21 février 2010

Quand on ne s'arrête pas


Quand le soleil tombe
sur les tuiles
fumantes
des dernières maisons
et on ne s’arrête pas

Quand la nuit tombe
sur les tuiles
béantes
des maisons visées
et on ne s’arrête pas

Quand l’aurore s’éveille
sur les fenêtres
brisées
par les dommages collatéraux
et on ne s’arrête pas

Quand le jour se lève
et on ramasse les cadavres
d’enfants
les combattants n’étant plus là
et on ne s’arrête pas

Tous vos beaux discours sont
fumants béants brisés
et les enfants morts
vous montrent du doigt
quand ça ne s’arrête pas

20 février 2010

Souvenirs de la sortie du camp de concentration

L´Espagne et l´Argentine sont restés, pendant la guerre, des pays neutres. Donc les Espagnols et les Argentins, prisonniers du camp, firent des démarches, auprès de leurs consulats, pour êtres libérés. Les juifs de l´Alsina eux y restèrent. Les autres, arrivés avant, aussi. Que sont-ils devenus ? Comment le savoir sans documents et sans récits écrits ? Toute cette partie de l´Histoire reste confuse et souvent discrètement honteuse. Parfois les chercheurs gardent un pudique silence sur le rôle, entres autres, des autorités françaises de l´époque. On préfère parler des camps d´extermination de Auschwitz et de Buchenwald, bien germaniques, que de ceux qui se chargèrent, dans toute l´Europe, de les remplir. Ni dans l´Alsina qui nous transporta, sans explications, jusqu´à Casablanca, ni parmi les autorités qui nous réceptionnèrent et nous transportèrent jusqu´au camp, ni dans le camp je n´ai jamais vu un seul Allemand !...
Les Argentins et les Espagnols sortirent du camp et furent logés dans une école à Casablanca. Ceux qui avaient encore quelques moyens se logèrent dans un hôtel sur la plage. La nuit on entendait les vagues.
C´est en nous promenant, à Casablanca, que nous avons découvert une sandwicherie automatique ! On mettait un jeton et on recevait un sandwich au choix. C´était très moderne pour l´époque !
Puis, pour retourner chez nous, nous prîmes le train de Casablanca à Oran. En classe économique bien sûr. Puis à Oran nous descendîmes à pied, de la gare au port, et nous prîmes le bateau pour retourner à Marseille.

12 février 2010

Souvenirs du camp

Qui avait eu l´idée et d´où venait l´ordre, en 1940, de faire un camp de concentration pour juifs au Maroc ? Ce que je peux affirmer c´est que le camp était dirigé par un officier français et que nos gardiens armés étaient des tirailleurs sénégalais. Personne n´était maltraité. L´officier français vivait avec une jolie petite adolescente berbère - qu´il avait du échanger contre un dromadaire -, et les tirailleurs, décontractés et souriants, se la coulait douce.
L´officier avait proposé, aux femmes du camp, de s´occuper de la cuisine afin, avait-il dit, - “d´assurer la propreté de la nourriture “. L´armée offrait les denrées de base. Je me souviens d´avoir mangé, pour la première fois de ma vie, des d´épis de maïs cuits. Le maïs bouilli et après légèrement grillé sur un feu de bois me semblait exquis. Et pour l´hygiène corporelle, comme l´eau manquait dans le camp, nous étions autorisés à aller nous baigner, toutes les après-midi, dans l´eau claire d´un large fleuve qui coulait à proximité. Personne ne s´échappait. D´ailleurs où aurions-nous pu aller sans argent et surtout sans papiers ?
Pour dormir c´était moins évident. Le responsable du camp avait jugé qu´il était préférable de ne pas séparer les famille. Mais le hangar qui nous fut assigné n´était pas aménagé comme dortoir. Nous avions, pour lits, des sacs en jute remplis de feuilles de maïs, posés directement sur le sol en ciment. La nuit les cancrelats grouillaient et les rats faisaient la course. Je ne parle pas des puces car nous ne pouvions pas les voir. Entre les plaintes des insomniaques et le bruit de feuilles sèches des paillasses certains adultes se plaignaient de ne pas pouvoir dormir. Ce n´était pas mon cas. La vie du camp convenait à mon insouciance d´enfant.

10 février 2010

L'écho du poète c'est le silence profond

Quand l'homme pousse un cri
dans une étroite vallée
l'écho lui répond
ohé...ohé...ohé

mais quand un poète
pousse un cri d'amour
l'écho devient sourd
et très souvent muet...

