30 août 2010

Le départ de Buenos Aires

Pris dans la tourmente du coup d´Etat contre Péron je perdis ma place de Chef des Ateliers. J´eus le tort d´adhérer à la grève générale qui fut décrétée par la CGT. J´étais cadre donc je devais participer à la haine des patrons contre les syndicats péronistes. Mais le patron de Fabriloza commit une erreur : Il menaça de me dénoncer à la police si je lui faisais un procès. Ce fut l´époque tragique où on enfermait les dirigeants syndicaux dans la prison-mouroir, désaffectée, de Terre de Feu. Un avocat communiste prit ma défense et, avec le soutien des délégués du syndicat, je gagnais le procès qui me paya mon voyage en France et le début d´une nouvelle vie.
Le jour du départ du bateau j´eus une grande surprise : deux des directeurs de Fabriloza étaient sur le quai ! C´est alors que je découvris que le patron voyageait sur le même bateau ! Je m´approchais de lui et je lui tendis la main. Sur le quai il y avait aussi une quinzaine de personnes qui saluaient bruyamment mon départ, dont quelques ouvriers de l´usine. C´est alors qu´il me dit : “Vous semblez être très populaire ! Venez me voir demain dans ma cabine. Je suis en première classe.”
Moi je n´étais qu´en troisième car il n´y avait pas de quatrième sur ce bateau. Néanmoins, quelques jours plus tard, curieux de connaître ce qu´il allait me dire, je lui rendis visite. Il avait le mal de mer. Pendant tout le voyage il vomissait tout ce qu´il mangeait ! Mais bien que décomposé par les nausées, il me reçut courtoisement et me proposa, dès mon retour en Argentine, de m´associer à une affaire de machines outils d´occasion !!! Le fait est qu´il avait, déjà, le projet de vendre Fabriloza !

27 août 2010

Une ville nouvelle !

Je suis arrivé un jour
dans un pays fleuri
aux abords d´une ville
propre et silencieuse
La ville était fermée aux étrangers...
On y voyait à l´intérieur
des enfants s´amuser
et quelques vieillards
qui se promenaient à pied
la ville sentait bon
le romarin et le genêt
car une forêt de pins l´entourait
c´était un endroit calme
les oiseaux piaillaient
et un adolescent assis sur un banc
jouait de la guitare
et chantait l´amour à son aimée
les pommiers du jardin public
regorgeaient de fruits
c´étaient de petites pommes
bien rouges et juteuses
qu´on appelle les “reinettes”
je demandais au gardien
si je pourrais en acheter
une poignée et il se mit à rire
-“nos pommes ne sont pas à vendre
il suffit de cueillir celles qui tombent”
mais comme il m´avait défendu l´accès
je compris que jamais je n´en mangerai.


-“Où puis-je dîner et passer la nuit”
je demandais au gardien
déçu de l´accueil
réservé aux randonneurs.
-“A un kilomètre de la ville
il y a une auberge pour les étrangers.
Les panneaux vous indiqueront
le chemin” dit le gardien
-“Je ne suis pas riche...”
-“L´auberge est gratuite pour une nuit
c´est la ville qui paye”.
-“L´auberge est gratuite !
Je n´en reviens pas !
Quel est donc le nom de cette ville
qui éloigne si gentiment les étrangers ?”
-“Notre ville n´a pas encore de nom.
Les habitants vont voter.
Tout ce que je peux dire
c´est qu´elle aura un nom de fleur “
Cette nouvelle ville cossue
moderne et très écologique
choisissait ses nouveaux habitants
et pour y être accepté il fallait
signer un contrat de bon voisinage
très strict et contraignant
le lieu semblait agréable
très convivial et rassurant
mais je ne serai jamais candidat
non jamais de jamais
pour vivre dans un condominium
aussi parfait et sans nom.

22 août 2010

La fin de l´industrialisation argentine

L´année 1955 fut le début de la fin de l´industrialisation péroniste. Après le coup d´Etat et la fuite de Péron, le protectionnisme économique qui permettait aux entreprises argentines de survivre, s´effrita. Les multinationales et les gros propriétaires terriens firent pression pour l´ouverture des marchés. Les entreprises nationales, fautes de techniques modernes, de savoir-faire et de capitaux, s´écroulèrent. Aucune des entreprises, où j´ai travaillé dans ma jeunesse, n´a survécu au libéralisme. L´industrie de substitution - qui eut son apogée pendant la deuxième guerre mondiale - n´était pas concurrentielle dans un marché ouvert. Les produits importés remplacèrent, très vite, les produits nationaux. Mais le chômage - qui dépassa les 20% - devint endémique et les travailleurs assistèrent, impuissants, à la régression de toutes leurs conquêtes sociales.
Ce fut, quelques années plus tard, que les syndicalistes et les intellectuels convergèrent vers l´idée d´un mouvement de résistance nationaliste Mais Big Brother avait déjà pressenti le danger. Des dizaines de milliers de militaires et de policiers latino-américains furent formés (déformés ?), pendant des années, dans des “écoles” spéciales à Panamá et aux Etats Unis pour apprendre à combattre le “communisme” !
En 1974 commença, dans un pays qui avait la classe moyenne la plus cultivée d´Amérique, la chasse à l´homme. Il y eut 30.000 disparus et des dizaines de milliers d´exilés. Ce fut une hécatombe pour la culture et l´économie du pays. Il faudra, certainement, beaucoup de temps pour que le pays récupère sa prospérité d´antan.

