16 février 2009

Paul Eluard (1895-1952)

- Rien de plus affreux que le langage poétisé, que les mots trop jolis gracieusement liés à d´autres perles. La poésie véritable s´accommode de nudités crues, de planches qui ne sont pas de salut, de larmes qui ne sont pas irisées. Elle sait qu´il y a des déserts de sable et des déserts de boue, des parquets cirés, des chevelures décoiffées, des mains rugueuses, des victimes puantes, des héros misérables, des idiots superbes, toutes les sortes de chiens, des balais, des fleurs dans l´herbe, des fleurs sur les tombes. Car la poésie est dans la vie. (...)
(“Les sentiers et les routes de la poésie”)

Note : J´hésite à le dire, mais une grande partie de la poésie publiée dans les revues que je reçois m´ennuie. J´ai la sensation, depuis des années, de lire, sous différentes signatures, le même poème. C´est tellement rare de trouver un poème original, sincère, vécu que, pour en trouver un, de temps à autre, j´en lis énormément. Je ne cherche pas nécessairement des poèmes engagés, révoltés par l´injustice, par la misère, par l´exploitation de l´homme par l´homme car ils sont pratiquement inexistants en France. Il y a tout au plus des poètes qui se désolent de tant de pauvres et de victimes et demandent plus de bonté et de générosité...aux bourreaux. Aucun poème ne parle ouvertement de combattre, par la parole, les responsables menteurs et profiteurs, les fabricants de famines et de guerres Aucun poète ne semble s´inquiéter des programmes“culturels” destinés à détruire la parole libre, la parole indépendante. Peu de poètes semblent s´émouvoir de vivre une poésie bâillonnée.

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1 commentaire:

Anonyme a dit…

Pâques en juin et, bien sûr, la marmotte

Nul n'est censé l'ignorer, la fable,
souris sous l'oreiller des tyrans,
les rend, et ron, et ron, plus aimables,
elle apporte à la nuit son brillant.
Le loup donc et l'aigle et la marmotte,
bien sûr, caecotrophe ou croque-crottes,
qui emballe le chocolat dans l'alu,
sur l'homme s'étaient entendus.
Je fais ici mienne une tradition
qui combine la Trinité et l'adultère
et ceci, par la plus haute opération:
l'un au travail, l'autre en prière
et la femme, bouclier, parapluie ou set de tables!
luttant, se démenant comme un beau diable.
Mais ce délicieux théâtre d'ombres est clos
tout le monde aujourd'hui, boulot, boulot.
La science désormais privée de sens
groggy, titube, sous le signe de sa propre absence.
Est-elle, dans le regard inquiet, cette ombre
qui s'évanouit lorsqu'on rallume la flamme
ou sur l'esprit d'un autre temps, plus sombre,
quelque tatouage secret en échange d'une « âme »?
Mais le loup, et l'aigle et la marmotte,
frères humains, que sont-ils devenus?
Car the great people, d'euphémisme en litote,
s'ennuie, la barbe! du connu trop connu.
Nul n'est censé l'ignorer, la fable,
souris sous l'oreiller des tyrans,
les rend, et ron, et ron, plus affables,
à minuit, il sont devenus grands, mais grands!
Et leurs bras et leur oeil, idem, à leur guise,
et langue, oreilles, pareil, selon leur gourmandise,
mais non le nez accolé au sixième,
blanches ailes de Hollandais pour capitaine,
lieu tenant général, poète aux griffes de couguar.
Leur liberté se laboure au creux d'un lit.
Mais voilà que ça grince! Le mauvais esprit!
Trop mécanique, trop strass, paillettes et fards,
et trop, mais trop, ils n'en savent trop rien,
trop tout, à la fin, au galop, allez! Viens!
Avec le loup et l'aigle et la marmotte
bien sûr, complètement folle de chocolat, ah! la, la,
ils tournent, volent et sifflent au-dessus des mottes
griffes, crocs, poils, s'éreintent et marquent le pas,
la belle boulette! Jusqu'à ce que, catastrophe!
Sauf qu'ouf! Les philosophes sont là, les philosophes!