense pays
de forêts sauvages il y a aussi
de très grandes villes
où il n´y a que 6 mètres carrés
de poumon vert pour respirer ;
c´est là d´ailleurs où s´implantent
s´agglutinent se répandent
les plus grosses entreprises étrangères
qui peuvent payer largement
des architectes-urbanistes à leur image
rationnels inhumains suicidaires
et ils font ce qu´ils savent faire :
de grands ensembles dortoir-dépotoir
à haute rentabilité
à haute criminalité
faites pour tuer toute lueur d´espoir.
Un urbanisme humain pour prolétaires ?...
Aïe ! Ce n´est plus vert-écolo :
c´est rouge-révolutionnaire !


Goiânia, février 2007


24 février 2007

Théorie de la littérature

Pour une certaine catégorie d´intellectuels la poésie est essentiellement un dérèglement du langage établi et, à ce titre, elle doit être regardée comme une forme de déviation sémantique suspecte. Pour d´autres il s´agit d´un alignement, plus ou moins harmonieux, de mots et de pensées hautement spirituels, dignes d´attention pourvu qu´ils respectent les règles grammaticales. D´autres encore nous expliquent que ce qui est important n´est pas ce qui est dit, mais ce qui se cache derrière les mots. Mais le fin du fin, l´excellence, le Nirvâna, c´est quand ce qui est caché dans le poème est vide de sens, vide de contenu, vide de tout engagement car alors nous entrons dans le vénéré domaine de la poésie “pure”. Plus le poète est abscons plus “pur” il est considéré.
Parallèlement, ces milieux intellectuels hautement raffinés, cultivés et établis, qui se délectent dans la recherche de sens cachés de mots qui ne veulent rien dire, s´acharnent, sans relâche, à dénigrer la poésie engagée qu´ils assimilent, quelque soit sa valeur littéraire, à de la propagande. Ce sont ces théoriciens qui ont décidé un jour que “l´on ne fait pas de la bonne poésie avec des bons sentiments”. Comme si le fait de n´avoir pas de sentiments - ou pire encore : de les cacher... - était une garantie de bonne poésie. Comme si le fait d´être attentif aux misères et aux espoirs des hommes de son temps était un obstacle pour écrire de la bonne poésie.
J´affirme ici que, si l´engagement social ne fait pas nécessairement de bons poètes, l´égoïsme et l´indifférence seront jamais de bon ingrédients pour la vraie poésie.

Goiânia (janvier 2007)

20 février 2007

La grande poésie

La grande poésie
est faite
d´un grand nombre
de petites poésies
de poésie honnête
bien faite
par de petits poètes
de bonne volonté
qui par addition
ou par adhésion
deviendront un jour
peut-être
de vrais grands poètes
mais ils ne le sauront
jamais
car la vraie poésie
la poésie immortelle
la divine poésie
reste un mystère
infini et maudit
puisque personne ne sait
reconnaître avec certitude
la vraie grande
poésie
sauf peut-être
quelques rares poètes
pleins de doute
sur la poésie
d´aujourd´hui

Goiânia (janvier 2007).
















Pierre de Freitas
Gouache sur papier

13 février 2007

J’affirme et je n’en sais pas plus que vous

J´affirme du haut de mon âge
que si le mur de Berlin
était une honte
comme disait unanimement la presse
des pays libres
le mur de Tijuana
est une triple-honte
que la presse “libre” oublie de dénoncer.

Alors moi, infime poète,
j´affirme que partout où il y a des murs
qui empêchent de circuler
c´est qu´il y a quelque chose
de honteux à cacher.

J´affirme qu´il y a des pays riches
qui dépensent beaucoup plus
pour défendre leur mur
que pour l´aide humanitaire
qu´ils pourraient apporter
aux quelques malheureux
qui veulent le franchir.

J´affirme que partout où il a des murs
qui séparent les hommes
il y a les premiers signes
de la fin d´une civilisation

Je sais que ceci n´est pas un vrai poème
mais qu´est-ce que je me sens bien !


Goiânia (janvier 07)





cliquez sur l'image!

07 février 2007

Saison des pluies

Ploc ploc ploc
ne voilà-t-il pas qu´il pleut
sur notre tapis afghan !

Puis l´eau descend
comme un agile serpent
sur la tige du ventilateur
et la lampe centrale
devient un aquarium-fleur
pour mouches hydrocéphales !

Ploc ploc ploc
la pluie en furie
poussée par le vent
tape sur la fenêtre meurtrie
coule sur le mur
et sous le divan
vers les marches de l´escalier.

Ploc ploc ploc
c´est le plombier
mais ce n´est pas son travail
nous dit-il de réparer les excès
de vieux anges incontinents
quand le ciel couvre la chaussée
et dévale comme un torrent
d´eau de boue et parfois pire

la saison des pluie est arrivée
et elle n´est pas là pour rire !

Goiânia (janvier 2007)

03 février 2007

Notre jardin brésilien

Notre jardin est tout petit
quelques mètres cultivés
sur plusieurs plans et degrés
jardin sur rue pour les passants
jardin intérieur pour l´intimité
et pour quand il pleut à verse
et que souffle très fort le vent
quelques fleurs en pots
pour chasser la tristesse.

Mais notre petit jardin
ce minuscule jardin de poupées
est une forêt amazonienne
dense, touffue, envahissante,
pleine d´arbres et de plantes
de massifs et de haies
aux parfums saisissants
comme du Chanel renversé
car à Goiânia il fait chaud,
ici l´été dure toute l´année.

Notre petit jardin est aussi
est un lieu de rencontre
pour les fleurs et les papillons
pour les abeilles et les bourdons
et pour de légers colobris
visiteurs de corolles variées
aussitôt arrivés ils s´enfuient.
Nos arbres toujours verts
accueillent tous les matins
une nuée de bavards perroquets
et le scandaleux “bentiviii”...
pendant que de fines tourterelles
font un petit nid sous la tonnelle
et de nombreux oiseaux de passage
aux trilles gaies de canaris
ou aux plaintes de bandonéon
chantent, s´interpellent, crient,
comme dans une forêt sauvage
au centre même de l´Amazonie.

C´est un infime jardin
qui déborde sur le trottoir
et qui sert de cachette
aux timides lézards
aux escargots aux insectes
et à notre rusé chat noir.

Ne me demandez pas
le nom des plantes
ni celui des oiseaux
notre chat s´appelle Charlie
notre maison n´a pas de numéro
parfois c´est mieux ainsi
quand on est deux et on s´aime
depuis plus de quarante ans
en Amazonie ou à Paris
car quand ont s´aime vraiment
tous les jardins sont des paradis

Goiânia (janvier 2007)


Cliquez sur l'image...