25 juin 2010

La vocation d´un arbre

Une croix en bois
un cercueil
une table un lit
un manche d´outil
un feu de cheminée
une ancienne toupie
un mât de voilier
une pirogue un chariot
une échelle une étagère
une cabane un cageot
le parquet les volets
une canne un canot
et parfois aussi
des fleurs des fruits
sans pourtant jamais
réclamer d´indemnités
aux pilleurs de forêts.

20 juin 2010

Mes métiers à Buenos Aires II

Ma mère ouvrit, près de chez nous, une blanchisserie. Elle me demanda de venir l´aider. Je quittais mon premier emploi assez qualifié pour mon âge
- j´avais 19 ans - car j´espérais avoir plus de temps libre pour mes études.
Le travail routinier, de remplir et vider les machines et la distribution, en triporteur, du linge lavé et repassé, perdit vite son charme. D´autant plus que ma mère ne me payait pas ! Je cherchais alors un autre emploi plus en accord avec mes études. J´en trouvais un, à l´Ouest de la ville, proche de ma nouvelle école technique : “Escuela Industrial de la Nación Nº 4”.
Je commençais, dans mon nouvel emploi, par suivre un stage de plusieurs mois, pour devenir mécanicien de machines à laver le linge. L´usine - où l´ingénieur et tous les ouvriers étaient Italiens - se trouvait à San Justo. Je partais de chez moi à 6 heures du matin et je rentrais à la maison à 23 heures ! J´étudiais, souvent debout, dans les autobus....J´avais 20 ans et mon principal souhait était, alors, de pouvoir dormir, dormir, dormir...
Néanmoins, la blanchisserie de ma mère m´apporta une des plus importantes rencontres de ma jeunesse : Cirilo San Miguel. Ce voisin cultivé, intelligent et révolté devint mon maître à penser. C´est lui qui me fit découvrir les meilleurs écrivains argentins - dont Roberto Arlt -, les poètes de “poesía buenos aires”, l´art moderne et les idées socialistes. Je peux dire que cette rencontre changea complètement et définitivement l´orientation de ma pensée adulte. Curieusement nous nous sommes toujours vouvoyés...

14 juin 2010

Identité nationale

Boche, polac, bicot
rital, chinetoque, négro
ça ne me concerne guère
car je suis Dieu merci
bon chrétien et bien blanc
et un vrai français pur sang
né sous le soleil de Marseille
de père moitié argentin
portant le nom piémontais
d´un marchand de vin
et de mère gasconne
de Saint-Germé des prés
ville renommée du Gers
près de Riscle et de Maubourguet.

Oui je suis fier d´être
un authentique Français
et non pas un boche, un bicot,
un rital, un métèque
un juif ou un négro
car moi monsieur le Préfet
j´ai toujours été
un bon Français.
vin rouge et fromage
fidèle lecteur du Figaro
et gros payeur d´impôts.

Alors monsieur le Préfet
pourquoi me demandez-vous
pour renouveler ma carte d´identité
de confirmer ma nationalité
puisque je suis un vrai Français ?

(Ne riez pas
ça pourrait vous arriver !...)

11 juin 2010

Mes métiers à Buenos Aires I

Ma mère décida de déménager dans une petite maison, proche du pont de Saavedra, qui sépare la capitale de la province. C´est une simple division administrative car la mégapole s´étend des quartiers Sud, sans interruption, sur des dizaines de kilomètres, jusqu´au delta du Tigre. Buenos Aires et sa banlieue forment un tout immense, relié au centre ville par de larges avenues, aujourd´hui saturées de voiture et de bus.
La division sociale est plus marquée et évidente entre le Sud prolétaire et le Nord bourgeois. Ce nouveau déménagement détermina, plus tard, tout mon avenir.
Au lycée je fus nommé pion des plus jeunes classes et exempté, de ce fait, du paiement des cours. Mais mon ambition était d´avoir plus d´argent de poche.
C´est ainsi que je trouvais au centre ville, à mi-temps, un emploi à la Bombe Atomique ! La Bombe Atomique était une boutique de dessous féminins. J´étais garçon de courses. C´était mon premier emploi rémunéré ! J´avais 17 ans et les vendeuses se moquaient de ma timidité. Malicieuses, elles me demandaient de les accompagner dans la cave car “elles avaient peur des rats !”. Je ne suis resté à la Bombe Atomique que quelques semaines. Natalio me trouva un emploi, plus digne, dans un nouveau lycée technique du textile. Je faisais office de pion et aussi de traducteur de livres techniques pour le Directeur.
Je donnais, parfois, des cours aux plus jeunes. J´ai dû attendre quelques mois pour être payé, mais je fus titularisé. C´est alors que commença l´enfer de ma jeunesse d´étudiant et de travailleur à mi-temps.

06 juin 2010

Le vernissage parisien

Une coupe dans une main
et dans l´autre un petit gâteau
dans la troisième votre stylo
pour signer les dessins
et la poignée de main
comment allez-vous Martin
et vous chère Geneviève
Jean-Jules est-il à Genève,
non, il est à Tombouctou
avec-vous lu le journal
ce critique quel animal
il n´a rien compris du tout
moi j´adore vos tableaux
nous habitons Fontainebleau
est-ce de l´huile sur papier
je ne vais plus à Saint-Tropez
tous les artistes sont fous
mon mari voyage beaucoup
j´aime celui à fond rouge
dans la vie il faut que ça bouge
est-ce un coucher de soleil
le soir je n´ai jamais sommeil
l´artiste vit à la campagne
Basile a quitté sa compagne
c´est fatigant de rester debout
il s´est retiré dans le Poitou
je préférais sa période bleue
moi j´ aime surtout ses yeux...

Et si on regardait les tableaux
avant d´aller manger au Bistro ?

04 juin 2010

L´artiste à disparu ! ...

Le jour du vernissage
l´artiste a disparu
Alessandra est partie
en fin d´après-midi
Alessandra n´est plus là
où est Alessandra ?

Dans le Gers, au Brésil,
on réclame Alessandra
mais Alessandra n´y est pas
on téléphone on écrit
pour savoir où est partie
notre amie Alessandra !

Alessandra est partie
et tout le monde l´attend
dans la vaste galerie
devant ses tableaux
le public s´impatiente
où est le peintre, que diantre !

Alessandra s´est égarée
dans un pré des Pyrénées
tout le monde est part
la galerie s´est vidée
seul les tableaux sont restés
Alessandra s´était enfuie !