30 août 2007

Petites fleurs

Marguerite

Elle tousse à chaque baiser
du papillon et du jardinier
marguerite marguerite
Te voilà avec une bronchite


Passiflore

La fleur de la passion
marteau clous et couronne
symbole et illusion
de la conquête espagnole

Géranium

Fleur de pauvre
fleur de balcon
il pousse dans un pot
en écoutant les feuilletons

Lis

Cette blanche fleur
a coûté trop de têtes
parmi les seigneurs
parmi les saigneurs

Camélia

C’est une gente dame
Rose et fragile
Un pétale d’argile
Emaillé de drame.

Petites Fleurs volées dans le jardin des nymphes (2000)
Vericuetos collection escargot au galop

26 août 2007

L’obligation de réserve

Tout fonctionnaire est tenu
au devoir de réserve
c’est-à-dire
quand les supérieurs hiérarchiques
volent l’Etat
travaillent mal
arrivent en retard et partent avant l’heure
cachent des informations essentielles
concernant la sécurité de leur personnel
et publient des règlements
qu’ils sont les premiers à ne pas respecter
et quand le chef est odieux
avec ses subalternes
et servile avec ses supérieurs
quand le chef accuse sa secrétaire
de tout ce qu’il n’a pas su assumer
par incompétence et par paresse
par couardise et par habitude
quand le supérieur hiérarchique
est un inférieur congénital
incapable d’assumer ses responsabilités
quand l’Etat couvre
des milliers de « petites fautes »
pour mieux en commettre de très grandes
impunément dans le secret
car il existe en France quelque chose
au-dessus de toute morale
au-dessus de l’honnêteté citoyenne
au-dessus de la conscience professionnelle
« le devoir de réserve »

21 août 2007

Lettre à Bernard Godefroid de "La Cigogne"

Cher ami,
Encore merci pour votre générosité. Toute une page avec mes poèmes et la publication de ma lettre dans le numéro 85 sont pour moi un encouragement car, généralement, mes poèmes, mes opinions politiques et mes options culturelles ne font pas l´unanimité chez les revuistes. Je les comprends : choisir la Résistance n´est pas une décision aisée ni même recommandable aux indécis. C´est d´ailleurs cette faiblesse humaine qui permet qu´un peuple intelligent et modéré, comme peut l´être le peuple français, vote pour un substitut de l´extrème droite. Comment le pays qui a pour devise “Liberté, Egalité, Fraternité” peut-il tomber si bas ?
Je ne peux éviter de penser que l´indiférence, le pessimisme et l´apolitisme décadent des intellectuels de la fin du XXème siècle sont, en grande partie, la cause d´une telle déchéance. Si ceux qui ont pour fonction première de penser, d´inventer et d´orienter l´avenir baissent les bras et refusent le rêve et l´Utopie, que peut-on espérer des masses populaires toujours à la recherche d´un peu d´espoir ? Que peuvent offrir les hommes politiques au peuple, si leurs plus grands penseurs et poètes ne voient plus rien d´attrayant dans les idées généreuses ?
L´échec du stalinisme laisse croire, à certains, qu´il n´y a pas d´autre issue que le capitalisme sauvage. Le manque de liberté, les restrictions et le totalitarisme politique de l´ex-Union Soviétique ne devraient pas faire oublier la longue liste de violences, d´injustices et de calamités que nous apporte le capitalisme déchainé et sans freins. Je lisais dans Le Monde (27/1/06) que les “zones franches”, soit les espaces de territoires ouverts à tous les trafics et abus des industriels et des banquiers, sont passés de “850 en 1998...à plus de 5.000 en 2004". Alors ?...
Peut-on se dire poète et ignorer que, malgré l´abondance de produits industriels, des millions de nos semblables, certains à deux pas de chez nous, n´ont pas de quoi se nourrir correctement, de quoi se loger, de quoi se soigner ? Le grand poète maya-kiché Humberto Ak´abal dit :”Pour ceux / qui ne parlent pas notre langue / nous sommes invisibles”. Poète, ouvre donc les yeux !...