09 février 2010

Souvenirs de Dakar

Le port de Dakar était, en 1940, assez spacieux et les quais bien aménagés. Le commerce de l´arachide, principale exportation, devait être très rentable. Certaines de nos colonies étaient alors, quoi qu´on dise, une bonne source de revenus pour la France. Les terres gratuites et la main d´œuvre bon marché assuraient une confortable plus- value des produits agricoles. Puis les colonies étaient également un débouché, sans concurrence, pour nos produits de consommation, invendables ailleurs. Plus tard on a donné, à certains pays, l´indépendance mais on a gardé, autant que possible, le contrôle des affaires. On a appelé ce néocolonialisme : la Coopération...
Mais en 1940 c´est la France vaincue qui était devenue une colonie. Une colonie allemande. Dans le port, sillonné de pirogues africaines, dormait, inutile, un puissant cuirassé: le Jean Bart, ainsi que quelques vedettes.
L´Alsina, notre bateau, se trouvait parfois ancré dans le port. Quand nous n´étions pas à quai, une barque faisait quelques allers et retours. Nous étions libres de nos mouvements. Nous allions nous baigner dans une crique près du port et nous pêchions des oursins très nombreux sur les rochers. Parfois nous nous promenions dans la ville ou sur les marchés. Nous n´achetions jamais rien, car nous continuions a êtres nourris sur le bateau. Le commandant attendait l´autorisation d´appareiller vers notre destination : Buenos Aires. Les mois passèrent et l´autorisation n´arriva pas. Par contre il reçut, soudain, l´ordre de nous conduire à Casablanca. Dès notre arrivée nous fûmes transportés, dans de vieux bus, vers un camp de concentration ! Qui connaît l´histoire de ce camp au Maroc ?...

05 février 2010

Guerre

La violence des mots
de guerre
et de haine de l'inconnu
d'en face
que nous assassinons
avant même de nous connaître

03 février 2010

Souvenirs du grand départ


Quand je mis les pieds sur “l´Alsina”, le gros bateau qui devait nous amener en Argentine, j´ai compris que ma vie avait changé. Ce fut le début d´une grande aventure...une aventure qui n´arrêta jamais.
J´avais alors 10 ans et, pour la première fois, un vrai copain de mon âge. C´était Antonio Abrínez qui, avec ses parents et son frère, venaient de fuir l´Espagne de Franco. Sur le même bateau avaient embarqué, vers l´exil, plusieurs membres du gouvernement républicain espagnol, dont l´ancien Président Niceto Alcalá Zamora. Il y avait aussi beaucoup de juifs qui s´échappaient de l´Europe nazie et une dizaine d´argentins rapatriés. L´Alsina, qui avait aménagé les cales en dortoirs, transportait un grand nombre de passagers. Il y avait les dortoirs des femmes et des enfants et ceux des hommes. La salle à manger, qui fonctionnait en plusieurs tours, réunissait les familles autour de repas simples mais copieux. Pour moi, qui ne connaissait que la vie assez rustique du petit paysan, c´était des vacances merveilleuses. A mes yeux l´Alsina était ce que fut, plus tard, le “Club Med” pour beaucoup de Français ; puis il y avait l´immensité de la mer et surtout, plus d´école ! Ce fut la période la plus heureuse de mon enfance.
Après je ne sais plus combien de jours de navigation, nous arrivâmes à Dakar. Quelle fête pour les yeux et les narines ! Ce n´était pas la jungle du cinéma, mais c´était très différent de ce que j´avais connu en Provence. Le port sentait la cacahuète et des centaines de noirs chargeaient des sacs destinés aux huileries françaises. La guerre n´empêchait pas les bonnes affaires !..

P.D. l'Alsina : 1921 - Coulé en 1942 à Bougie par une attaque aérienne allemande

02 février 2010

Souvenirs de guerre

Je me souviens de la déclaration de la guerre en France. Oui, je n´avais que 9 ans et je m´en souviens encore. Nous étions en vacances dans un village du Massif Central. Les gens se précipitaient devant la Mairie pour lire l´avis de ”mobilisation générale”(le 24 août 1939).
- C´est la guerre !- disaient les femmes en pleurant. J´avais seulement compris, dans tout ce remue-ménage, que les vacances étaient finies et qu´il fallait rentrer à la maison. La guerre fut vite terminée à Marseille. Il y eu quelques alertes (nous nous refugiâmes chez ma grand-mère paternelle où il y avait une cave profonde sous la terrasse). Mon père, qui après quelques déboires dans son élevage à Salon de Provence (dont il accusait le gouvernement...) et un échec en pays gascon, s´était installé à Marseille et commençait, tout en cultivant des légumes et en élevant des lapins, à faire le commerce de fruits (qu´il allait chercher à Salon de Provence). Son affaire marchait plutôt bien. Il fournissait quelques épiciers du coin en fruits et légumes qui, en échange, lui vendaient certains produits rationnés. La guerre n´affectait pas trop notre modeste train de vie. Nous mangions à notre faim. Mais voilà que commencèrent les restrictions d´essence. Le commerce avec Salon devenait problématique et la petite ferme que mon père exploitait ne suffisait plus à couvrir tous nos besoins. Ce fut alors qu´eut lieu la rencontre avec un groupe de “gauchos” argentins qui avait accompagné un bateau chargé de chevaux et qui était coincé à Marseille. Une impressionnante grillade, avec un agneau entier, fut organisée, avec la participation du consul argentin. C´est là où est née l´idée de partir en Argentine. C´était en 1940.