14 août 2010

Et demain la vie ?...

Pour assurer notre survie
dans un monde perturbé
il faudra effacer des mots
beaucoup de mots indésirables
comme
rentabilité efficacité vitesse
mode publicité supermarchés
PIB mondialisation tourisme
guerre armes armées
exploitation colonisation domination
spéculation mégapoles industrialisation
il faudra aussi effacer
des mots grossiers
comme
pillage cupidité destruction
égoïsme accumulation possession
il faudra beaucoup effacer
pour redonner quelque espoir
de survie à l´humanité troublée
qui cherche d´autres mots
des mots pour redonner vie à

Liberté Egalité Fraternité !

09 août 2010

Votre nom est courage...

Julio Cortázar Luis Franco Juan Gelman Noé Jitrik Alberto Szpunberg Francisco Urondo María Helena Walch et tant d´autres poètes amis, frères, camarades que nous admirons comme nous admirons
l´Argentine du courage
celle des 30.000 sacrifiés pour vouloir préserver
l´Argentine digne
l´Argentine créative
l´Argentine généreuse
l´Argentine des millions d´émigrants intégrés buvant du maté et disant : “Nous les Argentins, ché !” avec l´accent italien, polonais, galicien, napolitain, français...
L´Argentine bien argentine
celle que nous avons tant aimée...

et puis il y a aussi

l´Argentine brisée par la haine des bourreaux
l´Argentine de l´intelligence humiliée
l´Argentine des affaires sales
l´Argentine colonisée par l´argent étranger
L´Argentine brisée massacrée ruinée par des
brutes qui n´ont toujours rien compris
l´Argentine qui nous fait pleurer de regrets.

Quand verrons-nous l´Argentine ressuscitée ?

08 août 2010

Mes métiers à Buenos Aires V

Après trois mois à la filature Biella l´ancien gestionnaire, ayant échoué dans ses affaires, voulu reprendre sa place. Je dus chercher un nouvel emploi. Je trouvais, alors, un emploi qui marqua un tournant dans ma vie professionnelle : celui de dessinateur de machines et d´installations d´une fabrique de céramique en construction. Mon chef était un ingénieur hongrois, très compétent et aimant transmettre son savoir. Je peux affirmer que c´est à Fabriloza que j´ai appris mon métier d´ingénieur. Pendant trois ans, tout en continuant mes études à l´université, j´ai gravi tous les échelons de connaissances et de responsabilités dans mon secteur.
Je pourrais écrire un livre sur tout ce que j´ai appris, dans cette usine, sur le plan technique et humain. Je n´ai jamais rencontré ailleurs une telle ambiance. Le patron on ne le voyait guère. Le directeur technique était un chimiste intelligent, mais sans grande expérience dans la céramique. Le seul vrai professionnel expérimenté dans ce domaine était le mouliste italien. C´était un artisan communiste et anti-fasciste. D´ailleurs tous les cadres de cette usine étaient de gauche ! Je pense que le patron, un juif roumain, préférait ça plutôt que les syndicalistes péronistes dans cette période trouble de revendications sociales et de plein emploi.
Puis l´entreprise tournait bien. Avec 350 ouvriers et employés nous produisions 20.000 pièces de vaisselle par jour ! Nous n´arrivions pas à fournir la demande ! Pourtant, un an après mon départ, avec de nouveaux propriétaires, l´entreprise faisait faillite !

05 août 2010

Les pauvres sont pauvres !

Les pauvres sont pauvres
car ils sont nés pauvres
et n´ont pas appris à exiger
leurs droits aux nantis.

Les gros patrons eux
sont nés très riches
et pour pouvoir le rester
on leur a enseigné
dès leur plus jeune âge
a beaucoup exiger.

Ils vous diront que
ce n´est pas la faute aux patrons
mais à la compétitivité
s´il faut travailler plus
tout en étant moins bien payé.

C´est la faute aux Chinois
c´est la faute aux syndicats
et aux plombiers polonais
et j´oubliais les impôts
si les riches pour le rester
doivent toujours exiger
aux pauvres de beaucoup
beaucoup beaucoup
travailler s´ils veulent
garder leur emploi
épuisant et mal payé.


Un bon ami me disait :
- “Quand j´ouvre mon usine
le matin j´ai des impôts à payer
j´ai les salaires les charges
l´eau et l´électricité
et la gueule des ouvriers
j´en ai marre je vais arrêter
je vais vendre mon usine
je suis maintenant assez riche
pour ne plus avoir besoin
de travailler pour payer
le salaire des ouvriers.”

Les Espagnols aisés
disent:avec sagesse :
“Les gens qui travaillent
sont ceux qui ne savent
pas faire autre chose !”

Il n´y a que les pauvres
qui n´ont toujours pas compris...
Il suffirait d´exiger
de ne plus travailler.

Que feraient alors les patrons
et les nombreux parasites de l´Etat
si les pauvres refusaient tout emploi ?