Salutations solidaires

18 août 2007

Conclusion

Je n´ai pas pu rencontrer ce jeune artiste à Goiânia, car il poursuit ses études supérieures dans une autre ville. Je crois néanmoins que son analyse de l´art, “à la mode” dans les salons et festivals, est courageuse, pertinente et nécessaire. L´artiste niçois Ben avait écrit sur l´un de ses tableaux “L´art est une escroquerie”. Mais les escrocs sont surtout les vautours qui spéculent avec l´art. L´art, le vrai art, celui qui survit aux modes, se porte bien. Il suffit d´ouvrir les yeux et le coeur pour le voir. Et, de temps à autre, le portefeuille pour soutenir les jeunes artistes...

15 août 2007

La «ré-institutionalisation » de l´art : La misère de l´artiste

par Alexandre Barbosa

“Notre intention est de faire une synthèse, d´un point de vue de la théorie critique - ou “moderniste”, si vous préférez - sur le débat de l´art de notre époque, nommé, au Brésil, “post-moderniste” ou “ultra-moderniste”, pour pouvoir nous positionner par rapport à l´art moderne.
Le concept de l´art que nous utiliserons est celui que Bourdieu attribue au discours traditionnel de l´Académie des Beaux Arts. Concept que nous retrouvons, entre les lignes, chez un auteur comme Gombrich. Cette généralisation est simple et fonctionnelle : L´art moderne est une sorte de production culturelle qui n´est pas créée pour répondre à une demande pré-déterminée. Ainsi l´art se différencie de l´artisanat, car ce dernier mode de production répond lui à une demande spécifique, qui peut être considérée comme essentiellement “commerciale”.
Si tous ces concepts existaient à l´état pur et n´étaient pas aussi liés et emmêlés, comme ils le sont dans la réalité, on pourrait facilement séparer l´oeuvre dite “artistique” de l´oeuvre “artisanale” ou même très “commerciale”.
Par exemple, quand nous allons dans une galerie d´art “commerciale” et achetons un paysage traditionnel, il y a de bonnes chances que nous ayons acquis une oeuvre artisanale. Par contre quand nous visitons le salon annuel d´Art Contemporain et observons les réalisations “d´avant-garde” nous pouvons supposer qu´il s´agit là d´authentiques oeuvres d´art.
Une fois défini le concept de l´art et accepté comme un axiome nous pouvons entrer dans le vif du sujet : En quoi se caractérise l´art d´aujourd´hui (qu´il soit “post” ou “ultra”) et en quoi il se différencie de l´art dit “moderne” ?
La réponse sera claire si nous nous situons dans une perspective historique. L´art, tout le long de son histoire a, presque toujours, choisi de renforcer les institutions culturelles, politiques et sociales établies. L´art grec, qui jusqu´à aujourd´hui enchante ceux qui adhèrent au modèle aryen de beauté et d´élégance ; mais aussi la Renaissance qui glorifie et sanctifie l´image de l´homme, c´est-à-dire l´image d´une nouvelle aristocratie née du commerce.
La modernité apporta, dans sa période de grande vigueur créative, un nouveau paradigme à la production artistique. Les idéologies associées à l´idée de modernisme - le socialisme, le communisme, l´anarchie, le fascisme - ont en commun, un certain nihilisme - soit le désir de destruction et de reconstruction utopique du monde - et l´esprit “révolutionnaire” que suppose l´adhésion à ce type d´idéologie. L´institution (le système) devient ce qui doit être combattu et non plus ce qui doit être exalté et légitimé par l´art. Pour ce nouvel art, la critique a un rôle déterminant : L´art doit avoir un engagement révolutionnaire et non plus un rôle de soumission aux valeurs traditionnelles.
Maintenant nous pouvons comprendre avec plus de clarté la situation de l´art d´aujourd´hui. Les idéologies de la modernité ne sont plus acceptées de façon inconditionnelle par “l´avant-garde” (en réalité le concept même d´avant-garde se dilue) et l´avant-garde artistique et intellectuelle n´est plus une croyance largement admise qui justifierait le besoin d´un art critique, révolutionnaire et anti- institutionnel. Toutes les difficultés et toutes les souffrances générées par l´attitude révolutionnaire comme l´exclusion de l´artiste des circuits institutionnels et la condamnation à l´anonymat, ne sont plus considérées comme valorisant ou comme des vertus ascétiques. L´art révolutionnaire s´est tellement affaibli que même la révolte (absorbée, domestiquée et modérée jusqu´à devenir totalement inoffensive pour les institutions), est considérée comme un “phénomène de jeunesse” sans plus aucun impact et conséquences sur la société.
