28 mai 2009

LE SOLDAT INCONNU

La flamme du soldat inconnu
illumine les médailles
de ceux bien connus
qui cultivent la grisaille
des longs couloirs
du moulin à papier
de multiples tiroirs

et qui gèrent les défilés
et le triste sort
des soldats morts
dans les tranchées.

26 mai 2009

L’humanité couleur pétrole

Chaque fois que la haine
remplace la raison
chaque fois que la religion
développe la haine.

Chaque fois que les menaces
remplacent le dialogue
chaque fois que la violence
remplace le compromis

Chaque fois que les plus forts
écrasent les plus faibles
chaque fois qu’un peuple
devient l’otage de la faim.

C’est le prix à payer
me dit le pompiste
pour que vos voitures
roulent il faut des morts

Aujourd’hui la civilisation
a la couleur du pétrole
demain les morts
iront à pied
chez le pompiste

24 mai 2009

...du métier d´artiste

Je crois que c´est Manet qui disait : “Il faut décourager les jeunes artistes”. Ma mère ne le savait pas, mais quand je lui ai dit que je voulais entrer à l´Ecole des Beaux Arts de Buenos Aires elle a tellement pleuré que j´y ai renoncé. J´ai continué mes études d´ingénierie mécanique. Bien qu´il y eut une époque où on parlait des “arts mécaniques” comme on parlait de “l´art de la guerre” (des artistes peintres de génie, comme Léonard de Vinci, les pratiquaient tous) je n´ai jamais trouvé, dans toutes mes années d´étude et de travail, un sujet de conversation intéressant sur mon métier. Je ne connais personne qui ait conquis l´amour d´une fille avec des formules mathématiques ! Einstein, peut-être, mais il reste l´exception. D´ailleurs j´ai rarement rencontré, dans mon milieu de travail, des collègues ayant une culture générale et un esprit ouvert. La technique, de plus en plus spécialisée et complexe, sollicite de l´ingénieur, pour être performant et efficace, toute son énergie. Un ingénieur suédois me disait : “Quand je lis un roman j´ai la sensation de perdre mon temps. Un livre technique me sera bien plus utile pour mon travail”. On demande à l´ingénieur, selon la logique tayloriste, des objets de plus en plus sophistiqués, pour un prix de plus en plus bas, sans lui donner l´occasion d´analyser ni leur utilité ni leur effet sur la société et l´environnement. Je pense que peu de techniciens se posent la question sur, par exemple, l´impact négatif de l´automatisation sur emploi. Mais est-ce que beaucoup d´artistes modernes se posent la question sur l´utilité sociale de leur art ?...

19 mai 2009

...d´académisme

Jusqu´a la fin du XIXème siècle l´Académie des Beaux Arts dictait les critères du grand Art. Les prix qu´elle distribuait, dans les Salons, étaient pour les artistes une ouverture sur le marché de l´art de l´époque. Sans la reconnaissance des Académiciens, pas de commandes officielles et peu de clients privés. C´était donc des artistes consacrés qui distinguaient de jeunes artistes. Cette sélection corporative, héritée du compagnonnage, pourrait être considérée comme normale et sans doute juste, car qui mieux qu´un peintre pour juger un autre peintre ? Ce ne fut pas le cas, car les “maîtres”, eux-même issus de ce processus de sélection, privilégièrent opiniâtrement plus la technique et le choix du sujet que l´originalité d´exécution. Le résultat fut la sclérose du style “académique” à une époque où tout changeait rapidement dans l´industrie, la consommation et les moeurs. L´art restait figé au anciennes normes du classicisme. De là sa déchéance. Ce n´est donc pas étonnant que toute une génération de jeunes artistes se révolte et qu´ils soient aussitôt remarqués et soutenus par quelques esprits brillants et progressistes de l´époque et par des amateurs d´art, en particuliers américains, qui avaient une longueur d´avance dans le modernisme.
Est-ce mieux aujourd´hui pour l´art et les artistes ? Est-ce que les fonctionnaires de la culture, les critiques parisiens renommés, les “conservateurs” de musées sont plus libres, plus éclairés, plus compétents pour juger la création contemporaine que les académiciens du XIXème siècle ? Parfois nous en doutons !...

01 mai 2009

Le marigot

Dans le boue du marigot
dans l’eau noire des rias
il y a des crapauds
et des Ave Maria

il y a tout un monde
dans la boue et dans l’eau
il y a des tombes
il y a des cadeaux
dès que le riz sort la tête
et le filet le tilapia
dès que les grosses crevettes
nagent dans l’huile du plat.

il y a aussi les jours de fête
la musique et le vin
qui reflètent en cachette
et tombent dans le ravin
et tombent sur la tête
dans l’eau noire des rias
c’est le destin des plus bêtes
le destin des parias
de pleurer les jours de diète
et de maigrir le mardi gras

c’est le destin des plus démunis
de vivre dans le marigot
car pour avoir du poisson et du riz
on doit prier les pieds dans l’eau.