28 octobre 2007

Comalapa














A Chimaltenango
au bout d'une route en terre
au pied d'un volcan
vous rencontrerez San Juan
de Comalapa
la ville des peintres
la ville de Curichiche
le premier magicien

et vous connaîtrez
Juan José Misa
David Curruchin
Filiberto Chali Xocop
Felix Chax
Víctor Cheix
Bal Chali
Pedro Tuc Tuc
Rosa Helena Curuchiche
Alvaro Chachach
et tant d'autres
et tant d'autres
le pinceau à la main
pour parler de Vinek Ak
de tambours et de chirimía
du marché et du lavoir
des fiançailles et des tisseuses
du bûcher du diable le soir
et des cerfs-volants
de maïs et de tortillas
de huipils et de fleurs

Comalapa en couleur
Comalapa en musique
marimbas et cérémonies
Comalapa des peintres
Comalapa comme la vie.


Guatemala (11/2/93 et 26/10/93)

24 octobre 2007

L’AN 2000

Voyez les yeux anxieux
des banlieues
du métro
et les queues
et les files
d'attente
des chômeurs
dans les bas-fonds
du regard résigné
dans le creux de l'oubli;

mais on vous dira :
c'est ainsi
c'est ainsi
et on n'y peut rien,
revenez demain..


Voyez la foule
de plus en plus compacte
des exclus
des sans famille
des sans logis
chômeurs épuisés
d'attendre une éclaircie
et de quémander
un peu d'espoir
un peu de vie;

mais on vous dira :
c'est ainsi
c'est ainsi
et on y peut rien,
revenez demain...III


Voyez les noirs
et les beurs
et les blancs
et ceux qui n'ont plus
de couleur
qui traînent
dans la rue
leur charge de déboires
et de peur
le regard brûlant
sous la pluie;

mais on vous dira :
c'est ainsi
c'est ainsi
et on y peut rien
revenez demain...


Et pendant que les vieux
clochardisés
par des promesses
cherchent dans les poubelles
de quoi se vêtir
de quoi manger
après la messe
et pendant que les jeunes
attendent le train
dans les gares désaffectées
du chômage de longue
et d'éternelle durée
dans la nuit de l'oubli;

on vous dira :
c'est ainsi
c'est ainsi
on y peut rien
revenez demain...


Et pendant que la misère
envahit progressivement
chaque rue
chaque quartier
chaque cité
comme une inondation
de pus et de larmes
et pendant que la drogue
envahit lentement
le cerveau et le sang
d'une génération
abusée et désabusée
depuis si longtemps
si longtemps
d'une si longue nuit;

on vous dira :
c'est ainsi
c'est ainsi
et on y peut rien
revenez demain.

Guatemala (25/10/93-11/01/94)

20 octobre 2007

UN HOMME QUI SEME

Il y a des hommes
qui viennent de loin
et de tous les chemins
on ne sait pas très bien
d'où et pourquoi
mais ils sont là...
et ils vous tendent la main

Il y a des hommes
au nom imprononçable
comme une capitale africaine
ou comme un relief égyptien
caché dans le sable
d'un mystérieux jardin

Il y a des hommes qui voyagent
avec les ailes du coeur
comme des hirondelles
le vent et le bonheur
et ils sèment et ils sèment
pendant que d'autres
ne font pas grand chose
ou au mieux font semblant

Il y a des hommes
qui sont là pour montrer
la lumière des pétales de roses
et l'éclat de la rosée
où d'autre ne voient
que des murs gris
et des issues bouchées

Il y a au Guatemala
un homme
débroussailleur de doutes
de broussaille et de sentiers
un homme dont les yeux
sont des oiseaux-mouches
de la Poésie, de l'Art
et de l'Amitié

Un homme qui cherche
et qui trouve
les fleurs et les fruits
du verger caché
là où d'autres
plus savants
n'auraient jamais rien trouvé

Mais je ne dirai pas son nom
car, bien entendu
vous l'avez déjà deviné.

(à Tasso Adjidodou)

16 octobre 2007

Tempête sur le lac Atlitlan

L'inspiration souffle
sur le lac d'Atitlan
comme les vaches maigres
du dernier printemps
avec l'écume et le vent
qui s'engouffre dans la terre
jusqu'au coeur de l'océan

jusqu'au coeur
de la terre
comme un tuyau de pipe
comme un éternuement
parmi les sirènes blêmes
parmi les pieuvres
les crabes et les caïmans

dans le tourbillon du temps
avec le jade et les naïades
dans le tympan de l'affluent
comme un coquillage en cage
comme les plumes du serpent

avec les oreilles bourdonnantes
de sable de sabres et de chants
jusqu'aux confins des volcans

jusqu'au gouffre froid
des intestins marins et maladroits
et des algues rouges
et des pénitents
tant de sacrifices
inutiles et sanglants
au plus profond de l'abîme
du lac Atitlan.

