29 janvier 2009

Le poète qui vous parle...de la guerre

Je suis arrivé à Buenos Aires en 1941, avec mes parents, après un très long voyage. La France était occupée par les Allemands et son nouveau gouvernement, composé de canailles politiques et de milliers de dociles fonctionnaires, obéissait aux ordres de l´envahisseur. Certains même faisaient du zèle. La Résistance ne concernait, alors, que quelques farfelus comme De Gaulle et son équipe de “terroristes”. Les Français moyens collaboraient. Que pouvaient-ils faire d´autre ?
Tout monde n’a pas une vocation de martyr, n´est-ce pas ?
L´Argentine, comme l´Espagne, le Portugal et la Suède, gardèrent une stricte neutralité qui dura jusqu´à la défaite des Allemands. Ce n’est que vers la fin des hostilités que l´Argentine déclara la guerre à l´Allemagne. Cette période de l´histoire, comme bien d´autres, est pleine de souvenirs déshonorants pour certains et héroïques pour d´autres. Mais tout est vite oublié. Que pouvons-nous faire disent, en guise de justification, les mêmes qui continuent à subir, sans protester, tous les abus de leurs employeurs et de l´Etat ? La politique, comme la bonne poésie, ne se fait pas avec des bons sentiments, nous dit-on. Soyons donc de prudentes et dociles victimes !
L´Argentine officielle était partagée. Les militaires et les descendants d´Allemands étaient pro-germaniques, mais curieusement, l´aristocratie argentine était plutôt favorable aux alliés car très influencée par la culture française. Paris, avant la guerre, était un lieu de passage presque initiatique pour les riches Argentins. La libération de Paris fut une grande fête à Buenos Aires. J´y étais !

23 janvier 2009

(suite de Paul Eluard)

Le surréalisme travaille à démontrer que la pensée est commune à tous, il travaille à réduire les différences qui existent entre les hommes et, pour cela, il refuse de servir un ordre absurde, basé sur l´inégalité, sur la duperie, sur la lâcheté. (...)
Il y a un mot qui m´exalte, un mot que je n´ai jamais entendu sans ressentir un grand frisson, un grand espoir, le plus grand, celui de vaincre les puissances de ruine et de mort qui accablent les hommes, ce mot est : fraternisation.
En février 1917, le peintre surréaliste Max Ernst et moi, nous étions sur le front, à un kilomètre à peine l´un de l´autre. L´artilleur allemand Max Ernst bombardait les tranchées où, fantassin français, je montais la garde. Trois ans après, nous étions les meilleurs amis du monde et nous luttons ensemble, depuis, avec acharnement, pour la même cause, celle de l´émancipation totale de l´homme.
La poésie véritable est incluse dans tout ce qui affranchit l´homme de ce bien épouvantable qui a le visage de la mort. Elle est aussi bien dans l´oeuvre de Sade, de Marx ou de Picasso que dans celle de Rimbaud, Lautréamont ou de Freud. (...)
(Extraits d´une conférence de Eluard, à Londres, en 1936)

Note : Que dire de ce texte de Paul Eluard sinon qu´il est exemplaire d´une époque où le poète était entièrement imprégné et se sentait concerné par la réalité sociale et politique de son pays ! Son engagement politique n´était pas contradictoire avec son engagement artistique d´avant-garde car il était un vrai grand poète !

09 janvier 2009

La poésie qui démolit les murs

Paul Eluard (1895-1952)
N´usant des contradictions que dans un but égalitaire, la poésie malheureuse de plaire quand elle se satisfait d´elle-même, s´applique, depuis toujours, malgré les persécutions de toutes sortes, à refuser de servir un ordre qui n´est pas le sien, une gloire indésirable et les avantages divers accordés au conformisme et à la prudence. (...)
Ceux qui viennent ici pour rire (Note : il s´agissait d´une exposition d´art surréaliste), ou qui s´indignent, ceux qui devant la poésie surréaliste, écrite ou peinte, pour cacher leur incompréhension, leur peur ou leur haine, parlent de snobisme, sont les mêmes que ceux qui torturaient Galilée, brûlaient les livres de Rousseau, affamaient William Blake, condamnaient Baudelaire, Swinburne et Flaubert, déclaraient que Goya ou Courbet ne savaient pas peindre, sifflaient Wagner et Stravinsky, emprisonnaient Sade. Ils se réclamaient de la sagesse, du bon sens, de l´ordre, pour mieux satisfaire leurs ignobles appétits, pour mieux exploiter les hommes, pour les empêcher de se libérer, pour mieux les avilir et les détruire par l´ignorance, par la misère et par la guerre. (...)
On ne possède aucun portrait du marquis de Sade. Il est significatif qu´on n´en possède non plus aucun de Lautréamont. Le visage de ces deux écrivains fantastiques et révolutionnaires, les plus désespérément audacieux qui furent jamais, plonge dans la nuit des âges. (...)
(Note . Voir plus loin la suite. Paul Eluard : Un grand, très grand poète !)

