27 février 2009

...de Lectoure
















Il y a en Gascogne une région qui s´appelle la Lomagne. Et au centre de la Lomagne il y a la célèbre ville de Lectoure.
Comment, vous ne connaissez pas Lectoure !!! C´est le Saint-Tropez des champs de tournesols. Ancien centre administratif et militaire romain la ville, fortifiée, fut trois fois détruite : une par la Wisigoths, la deuxième sur l´ordre de Louis XI, roi de France, et la troisième sur ordre du Pape car elle était devenue protestante. La ville actuelle est construite sur les cendres et les cadavres de vingt siècles de brutalité et d´intolérance. Doit-on être surpris de la méfiance des indigènes pour tout ce qui vient d´ailleurs ?
A Lectoure on veut bien vous vendre, très cher, une vieille maison en pierre et même vous saluer dans la rue, mais ne vous attendez surtout pas qu´on vous invite à boire, ne serait-ce qu´un café, chez l´habitant !
Tout en étant socialiste, la ville de Lectoure, est très conservatrice. Les Lectourois aiment beaucoup leurs traditions gasconnes et ne veulent surtout pas que des étrangers veuillent, en quoi que ce soit, les faire évoluer. La culture gasconne consiste essentiellement à manger du foie gras et du magret de canard, cueillir des champignons en automne et soutenir le club local de rugby. Pour le reste, comme tous les peuples civilisés, ils font leurs courses au supermarché et regardent le soir la télévision.
Lectoure est une très belle ville. Une revue parisienne l´a placée parmi les quatre villes, à l´intérieur des terres, les plus agréables de France. C´est certainement vrai car nous y sommes restés une dizaine d´années

25 février 2009

Cap Vert

Cap Vert sel et pierres
mer et rochers
l'eau partout l'eau rationnée
îles îles et volcans
hier la famine
aujourd'hui le vent
sec du désert.

Cap Vert la mer
Cap Vert le sang
métisse qui brûle dans tes veines
capverdiennes au regard brûlant.

Et tes rêves de départ
de nouvelles rives
de mousse et de brouillard;

Et tant de cérémonies
inutiles et stériles
pour un peu de pluie...

Je donnerai mon sang
pour une rivière
qui coule claire
sous un pont en acier
dans une verte
très verte vallée.

Loin du Sahel va ma prière
trop de soleil c'est trop
Dieu donne-nous un nuage
donne-nous un peu d'eau...

Mais Dieu est de plus en plus sourd
aux prières des pauvres
il ne veut plus écouter
ou alors il ne sait plus
distinguer la souffrance;

il croit que les larmes
des enfants du Cap Vert
vont arroser les pierres
comme une pluie d'été.

22 février 2009

...de Guatemala ciudad

Dans une rue de Santa Catarina - ethnie Cakchiquel
CHAJUL (huipil) Ethnie IXIL











La capitale du Guatemala n´a rien de pittoresque. C´est une ville avec des quartiers d´immeubles parfois plus modernes et luxueux que ceux des grandes villes européennes et, comme dans beaucoup de pays du tiers-monde, des zones sordides et inquiétantes.
Dans notre quartier bourgeois, la zone nº 10, personne ne se promenait à pied ! On ne rencontrait dans la rue que les bonnes indigènes qui allaient faire les courses. A tout moment on risquait, à Guatemala ciudad, de se faire attaquer. Comme tout le monde est armé, les voleurs, pour effrayer leurs victimes, le sont aussi. C´est le cercle vicieux de la violence. Pourtant les gens que l´on côtoie, dans la vie de tous les jours, sont très courtois et plutôt aimables. En cas de conflit personne ne crie ou gesticule car tout le monde sait que, comme dans les westerns, c´est le plus rapide au pistolet qui a raison. Je pense qu´au Guatemala, même les descendants de Napolitains se font discrets !
Bien que les rues soient peu animées, les restaurants et les centres commerciaux protégés par des gardes armés, sont le lieu de rencontre des classes moyennes. On peut y manger de la très bonne viande grillée et acheter tous les produits de consommation courante les plus sophistiqués. Il y a aussi, dans le centre historique de la ville, un immense et magnifique marché de l´artisanat indigène. Je pense qu´il y a deux sortes de personnes intéressantes au Guatemala : les indiens et les amis des indiens. Sans cette riche et merveilleuse culture Maya le Guatemala serait un pays sans fantaisie..

16 février 2009

Paul Eluard (1895-1952)

- Rien de plus affreux que le langage poétisé, que les mots trop jolis gracieusement liés à d´autres perles. La poésie véritable s´accommode de nudités crues, de planches qui ne sont pas de salut, de larmes qui ne sont pas irisées. Elle sait qu´il y a des déserts de sable et des déserts de boue, des parquets cirés, des chevelures décoiffées, des mains rugueuses, des victimes puantes, des héros misérables, des idiots superbes, toutes les sortes de chiens, des balais, des fleurs dans l´herbe, des fleurs sur les tombes. Car la poésie est dans la vie. (...)
(“Les sentiers et les routes de la poésie”)