En termes d´esthétique, nous n´avons pas un art nouveau, mais une perpétuation imitative du “modernisme”classique. Nous devons néanmoins signaler que la plupart de ces artistes se veulent critiques, c´est-à-dire modernistes. Ceci explique le grand fossé qui existe entre le discours et l´oeuvre ; entre le public et l´oeuvre. Par exemple, une “performance” se présente selon une esthétique semblable à celle des précurseurs, mais avec une intention totalement différente. Les premières “performances” étaient des provocations, des actions destinées à déranger les institutions, à les ridiculiser même. Aujourd´hui les “performances” sont officialisées et sont même prévues dans la programmation des salons et des festivals !
Ce qu´il y a de plus contradictoire dans ce processus c´est que les artistes qui réalisent ces “performances” (et d´autre type d´actions dans cet esprit) continuent à garder un discours prétendument anti-institutionnel, malgré l´évidence de sa fausseté. (...)
Cette réutilisation de la tradition “moderniste” d´un art critique et anti-institutionnel dans une production conformiste et institutionnelle donne des arguments à tous ceux qui ne voient pas une rupture, mais tout simplement une continuité dans les conventions de la post-modernité.
Dépourvu de l´élan révolutionnaire, qu´on aurait pu espérer dans un monde réel, l´artiste contemporain devient l´héritier d´une tradition dont il garde l´esthétique et le discours, mais non pas la pratique et il se met ainsi en porte-à-faux. Son oeuvre, qu´il le veuille ou non, n´est ni commerciale ni artisanale ; donc elle ne sera reconnue que si elle obtient la consécration officielle (jury de salons, critiques d´art, marchands). Mais le pouvoir de ces mécanismes de consécration n´a pas de base solide, il n´est que symbolique. Duchamps avait déjà démontré qu´absolument ”tout est art”, donc ce n´est plus la maîtrise d´une technique qui peut, comme dans le passé, être considérée comme une référence de qualité. Aujourd´hui la technique appartient plus au domaine de l´artisanat qu´à celui de l´art.
Ainsi un objet quelconque peut être considéré de l´art par les institutions et par leurs mécanismes de consécration qui se basent, généralement, sur un discours dénué de raisons logiques ou fondées et qui trouve sa légitimité par le seul fait des prix et de la renommée fabriquée par les salons et les galeries.
Les artisans vivent de leur production, mais l´artiste ne peut vivre que de ce qui est légitimé par les institutions. Il n´y a plus, comme par le passé, de mouvements assez importants d´artistes qui pourraient, ensemble, imposer un art critique et anti-institutionnel. L´artiste contemporain, s´il veut être reconnu, ne peut produire que des projets “bureaucratiques” destinés aux salons et prier pour que l´oeuvre présentée attire l´attention bienveillante du jury.
La possibilité de que ces oeuvres institutionnelles puissent contenir une critique ou une contestation du système est peu probable, car difficilement les institutions pourraient approuver un art qui leur est hostile.
Malheureusement les artistes, par ignorance ou immoralité (ou un peu des deux, comme c´est généralement le cas) continuent à véhiculer un discours dans la tradition embaumée de la « radicalité » moderniste. Ils sont ainsi d´authentiques post-modernes comme les hommes politiques qui se disent près de leurs électeurs, comme les entrepreneurs qui disent penser surtout à leurs “collaborateurs” et y compris comme les professeurs, qui se mentent à eux-même en affirmant leur engagement pour l´éducation des étudiants, quand ils ne sont rien d´autre que les émissaires de l´idéologie dominante.”


