23 décembre 2010

L´arrivée à Stockholm II

Lors de mon arrivée à Stockholm j´ai logé, les trois premiers jours, à l´auberge de jeunesse. Elle était située sur le port dans un ancien grand voilier : le “Chapman Ship”. C´était ce qu´il y avait de moins cher. Puis je cherchais le contact avec Carlos, l´Argentin que j´avais connu à Paris. Il faisait, comme tous les étrangers de passage, la plonge dans un restaurant “self-service”. “Diskare” (plongeur) était l´un des premiers mots que nous apprenions à notre arrivée. En été la police d´immigration donnait, sans difficultés, des permis de travail provisoires pour les restaurants et les hôpitaux. La Suède manquait de main-d´oeuvre intérimaire peu qualifiée (il y avait alors le plein emploi !) et curieusement, en été, on trouvait dans les cuisines de Stockholm beaucoup d´étudiants - y compris suédois - qui se payaient ainsi leurs vacances. La plupart des “diskare”, du sud de l´Europe, avaient au moins leur bac ! 90% des personnels de restaurants étaient étrangers ! Beaucoup étaient de rustres et solides travailleurs finlandais. Seuls les chefs étaient suédois !

Il y avait aussi les “diskplockare” (ramasseur de plateaux). J´ai exercé, à mes début, les deux métiers...

Carlos partageait une chambre avec José, un espagnol joyeux et cultivé. Passés les trois jours réglementaires, le responsable de l´auberge, inflexible, me mit à la porte. Je fut invité par Carlos à partager leur chambre...et leur loyer. Ce qui me semblait normal ne l´était pas pour la logeuse. Je fus expulsé de mon refuge. Ce fut un jeune espagnol qui m´évita de devenir SDF. On l´appelait “el pelado”. Souvent la solidarité d´amis occasionnels me sauva la vie. Je ne l´oublie pas !

19 décembre 2010

L´arrivée à Stockholm I

Dans le compartiment du train qui m´amenait de Paris à Stockholm, il y avait une jeune Suédoise charmante et affable. Elle m´apprit qu´elle était restée un an “au pair” à Paris. Je lui racontais que je venais d´Argentine et que, moi aussi, j´avais, pendant un an, découvert Paris et que j´allais en Suède avec l´intention de chercher un emploi et de connaître quelque chose de nouveau. Très positive, elle m´assura que je trouverai facilement un travail, dans mon métier, car la Suède était un pays prospère et accueillant. Pendant ce long voyage il s´établit entre Ingrid et moi un courant de sympathie. J´étais content et rassuré de la connaître. Mais dès que nous avons traversé la frontière son visage se durcit et elle devint silencieuse. Je cherchais, gêné, en quoi je pouvais l´avoir offensée pour provoquer un tel changement d´attitude ! Le courant ne passait plus ! Arrivés à Stockholm elle me dit à peine adieu d´un geste de la main. Ce n´est que bien plus tard que je compris. L´Ingrid décontractée et chaleureuse de Paris était redevenue suédoise ! Toute la rigidité de l´éducation protestante reprenait le dessus !

Quand nous rencontrions quelques copains espagnols et latinos, dans un bar, forcément les histoires des uns ou des autres nous amenaient à des fous rires et des plaisanteries. C´est alors que le serveur nous exigait de payer et de partir ! Dans les années 50, un Suédois ne pouvait pas concevoir qu´on puisse rire en public sans être très soûl ! Pour favoriser la sobriété, la législation suédoise rend, le serveur de bar, responsable des éventuelles conséquences de l´ivresse de ses clients !

17 décembre 2010

Ma dernière escalade !

Avant de partir en Suède j´ai fait un détour dans le Gers, chez mes grands-parents et de là je suis allé, sac au dos, au Cirque de Gavarnie, dans les Pyrénées.

Au pied des montagnes je rencontrais un groupe de jeunes campeurs. Je demandais mon chemin et il me recommandèrent de passer la nuit dans leur camp car, après, il n´y avait rien d´autre que la montagne. Ils étaient bourguignons et roulaient les “r”. Le soir, autour du feu, j´écoutais, pour la première fois, leur “hymne” : “Je suis fier d´être bourguignon”. Le matin ils me donnèrent les indications pour arriver à la brèche de Roland.

Je grimpais avec une certaine inquiétude, car en pleine montagne éclata un orage et il y eut quelques coups de tonnerre.. Je craignais la foudre, mais aussi de me perdre dans le brouillard. Aussi vite qu´ils étaient arrivés les nuages s´éloignèrent. Après quelques heures de marche j´arrivais à la Brèche qui, selon la légende, fut ouverte par un coup d´épée de ce brave Roland. J´étais ému de me retrouver dans le lieu d´une aussi prestigieuse histoire. Arrivé à l´intérieur de la brèche ma surprise fut d´entendre, de l´autre côté du portail rocheux, parler en espagnol. C´était deux filles et deux garçons de Valencia. Ils m´invitèrent à connaître leur refuge en Espagne.