Guatemala (1995)

14 octobre 2007

LES COLLIERS DE SANTIAGO

Les colliers de haricots
rouges
de Santiago
sont encore frais
et bons pour être mangés
avec une tortilla
avec un coup de tequila
avec un piment
aïe tellement piquant
qu'il brûle le coeur
et les dents
des mayas d'Atitlan.

Mais les touristes
avec leur caméra
et leurs gros souliers
les touristes avec leurs sous
et leur regard organisé
pour suivre la piste
presque effacée
et défoncée
d'un passé triste
et jamais oublié
qui mène au présent
qui mène au passé
de haricots et de colliers

aïe tellement brûlant
le passé
aïe tellement violent
le présent
pour un peu de terre
et quelques monnaies.

Guatemala (1995)

11 octobre 2007

IL FAUT TUER LES ELEPHANTS

Il faut tuer les éléphants
c'est trop gros c'est trop grand
un éléphant
et ce n'est pas rentable
quand ça court dans la savane
ça casse ça dérange ça pue
un éléphant dans la rue.

Il faut tuer les éléphants
les buffles les biches
les girafes
et les orang-outangs
tous les nuisibles des champs
pour planter et planter
et semer en tout temps
afin de développer

et encore développer

les matières premières
et le libre marché...
des stupéfiants
car ça c'est rentable
et c'est stimulant

et quoi de plus beau
qu'un champ de coca
qu'un champ de pavot....

Guatemala (1995)

10 octobre 2007

Paris ma solitude

I

Avec mon accent marseillais
j'ai traîné dans les rues
de Paris la nuit
et j'ai souvent cru
dans ma solitude
que j'étais maudit


II

Avec mon accent marseillais
j'ai traîné sur les quais
de la Seine
pour retrouver les reflets
verts de l'eau et les péniches
de maître Marquet
et j'ai rencontré des reines
promenant leur caniche
et leurs plus fidèles valets


III

Avec mon accent marseillais
je faisais sourire les postières
et les garçons de café
et je ne savais pas peuchère
comment sortir de ma misère
et de mes longues nuits
de solitude et d'ennui
avec mon accent à Paris.

Guatemala (1995)

07 octobre 2007

Il pleut sur mon enterrement

Je vois mon enterrement
clopin-clopant
un tout petit enterrement
minuscule cortège sans enfants
et la pluie et le vent
plof plof plof
contre la terre et les rochers
et mon corbillard qui roule
roule roule loin des foules
loin des prières
et des manières
et des faux-semblants.

Loin loin des tambours et des trompettes
mon petit enterrement champêtre
clopin-clopant
et moi content sous la pluie
d'avoir vécu pendant que les autres
faisaient semblant
faisaient semblant
faisaient semblant...

et moi clopin-clopant
sous la pluie
de mon enterrement.

Guatemala (1995)

06 octobre 2007

Les patrons

Des patrons
j'en ai connus de toutes nationalités :

J'ai connu des argentins des italiens
des belges des suédois
des africains
et même un hongrois...

J'ai connu aussi des patrons français :
il y en avait des mauvais
il y en avait des bons
il y en avait des sévères
des généreux des méchants
des nuls et des compétents.

Il y avait des méticuleux
qui coupaient en huit chaque cheveu
et il y avait les exigeants
ceux qui vous exprimaient
vos dernières forces
jusqu'au sang jusqu'au sang
et qui n'étaient
jamais contents
jamais contents
jamais contents...

Mais croyez-moi
les pires patrons
ce ne sont pas les argentins
ni les wallons
ni les italiens ni les suédois
ni les africains ni les hongrois

non
je les connais bien
et je ne les ai pas oubliés
les patrons français

Guatemala (1995).

03 octobre 2007

COLERI ET COLERA

Et il y avait des vagues
des vagues et des vogues
et des modes
d'aujourd'hui de demain
en diligence et la chance
des petits chemins
des petits trains

Il y avait plus de nuances
plus de musiciens
sur toutes les routes
et dans chaque coin
et dans chaque cas
coléri et coléra

ce soir je dormirai dans le foin
demain peut-être dans des draps
et je rêverai et tu rêveras
de coquelicots et de mimosa
toujours plus loin
toujours plus au-delà
coléri et coléra

et je rêverai et tu rêveras
de fuir la ville et le froid
là où il n'y a plus de lendemains
là où il a trop de bras
et trop de mains
et comme seul et unique destin
la colère et le choléra.

Guatemala (1995)

02 octobre 2007

Socialisme

Ce fut l'espoir
le soleil qui se lève
la main tendue
la bouée
qui nous aide à flotter
quand tout semble couler.

Ce fut un bouquet de fleur
au milieu de la tempête de neige.
La générosité fraternelle
des hommes pour les hommes
sur le chemin de demain.

Ce fut un grand espoir de justice
ce fut notre jeunesse
nos illusions...

Tous nos rêves furent dévorés
par les dents blanches
de l'hypermarché mondial.