29 mai 2010

Etudiant à Buenos Aires

Ma mère louait un petit appartement, assez coquet, dans le bas du quartier de Belgrano. L´un des quartiers chics de Buenos Aires. Pour moi, ce retour à la civilisation, fut un changement total de vie. Je passais d´un mode de vie très rustique, sans électricité, sans eau courante et d´un travail harassant de paysan pauvre au raffinement du confort moderne et au statut privilégié
d´étudiant dans un lycée technique privé. Mes camarades de classe étaient ceux qui avaient raté le concours d´entrée à l´Otto Krause - que j´avais brillamment réussi un an plus tôt - Les deux premières années furent pour mois assez faciles, malgré les examens éliminatoires de fin d´année.
Je retrouvais dans ce lycée Alex Fillerin, mon compagnon de banc chez les maristes. Puis s´est joint à nous Atilio Ghersi, dit Toto, un garçon sérieux et non dépourvu de talent. Nous étudions et nous sortions souvent ensemble et nous avions, en commun, l´ambition de nous cultiver et le manque d´argent pour acheter de bons livres. Nous avions 15 ans et nous découvrions les frustrations des classes moyennes...sans moyens.
Le père d´Alex était dessinateur dans la société des téléphones et celui d´Atilio était graveur de médailles. La seule femme qui travaillait à l´extérieur était ma mère. Je suppose qu´elle recevait une aide, pour le loyer, de son compagnon Natalio, mais ils habitaient chacun chez soi. Ce n´est qu´à mon départ qu´ils vécurent ensemble. Natalio, lui, louait une chambre dans une maison située à côté de son usine de tissage Comme beaucoup de petits patrons il vivait surtout dans l´usine.

24 mai 2010

Elections/déception...

J´admire sincèrement
tous les candidats à la Présidence
pour leur courage pour leur discours
pour leur incroyable santé
pour leur charme leur sérénité
pour l´étendue de leurs connaissances
pour leur mémoire sans défaut
pour leurs convictions leur élégance
pour leur sens du devoir
pour leur amour du peuple
pour leur désir de justice et leur honnêteté
pour tout ce qu´ils promettent
pour après...toujours après...

Mais diront-ils un jour
que plus de salaire
c´est aussi la vie plus chère
et qui donc devra payer ?

Que plus de consommation
c´est aussi plus de dégâts
dans un monde déjà épuisé
et qui donc devra payer ?

Quand diront-ils la vérité
peut-être après...les élections ?
Quand il faudra payer !...

20 mai 2010

Docteur, j´ai mal au ventre !

- Docteur, je ne me sens pas très bien,
pourtant je ne suis jamais malade
j´évite l´art des pharmaciens
je mange je bois je me balade
je dors la nuit comme un enfant
je vais je viens je travaille
malgré le poids de mes 76 ans
par contre de temps en temps
le ventre et le foie déraillent
et ça depuis plus de quarante ans.

- Voyons voyons voyons votre tension :
trop haute, vous devez voir un cardiologue
votre foie trop gras un régime s´impose
vos hernies risquent d´éclater il faut opérer
puis votre prostate rétrécit sa fonction
nous enlèverons aussi vos hémorroïdes
et vos petits abcès qui pourraient dégénérer
mais l´analyse de sang et de l´urine
nous diront plus sur votre état de santé
pour savoir quoi et quand vous opérer.

- Merci docteur de vos conseils
je garde mon mal au ventre
et ma pauvre santé précaire
ma tension et mon foie défaillant
et mes petits maux et misères
qui me semblent maintenant
plus doux que vos médicaments
et moins cruels que votre inventaire.

16 mai 2010

Souvenirs de Mendoza IV

C´est dur le travail de la terre. Très dur ! Mon père, face aux difficultés rencontrées, devenait amer et violent. Pour peu il m´aurait accusé de son divorce et de la mauvaise qualité de la terre que nous avait attribué son frère. J´étais la seule personne avec qui il échangeait quelques mots. Il n´avait pas d´amis et ses frères l´ignoraient. Sur une centaine d´hectares de la propriété familiale, nous avions reçu une infime parcelle. La moins fertile ! Pourtant mon père ne se plaignait pas. A aucun moment ses frères se sont inquiétés pour notre santé et jamais nous étions invités à leur table.
L´oncle Joseph nous employa, à la journée, pour quelques travaux de la vigne. Les mains derrière le dos il venait, chaque jour, inspecter le travail. Si le travail de la terre est dur et ingrat, les gens qui en vivent le deviennent encore plus. Les poètes qui divaguent sur “la vie simple et heureuse des paysans” sont des gens des villes, qui n´ont jamais eu une bêche dans les mains. A Mendoza la terre devait être drainée pour éviter la remonté du salpêtre. L´eau d´arrosage était contingentée par heure et par hectare. A certaines époques de l´année, le río Mendoza, qui fertilise toute la province, n´était plus qu´un ruisseau. à Costa de Araujo. Sans l´eau du fleuve la province serait un désert. Chaque mètre cultivé, sur cette terre ingrate, le fut grâce à un immense réseau de canaux d´arrosage. Les pionniers les creusèrent, à la force des bras. Leur survie en dépendait !
C’est à cette époque critique de ma vie que ma mère vint me chercher, un an après mon départ, pour que je reprenne mes études. J´avais quinze ans ! ...

