28 janvier 2011

Il était une fois l´imagination

L´imagination au pouvoir !...
J´ai dit
comme ça pour rire
par défi.

L´imagination sans fusils !...
J´ai dit.
Vive la paix !...
Vive l´amour !...

Comme ça pour rire
en souvenir des pavés
en souvenir des jours et des nuits
d´un célèbre mois de Mai.

L´imagination au pouvoir
et vive la liberté !...
J´ai dit
comme ça pour rire.

Et vive la vie !...
J´ai dit.
Au pouvoir la solidarité
et vive l´Utopie !...

Et je n´ai vu que la haine
des porteurs de chaînes
des porteurs de gris
je n´ai vu qu´une moue obscène
malsaine et racornie

et le gaz et les matraques
de toutes les Saint-Barthélémy...

24 janvier 2011

Le départ pour Kiruna

J´ai fait un journal du voyage de Stockholm à Luleå et retour. Je ne l´ai pas retrouvé dans mes anciens carnets de notes. Je me souviens néanmoins que le 7 août 1957, jour de mon anniversaire, nous étions à Boden et nous n´avions plus un sou. Nous avions proposé, en vain, nos services dans chaque ville traversée. On nous a même suggéré, à Luleå, d´aller voir le représentant des syndicats de travailleurs qui a, gentiment, téléphoné à Kiruna pour se renseigner sur la possibilité d´emplois dans les mines : La réponse fut négative ! Il nous a alors conseillés d´aller voir, dans la ville de Boden, proche de Luleå.

Nous venions, dans la société minière de Boden, de subir un nouveau refus et nous étions stationnés, dans la ville, totalement désemparés quand approcha un homme, d´aspect négligé, qui nous montra des monnaies. Nous avons cru qu´il mendiait. Il tombait mal ! Nous avons fini par comprendre qu´il était un numismate amateur à la recherche de monnaies étrangères. Nous n´en avions pas, mais José proposa sa bague de fiançailles en or et Carlos sa machine à écrire portable. Il prit les deux et nous demanda d´attendre. Il revint, un quart d´heure plus tard, avec l´argent et il nous invita à boire le café chez lui. Le café était accompagné d´un plein panier d´exquises viennoiseries. Ce fut mon repas d´anniversaire ! Nous avions mangé, ce jour là - en raclant nos fonds de poche - un pain industriel avec de l´eau.

Avec l´argent de nos ventes nous avons fait le plein d´essence, nous avons également acheté quelques provisions et nous sommes retournés à Stockholm.

20 janvier 2011

J´ai perdu ma pendule

J´ai perdu ma pendule
         mon bidule
         du temps
         bon enfant
         rataplan
du temps où il faisait encore beau
         et chaud
         et chat
         et chien
tous les matins
tous les jours
à tous les carrefours
des petits techniciens
dévoués et consommables
aux heures rentables
          au petit matin
les yeux pleins de sable
          et le cerveau carré
          régulier et discipliné
          le cerveau géométrique
          et bien organisé
comme la république
des nombreux privilégiés
ceux qui ont leur pendule
dans le salon Louis Machin
et ne prennent jamais le train
au petit matin.

15 janvier 2011

L´arrivée à Stockholm III

Pour trouver un emploi, dans mon vrai métier, il fallait attendre la fin de l´été. Très vite mes réserves d´argent s´épuisèrent et, pour survivre, je fis comme les copains : maître plongeur. “Disquaire” comme disaient les Français de Stockholm. Même ce travail déprécié n´était pas stable. Dans certains restaurants le rythme de travail était infernal. J´ai écrit un long poème sur ce sujet : “Le blanc et le noir”. Je raconte comment, dans une cuisine, je suis devenu un esclave noir. J´ai appris que, même dans un pays considéré comme un modèle social avancé, les travaux les plus durs sont toujours les moins bien payés et, subséquemment, réservés aux étrangers. J´ai quand même réussi, en quelques jours, à m´intégrer dans ce milieu et à survivre. Nous étions au mois d´août et bientôt les activités industrielles allaient reprendre. Ce fut alors que Carlos eut une idée géniale pour nous sortir du “lumpen prolétariat” : nous irions travailler trois mois dans les mines de fer de Kiruna et nous passerions le nouvel an sur la Côte d´Azur !

Dans ce but Carlos échangea, avec un Argentin qui retournait dans son pays, sa belle veste sport pour une voiture. C´était une vieille Austin pourrie qui néanmoins fut courageuse et, avant de rendre l´âme, nous transporta jusqu´au Nord de la Suède et nous ramena de retour à Stockholm. Nous l´avions baptisée “Rocinante”. J´avais peint, au-dessus du pare-brise, quatre drapeaux : le drapeau argentin pour Carlos, l´espagnol pour José et le “pelado”, le français pour moi et le drapeau suédois en hommage au pays. Et nous voilà partis, à l´aventure, avec nos maigres économies et nos illusions !

04 janvier 2011

Je voudrais dire...








Je voudrais dire mon coeur
mes yeux fatigués
je voudrais dire oui
et mon âge dit non.

Mon âge pèse septante cinq kilos
sur la balance du temps
qui s'échappe doucement
de ma pauvre cervelle grippée.

Et la poésie qui tape à ma porte
et ma porte coince grince
faute d'huile de sycomore
pour les articulations signalées.

Que vais-je devenir plus tard
dans l'immensité du silence
de l'infini poussiéreux des étoiles
dans un champ blême de croix
que vais-je devenir sans poésie?

02 janvier 2011

Moi

Moi moi moi

avec moi
et toujours moi.
Mon oeuvre...
et mes bonnes oeuvres
mon foie ma foi.

Garçon ! Mes hors-d´œuvres
Moi plus que le roi.

Le moi égoïste et triste
et le soleil pourquoi pas
pourquoi pas moi ?...

Le moi des artistes
créateurs
apologistes
pour mieux parler de soi
jamais détestable
lorsqu´il s´agit de moi.

Le moi comme un crapaud
gonflé comme un veau
qui se prend pour moi
chaque fois qu´il entend sa voix.

Et qui regarde son image
une et autre fois
dans le miroir
dans l´album de famille
dans son tiroir
et même dans le noir
dans sa folie de tant de moi.