27 avril 2009

...d´art engagé

Très tôt j´ai eu le tort de m´intéresser à l´Art et à la politique. Le premier tableau que j´ai acheté, au début de 1960, en Argentine est le puissant portrait d´un gréviste de Ricardo Carpani (1930-1997). Ce peintre muraliste, principal animateur du groupe Spartacus et théoricien de l´art engagé en Amérique Latine, ne pouvait pas concevoir un art purement décoratif et sans contenu. Suivant l´exemple de Rivera, de Orozco et de Siqueiros au Mexique, lui et son groupe d´amis - dont Di Bianco fut le plus fidèle - firent des peintures murales partout où ils trouvèrent des surfaces disponibles. Ils demandaient, pour leur travail, la peinture et le salaire minimum d´ouvrier. Je n´ai jamais pu voir ces peintures in situ : elle furent toutes détruites par les dictatures militaires en Argentine.
Cette peinture puissante, porteuse de révolte et de résistance, n´a pas duré longtemps. Les meilleurs artistes de gauche, souvent menacés par la police politique et par la haine des patrons, durent s´exiler ou se transformer en peintres de chevalet pour survivre.
La vague d´apolitisme dans l´art et la poésie en Argentine - et même ailleurs - est le résultat d´années de censure, d´intimidations et de persécutions que subirent - et subissent encore - les artistes les plus engagés dans le monde dit “libéral”.
Carpani ne renonça jamais. Jusqu´à la fin de sa vie il réalisa des peintures murales et des tableaux de lutte. Célèbre dans son pays et admiré dans beaucoup d´autres, il est néanmoins l´un des artistes argentins connus et reconnus parmi les moins cotés sur le marché de l´art.

20 avril 2009

La grande poésie

La grande poésie
est faite
d´un grand nombre
de petites poésies
de poésie honnête
bien faite
par de petits poètes
de bonne volonté
qui par addition
ou par adhésion
deviendront un jour
peut-être
de vrais grands poètes
mais ils ne le sauront
jamais
car la vraie poésie
la poésie immortelle
la divine poésie
reste un mystère
infini et maudit
puisque personne ne sait
reconnaître avec certitude
la vraie grande
poésie
sauf peut-être
quelques rares poètes
pleins de doute
sur la poésie
d´aujourd´hui

15 avril 2009

...de galeries d´art

Pour ouvrir une galerie d´art il faut être très riche ou très naïf, mais dans tous les cas il faut aimer l´art et les jeunes artistes. Une galerie est une façon de faire vivre l´art mais rarement une manière de vivre de l´art. Diriger une galerie permet de comprendre deux choses :
a) Les artistes deviennent parfois nos amis mais le plus souvent, les plus ambitieux, trahissent leur marchand pour exposer dans des galeries plus prestigieuses ou simplement plus riches.
b) Les collectionneurs aisés sont moins nombreux que les artistes.
Avant la généralisation de l´ordinateur, dans une galerie dynamique, on passait la plus grande partie de son temps á remplir des enveloppes pour les invitations et a accrocher et décrocher des tableaux. La plupart des visiteurs étaient soit de simple curieux, soit des amis ou encore des artistes à la recherche de galerie. Pour une raison mystérieuse et assez décourageante, malgré tous les efforts du galeriste pour présenter des oeuvres de qualité, rarement les ventes arrivaient à couvrir les frais de la galerie et encore moins ceux d´un jeune artiste.
Quand nous avons ouvert notre galerie en Suède nous avons décidé de présenter ce que nous connaissions le mieux : les artistes des pays latins. Nous avons appelé, tout naturellement, notre galerie : “Latina”. Puis tous les ans nous parcourions le grand Salon d´Automne à Stockholm pour essayer de découvrir de nouveaux talents de l´intérieur du pays. C´est ainsi que nous avons aussi donné leur chance à de magnifiques artistes de province.

05 avril 2009

...de collection d´art

Beaucoup de gens pensent que collectionner des tableaux est un luxe réservé aux riches. Oh, combien ils se trompent ! L´art, est même le grand art, avant de devenir un objet de spéculation est très abordable.
L´une des plus belles collections privées de Suède a été réalisée par un artiste plutôt pauvre, mais d´un goût raffiné et saisi d´une vraie passion pour les oeuvres d´art. Il a construit sa collection à base d´échanges et de séduction. Peu d´artistes suédois, dont certains très connus, lui ont refusé leurs tableaux contre un de ses collages ou une de ses sculptures. Je ne dirai pas son nom pour éviter qu´il soit cambriolé (il n´a pas les moyens de payer des assurances) mais mon cher Ian, je n´oublierai jamais l´émotion ressentie devant chaque mur et chaque coin de ta maison au milieu de la campagne.
Aucune institution officielle n´offre en Suède - ni ailleurs - une telle concentration de tableaux et de sculptures avec tant d´art, de beauté et de charge émotionnelle. Toute sa collection vibre comme un instrument à corde.
L´art acquis avec passion, par un collectionneur, est au-dessus de toute considération critique ou financière: l´art choisi avec amour dépasse de beaucoup les critères du marché de l´art. Et, j´insiste, avec très peu de moyens et beaucoup de passion n´importe qui peut commencer une collection de gravures et de dessins de jeunes peintres. J´ai vu partir des cartons pleins de beaux dessins dans une vente à la salle à Drouot pour 200 ou 300 euros. Le prix d´un repas dans un restaurant gastronomique à Paris !...

03 avril 2009

...du monde de l´art

Je viens de relire tout un vieux dossier sur la situation de l´art contemporain en France et celui de ses acteurs et le bilan est plutôt inquiétant. Il y a, depuis quelques années, deux mondes séparés par un mur plus hermétique que celui de Berlin ou de Tijuana : celui des artistes renommés et celui des artistes ignorés. Les renommés sont de plus en plus chers et peuvent arriver à des prix dépassant les Rubens ou les Goya et les autres, d´une qualité et d´un parcours pourtant égaux, n´arrivent plus à vendre leurs oeuvres.
Les mécanismes du commerce de l´art fonctionnent aujourd´hui selon des critères tout à fait autonomes, mystérieux et très proches de ceux de la spéculation boursière. Les règles du jeu du marché de l´art n´ont pas d´autres repères que ceux de leur valeur aux enchères. Ce ne sont plus, comme jadis, les galeries indépendantes les découvreurs de talents. Ces galeries ont peu à peu fermé - car elles n´arrivent plus à vivre - et sont remplacées par des financiers à la recherche de “coups”. Ils achètent, par exemple, toute l´oeuvre d´un peintre qui a un bon curriculum mais pas de marchands, pour un prix disons d´un quart de sa valeur ; puis ils multiplient par dix leur valeur de vente en rachetant leurs propres tableaux aux enchères à New York pour avoir une “cote”. Ensuite ils commencent une tournée dans toutes les grandes villes de province des Etats Unis pour écouler leur stock à 20 ou 30.000 dollars chaque tableau. Si ça marche, l´artiste concerné peut vivre plusieurs années sur la lancée. Si ça échoue l´artiste ne vendra plus rien de toute sa vie...

01 avril 2009

Ils vont et ils viennent la nuit

Les automobiles roulent fatiguées.
Un enfant appelle sa mère.
L´ascenseur cliquette péniblement
dans la nuit épaisse du lundi.