12 mai 2010

Souvenirs de Mendoza III

L´oncle Joseph nous donna une vieille charrue, quelques outils de jardinage, un “rancho” en pisé et un bout de terre au fond de la grande propriété. L´épicier nous ouvrit un crédit pour l´année. Nous commençâmes par applanir le terrain sablonneux, devant notre maison, pour semer des légumes. Derrière la maison nous installâmes un poulailler. Les deux chevaux et les poules nous offrirent l´engrais pour notre jardin potager. Le canal pour l´arrosage passait à quelques mètres de la maison.
L´oncle nous céda, pour les cultiver, deux hectares de terres brûlées par le salpêtre. Pour apporter l´eau d´arrosage il fallut creuser une centaine de mètres de rigole. Ce fut ma première tâche. Entre temps mon père arrachait les arbustes épineux qui avaient envahi ces terres à l´abandon. Toute cette parcelle, au bord des dunes, était colonisée par de vieilles racines qui freinaient la charrue. Il fallait creuser à la pioche et les enlever pour pouvoir labourer. Après des journées harassantes, nous avons pu semer une hectare de maïs et autant de tomates pour une conserverie. Les plants de tomates nous étaient offerts par le fabricant de sauce tomate.
Pour les planter nous faisions couler l´eau dans les sillons et, pieds nus, nous enfoncions les jeunes plants avec l´index dans la boue. Le soir nous arrachions, une à une, les épines de nos pieds. Un mois plus tard presque tous les plants étaient morts brûlés par le salpêtre !
Pour améliorer notre repas de légumes du jardin je mettais des pièges. J´attrapais quelques tourterelles et j´ai même pris, au lacet, un gros lièvre. Le dessert était fourni par un poirier. C´était une vie rude, très rude même...

08 mai 2010

Le chat Charlie

Le chat Charlie
est un chat-singe
sachant chasser
dans les branches du palmier
les mouches et les araignées.

Charlie est un chasseur
grimpeur et bagarreur
il serait même chercheur
et un peu pêcheur à l´occasion
mais ce n´est qu´un animal
donc il ignore la civilisation
et même le casque colonial
le clairon et le fusil à lunette
la cartouchière et la musette
de ses paisibles héros
que le Général appelait
gentiment : des veaux !

Mais si en démocratie
le pêcheur et le chasseur
et même le lecteur du Figaro
ont le droit de voter
alors pourquoi pas
un chat sachant chasser ?...

06 mai 2010

Souvenirs de Mendoza II

Les vendanges finies, mon père n´avait plus de travail. C´est alors qu´il rencontra deux hommes qui avaient ramené, de la province de Córdoba, un wagon de chevaux pour les vendre à Mendoza. Córdoba subissait une grande sécheresse et les bêtes n´avaient plus d´herbe pour se nourrir. Mon père proposa d´amener les chevaux, jusqu´à Costa de Araujo, pour essayer de les vendre. Il y en avait une vingtaine
Comme dans les western, nous avons mené le troupeau - pas toujours sans difficultés - jusqu´à la ville de Lavalle.et de là à Costa de Araujo. Deux jours de route. Aucun cheval n´a pu être vendu. Nous sommes donc retournés, avec tout le troupeau, à Lagunita. Les vendeurs ayant admis que le prix qu´ils demandaient était trop élevé, ils offrirent deux chevaux à mon père. Je lui suggérais, alors, de nous installer dans la propriété familiale de Costa de Araujo. Nous avions la terre, l´attelage pour la charrue et quatre bras pour travailler !
Mon père avait du y penser, mais je crois qu´il hésitait à demander de l´aide à son frère Joseph. C´était lui et sa femme Amélie qui exploitaient, depuis le départ de mon grand-père à Marseille, tout ce qui restait de directement rentable de la propriété. En particulier les 30 hectares de vignes qui furent à l´origine de la fortune familiale. Le chai était à l´abandon et irrécupérable. De nombreux ceps de vigne étaient morts et non remplacés. Amélie semblait plus intéressée par les vignes et le chai de vin de sa propre famille que par ceux de son mari. On peut la comprendre. La propriété de la Costa de Araujo ne leur appartenait pas.. Ils n´étaient que les gérants !