Bien qu´il m´assurèrent que le chemin était facile je me retrouvais, au milieu du parcours, devant un mur vertical, de plus de 300 mètres de profondeur, accroché à un piton, sans pouvoir avancer ni reculer. J´étais bloqué par le sac à dos. C´est une des filles qui me sauva la vie, accrochée à un piton, elle souleva mon sac. J´ai vu ce jour-là le visage de la mort !

12 décembre 2010

Je tourne

Je tourne en rond
et je pense ovale
comme un œuf
comme un bœuf
comme le dernier scandale.

Je me gratte le front
dans mon carré
conjugal et familier
je marche en long
en large et en vitrier
jaune rouge et fécond
je suis enfin libéré
même triangulaire
et tout droit
comme un point de repère
comme une croix.
Je suis libéré et tutélaire
dans l´hypoténuse des muses
dans l´attente sans fin
je tourne et je détourne
mes dernier confins
mes dernier matins
et chaque nuit je séjourne
le regard en coin
en diagonale en parallèle
le regard lointain.
Je tourne la manivelle
je tourne en rond et en vain.

10 décembre 2010

La solitude

La solitude terrible.

La solitude absolue.
La solitude comme un loup
la solitude dans la foule
la solitude d´un émigrant
la solitude d´un poète.

La solitude comme une maladie
la solitude qui fait mal
la solitude qui craque
à chaque coup de vent.
La solitude dans un aéroport
la solitude départ de mille morts
quand les heures perdent leurs pétales
dans les couloirs et les salles.
La solitude de tous les voyages
départ de tous les ports
de toutes les gares
les yeux blessés de tant d´images

de tant d´attente
de tant d´attente
et de tant de regards.

05 décembre 2010

La fin des vacances à Paris!

Mon année de “vacances” à Paris arrivait à sa fin. Si je restais plus longtemps, je risquais d´être recruté par l´armée pour “pacifier” le Maghreb. D´une part j´avais été, régulièrement, exempté du service militaire, car résidant en Argentine (l´armée n´avait pas le budget pour me payer le voyage !), d´autre part j´étais - et je le suis toujours - plutôt pacifiste et anticolonialiste. Je n´avais donc ni le profil ni les motivations pour devenir, à 26 ans, un bon soldat. Par contre j´avais pensé qu´il me serait plus utile, me trouvant en Europe, de chercher un emploi en Angleterre pour apprendre l´anglais. C´est ainsi que je me suis retrouvé en Suède !

J´ai déjà raconté que j´ai connu à Paris, un petit groupe d´argentins dont l´un, Agustin, vivait avec une charmante jeune suédoise. Plusieurs personnes me déconseillèrent l´Angleterre. Le seul permis de travail que les autorités donnaient alors, aux étrangers, était pour travailler dans les champs. C´était très dur et mal payé. Par contre tous étaient d´accord pour vanter les mérites de la Suède et la beauté de ses filles.

L´un des Argentins du groupe. Carlos, partit le premier. Il écrivit une lettre très encourageante disant qu´il avait, tout de suite, trouvé un emploi de “machiniste” dans un restaurant. Il signalait, également, qu´il y avait deux ingénieurs argentins qui travaillaient à L.M. Ericson. La “machine” de Carlos était une machine à laver la vaisselle. Les ingénieurs, bien que qualifiés, s´occupaient surtout de documentation technique. Les bas salaires en Suède étaient, certes, plus élevés qu´en France mais les impôts et le coût de la vie bien supérieurs.

03 décembre 2010

Buenos Aires-Paris et la presse d´opinion

A Buenos Aires, j´écoutais parfois un programme, d´une heure en français, à la radio On y entendait chanter surtout Charles Trenet, mais aussi Maurice Chevalier, Jean Sablon, Tino Rossi, Edith Piaf. Par contre Georges Brassens était absent. Les responsables de la radio auraient dit que ses textes “n´étaient pas convenables”. C´est une jeune cousine à Paris, Christiane, qui me fit écouter, pour la première fois, Brassens. En France, aussi, certains chanteurs “subversifs” étaient censurés : Mouloudji entre autres. Par contre leurs concerts remplissaient les salles et leurs disques se vendaient bien. C´est cette ambigüité que j´appréciais en France : Censure officielle d´un côté et beaucoup de liberté de l´autre.

Même chose pour les journaux. L´Etat n´arrivait pas à museler l´opinion. Il y avait, encore, une certaine presse libre. Même “Le Monde”, se voulant objectif, ouvrait ses pages à des opinions contradictoires. Sur les sujets les plus brûlants il y avait toujours le choix entre plusieurs points de vue. Les pays “démocratiques” (!!!) n´avaient pas encore inventé la pensée unique. C´est d´ailleurs pour combattre les dictatures nazie et fasciste qu´il y avait eut des millions de morts et que des villes entières avaient été détruites. Ma question est la suivante : Pourquoi la guerre continue, toujours plus violente, puisqu´il n´y a plus de pays nazis, ni fascistes ni même communistes orthodoxes ? Pourquoi continue-t-on à fabriquer des armes, de plus en plus performantes et terrifiantes, puisqu´il n´y a plus d´ennemis organisés pour mettre en danger notre civilisation ? Serait-ce dans le but de créer des emplois ?...