06 janvier 2009

Notre jardin brésilien



















Notre jardin est tout petit
quelques mètres cultivés
sur plusieurs plans et degrés
jardin sur rue pour les passants
jardin intérieur pour l´intimité
et pour quand il pleut à verse
et que souffle très fort le vent
quelques fleurs en pots
pour chasser la tristesse.

Mais notre petit jardin
ce minuscule jardin de poupées
est une forêt amazonienne
dense, touffue, envahissante,
pleine d´arbres et de plantes
de massifs et de haies
aux parfums saisissants
comme du Chanel renversé
car à Goiânia il fait chaud,
ici l´été dure toute l´année.

Notre petit jardin est aussi
est un lieu de rencontre
pour les fleurs et les papillons
pour les abeilles et les bourdons
et pour de légers colobris
visiteurs de corolles variées
aussitôt arrivés ils s´enfuient.
Nos arbres toujours verts
accueillent tous les matins
une nuée de bavards perroquets
et le scandaleux “bentiviii”...
pendant que de fines tourterelles
font un petit nid sous la tonnelle
et de nombreux oiseaux de passage
aux trilles gaies de canaris
ou aux plaintes de bandonéon
chantent, s´interpellent, crient,
comme dans une forêt sauvage
au centre même de l´Amazonie.

C´est un infime jardin
qui déborde sur le trottoir
et qui sert de cachette
aux timides lézards
aux escargots aux insectes
et à notre rusé chat noir.

Ne me demandez pas
le nom des plantes
ni celui des oiseaux
notre chat s´appelle Charlie
notre maison n´a pas de numéro
parfois c´est mieux ainsi
quand on est deux et on s´aime
depuis plus de quarante ans
en Amazonie ou à Paris
car quand ont s´aime vraiment
tous les jardins sont des paradis

03 janvier 2009

Le poète qui vous parle...d´ Antibes














Antibes, est d´après moi la meilleure ville de la Côte d´Azur pour vivre à l´année. Dans cette région de tourisme saisonnier, la vieille ville d´Antibes est aussi animée en hiver qu´en été. Puis le grand nombre d´étrangers à la région permet de se faire, assez facilement, un agréable cercle d´amis. Les autochtones, eux, plutôt méfiants, préfèrent rester entre eux.
Le port est peuplé d´étrangers anglophones qui travaillent sur les nombreux et luxueux bateaux de plaisance. Les bars du port font de bonnes affaires.
C´est dans le château Grimaldi d´Antibes que Picasso peignit sa série de grands tableaux sur la mythologie méditerranéenne, qui devint, grâce à sa générosité et à l´habileté de Dor de la Souchère, le premier Musée Picasso de France. C´est aussi, à une centaine de mètres de là, que se “suicida” le peintre De Staël en se jetant du balcon de sa maison. Certain disent qu´il était, souvent, tellement saoul qu´il serait tombé !
Beaucoup de célébrités littéraires ont séjourné à Antibes. Jacques Audiberti, lui, y était né.
C´est dans une ruelle du vieil Antibes qu´avec Monique nous avons ouvert, en 1969, une galerie d´art, “Art Club”, qui fut pendant huit ans un lieu de rencontre international. De nombreux bons artistes suédois y séjournèrent dont Roland Klang. Puis quelques artistes de la région comme Emile Marzé, Michel Gaudet, Tanagra, Chiaberge, Rose-Marie Klingbeil, Josette Ahime y exposèrent leurs oeuvres et sont, encore aujourd´hui, nos bons amis et nos meilleurs souvenirs d´Antibes.