Alexandre Barbosa

13 août 2007

Do Brasil - L´Alliance Française

Les Alliances Françaises en Amérique Latine sont le dernier bastion de la culture française sur ce continent. Cette ancienne institution, aux multiples ramifications autonomes, fonctionne selon le principe français des associations Loi 1901 en France et chaque ville a son propre Comité qui gère son centre. L´Alliance s´auto-finance par ses activités payantes d´enseignement du français. La France fournit, pour les plus importantes, un directeur-enseignant français. A Goiâna il y a plus de 300 élèves, à Rio de Janeiro 7.000, à Sâo Paulo 10.000 ! Partout, au Brésil, la demande de culture française augmente mais, semble-t-il, les subventions de l´Etat français ne suivent pas. Celles des “sponsors”, les grosses entreprises françaises, non plus. Donc, contrairement à ce qu´on entend en France, ce n´est pas l´intérêt pour la langue et la culture françaises qui baisse, mais les moyens matériels pour les enseigner et les diffuser. A Goiânia par exemple, d´après une étude réalisée récemment par un expert en marketing, on pourrait facilement doubler le nombre d´élèves, mais les locaux trop exigus de l´Alliance ne le permettent pas.
Par ailleurs, l´Alliance ne se limite pas a diffuser la culture française, mais essaie, malgré ses moyens restreints, d´établir un dialogue avec les jeunes artistes et intellectuels de sa ville. A Goiânia elle organise même une exposition par an de jeunes créateurs et elle publie avec eux une petite revue : “Le mur”. C´est un article, publié dans cette mini-revue, que j´ai traduit pour “Florilège” car il présente, avec talent et pertinence, un panorama de la situation de l´art et des artistes contemporains au Brésil et ailleurs :


prochainement le très intéressant article de Alexandre Barbosa sera publié ici

10 août 2007

Je voudrais dire...





















Je voudrais dire mon coeur
mes yeux fatigués
je voudrais dire oui
et mon âge dit non.

Mon âge pèse septante cinq kilos
sur la balance du temps
qui s'échappe doucement
de ma pauvre cervelle grippée.

Et la poésie qui tape à ma porte
et ma porte coince grince
faute d'huile de sycomore
pour les articulations signalées.

Que vais-je devenir plus tard
dans l'immensité du silence
de l'infini poussiéreux des étoiles
dans un champ blême de croix
que vais-je devenir sans poésie?

05 août 2007

L’humanité couleur pétrole

Chaque fois que la haine
remplace la raison
chaque fois que la religion
développe la haine.

Chaque fois que les menaces
remplacent le dialogue
chaque fois que la violence
remplace le compromis

Chaque fois que les plus forts
écrasent les plus faibles
chaque fois qu’un peuple
devient l’otage de la faim.

C’est le prix à payer
me dit le pompiste
pour que vos voitures
roulent il faut des morts

Aujourd’hui la civilisation
a la couleur du pétrole
demain les morts
iront à pied
chez le pompiste

Goiânia, décembre 2006

02 août 2007

Les inventions

Ceux qui inventèrent le feu
et ceux qui inventèrent l’arc et le flèche
et ceux qui inventèrent la poudre
et ceux qui inventèrent le canon pour la poudre
et ceux qui inventèrent les pharaons et les rois
et ceux qui inventèrent les conquérants
et ceux qui inventèrent l’esclavage
et ceux qui inventèrent la République
et ceux qui inventèrent Liberté-Egalité-Fraternité
et ceux qui inventèrent l’électricité
et ceux qui inventèrent la chaise électrique
et ceux qui inventèrent la machine
et ceux qui inventèrent le travail à la chaîne
et ceux qui inventèrent la rentabilité
et ceux qui inventèrent la solidarité
et ceux qui inventèrent les syndicats et les coopératives
et ceux qui inventèrent l’écologie
et ceux qui inventèrent que le monde peut changer
et ceux qui inventèrent que l’homme a une âme
et ceux qui inventèrent la publicité
et ceux qui inventèrent les supermarchés
et ceux qui inventèrent le progrès
et ceux qui inventèrent les limites du progrès
et ceux qui inventèrent l’espoir de vivre mieux
et ceux qui inventèrent l’enfer de produire plus
et ceux qui inventèrent l’exploitation
universelle, sans limites, cruelle et immorale
de l’homme par l’homme,
depuis que les hommes inventèrent le feu
que sont devenus les hommes ?…


Goiânia, décembre 2006