Note : J´hésite à le dire, mais une grande partie de la poésie publiée dans les revues que je reçois m´ennuie. J´ai la sensation, depuis des années, de lire, sous différentes signatures, le même poème. C´est tellement rare de trouver un poème original, sincère, vécu que, pour en trouver un, de temps à autre, j´en lis énormément. Je ne cherche pas nécessairement des poèmes engagés, révoltés par l´injustice, par la misère, par l´exploitation de l´homme par l´homme car ils sont pratiquement inexistants en France. Il y a tout au plus des poètes qui se désolent de tant de pauvres et de victimes et demandent plus de bonté et de générosité...aux bourreaux. Aucun poème ne parle ouvertement de combattre, par la parole, les responsables menteurs et profiteurs, les fabricants de famines et de guerres Aucun poète ne semble s´inquiéter des programmes“culturels” destinés à détruire la parole libre, la parole indépendante. Peu de poètes semblent s´émouvoir de vivre une poésie bâillonnée.

voir Paul Eluard suite

07 février 2009

...de Bissau

Je suis arrivé à Bissau au mois de mai 1978. La chaleur et l´ atmosphère, dans le hangar de l´aéroport, étaient étouffantes. Si j´en avais eu les moyens je serais reparti, tout de suite, avec le même avion. C´est la vue d´une famille de suédois qui me rassura. Si eux pouvaient supporter le climat moi aussi je m`y habituerai.
La ville ressemblait à un film sur le début de la colonisation de l´Afrique. Ma petite maison, au centre de la ville, était au bord d´une rizière. Quand il pleuvait beaucoup on pouvait voir des poissons dans la rue et parfois des serpents et des varans visitaient notre petit jardin. Ils devaient se nourrir des rats qui, eux, se partageaient, avec les vautours, les ordures qui traînaient parfois plusieurs semaines sur les trottoirs ! Un soir, en promenant le chien, j´ai rencontré, dans notre rue, un ragondin tellement gros que le chien, pourtant courageux, à fait semblant de ne pas le voir.
La plupart du temps il n´y avait pas de lumière le soir. Par contre nous bénéficions d´une employée de maison, la grosse et redoutable Adelina, et d´un vieux jardinier, N´Dona, qui faisait des économies pour s´acheter une deuxième femme. Ils furent nos “fidèles serviteurs” pendant tout notre séjour. Je pense que c´est en partie grâce à leur protection que nous n´avons jamais été malades et, pour des blancs, très modérément volés.
Le chantier que je dirigeais, au début, se trouvait sur la route de l´aéroport à la sortie de la ville. Une nuit ce furent les hyènes qui ont failli dévorer notre gardien.
Pourtant nous sommes restés 13 ans à Bissau et nous en sommes partis en pleurant !!!

05 février 2009

La vie

C'est la vie !
Répètent sans cesse les survivants
de la nuit.

C'est la vie
quand tout va mal
et quand il pleut à torrents
sur le trottoir gluant
de la déchéance
sans amour
sans espoir
et la crasse la crasse
qui vous bouffe la vie.

C'est la vie !
Quand on tombe dans le ruisseau
gris de la dernière pluie
l'alcool qui vous sert de lit
qui vous sert d'oubli
sans un toit
sans amis
et la crasse la crasse
qui vous bouffe la vie.

D'ailleurs :
Est-ce vraiment une vie ?...

03 février 2009

Je pourrais aussi vous parler de mon âme

Je pourrais vous parler de guerre
des morts en Afrique ou en Irak
du chômage en France des sans abri.

Je pourrais vous parler du gâchis
des inondations des incendies
de la sécheresse et de la messe
du CAC-40 et du couac 2040
(la fin annoncée du pétrole bon marché)
mais aucun éditeur de poésie
ne voudrait de mon poème
toton tontaine, que nenni !

Pourquoi parler de choses vilaines ?

Raconte-moi ton âme profonde
et parle d´oiseaux et de fontaines
et tu n´auras que des amis, poète,
toton tontaine, et quels amis !...

01 février 2009

Le poète qui vous parle...de Buenos Aires

















Un ami argentin, Cirilo San Miguel, me disait : “L´Argentine est peuplée de frustrés. La frustration des émigrants qui n´ont pas réussi”. Je suis arrivé à Buenos Aires sans connaître un seul mot d´espagnol, mais dans la rue j´ai vite appris le “lunfardo”, l´argot “porteño” des tangos de banlieue. Jamais à Buenos Aires je me suis senti étranger. Frustré ? Oui, peut-être un peu. Mais pas par le pays qui m´a donné plus que tout autre. Les Argentins étaient les gens le plus généreux de la terre. Le rite du maté en était le symbole. Le plus pauvre des pauvres vous offrait, dans son taudis, une tournée de maté.
Les décennies 40 et 50 furent pour l´Argentine des années de grandes transformations. La guerre en Europe favorisa, dans le pays, une plus grande autonomie politique, économique et culturelle. L´Argentine découvrit ses propres potentialités tout en recevant, à travers l´émigration récente, un souffle de modernité. Pendant que les nazis et les fascistes persécutaient tous les intellectuels les plus progressistes d´Europe, l´Argentine les accueillait avec admiration et respect. Le surréalisme, l´expressionnisme, l´art concret, l´art engagé faisaient leur entrée dans l´art, la poésie, la littérature et le théâtre à Buenos Aires. Ce fut une époque extraordinaire de création. Même le folklore et le tango ont bénéficié de ces influences d´avant-garde, leurs donnant une dimension universelle. Les Argentins étaient entrés dans la vrai modernité avant les nord-américains. On ne leur pardonnera pas. Quelques années plus tard les artistes et les intellectuels argentins payeront très cher leur audace.