30 mai 2011

Viva la revolución !...

Lui profitait
de la soirée
dans son fauteuil
face à la télevision
un verre de whisky à la main
le téléphone pas loin
(on ne sait jamais !)
le frigidaire plein
pour la semaine
et la lumière allumée
dans toute la maison
un bain bien chaud
coulait dans la baignoire
dans la chambre bleue
le lit aux draps bleus
parfumés à la lavande
(on dort mieux tout en bleu)
et les voitures dans le garage
le moteur encore chaud
car lui venait de rentrer
de la salle de gymnastique
(important la forme physique
quand ont est stressé
par une journée au bureau)
et elle était allée chercher les enfants
à leur cours de karaté
depuis peu on avait installé
l´arrosage automatique du gazon
(un ennui en moins)
enfin un repos bien mérité
après une journée de travail
puis tout à coup sans prévenir
sur l´écran géant de la TV
apparait une famille de Haïtiens
maigres sales et misérables
assis par terre sous une bâche
souriant aux fonctionnaires du PAM
(Programme Alimentaire Mondial)
qui explique calmement
que suite à l´augmentation
des prix mondiaux des céréales
ils sont forcés de réduire les rations
et même qu´ils ne sont pas sûrs
de recevoir un nouveau chargement
faute de financements
cette scène troublante
cruelle est vite zappée
vers une autre réalité
mais c´est alors qu´un reportage
d´une ONG nous montre des enfants
squelettiques dans un camp de réfugiés
il s´empresse de zapper
et il tombe sur les dernières
bonnes nouvelles du jour
la chaîne nous informe
d´inondations dans des régions
où il ne pleut presque jamais.
Par milliers les gens, le bétail
et les récoltes sont noyés.
Ailleurs c´est la sécheresse
qui brûle la terre cultivée
c´est nous explique une présentatrice
blonde et bien coiffée
des centaines de millions
d´hommes de femmes d´enfants
qui n´ont plus d´eau potable
et plus rien à manger
car tous les recours sont épuisés.

C´est alors que, comme le ferait
tout bon père responsable,
je prends une importante décision :
j´éteins la télé
et je mets un CD
avec Tom et Jerry.
On comprend mieux maintenant
qu´il y a des gens outrés
qui réclament la révolution
quand on est harcelé chez soi
par des images insupportables
sans même prévenir
qu´il y a des scènes
qui peuvent être traumatisantes
pour les enfants.
Jusqu´à quand devrons-nous
supporter ces horribles images
de misère et de violence
entre deux spots de publicité ?...

A table les enfants
nous allons dîner !

22 mai 2011

Certains le regrettent...

Certains regrettent Hitler
avec sa moustache de Charlot
et sa mèche de travers
certains même admirent
la discipline germanique
les saucisses et la musique
les SS et leurs camps barbelés
et certains encore l´imitent
dans la haine des étrangers
car plus un homme
est méchant et bête
plus il a des amis
parmi les analphabètes
les débiles et les abrutis.
Ce charmant garçon
brun et autrichien
avait raté son entrée
aux Beaux Arts à Vienne
ce fut pour lui une peine
et pour nous aussi
car rien n´est pire
dans ce monde pourri
et quelque peu décadent
qu´un artiste frustré
qu´un artiste maudit
aux longues dents
avides de sang.
Plus tard Hitler
devenu caporal
fit la guerre des tranchées
dans la boue et la crasse
la merde et le sang
de ses amis allemands
dont il a tant admiré
la langue et la race.
On dit qu´après la guerre
il fut peintre en bâtiments
avouez que c´est vexant
pour un vaillant caporal
et jeune artiste de talent
de devenir simple ouvrier
dans la misère d´un chantier.
Pourtant lui l´artiste
qui avait tout loupé
découvrit un domaine
qu´il exploita avec succès :
les discours enflammés
sur la supériorité aryenne
qui furent très appréciés
par un public complaisant
qui avec le temps et la haine
firent de lui un brillant
lider du peuple allemand.
Ils avaient perdu la guerre
et beaucoup de leur fierté
mais ils leur promit de gagner
la prochaine et Hitler fut acclamé.
Il y avait beaucoup de chômage
il créa des milliers d´emplois
les chômeurs se transformèrent
avec enthousiasme et avec joie
en de courageux jeunes soldats.
Il y avait une paix fragile
et une Europe très divisée
il créa partout la guerre
et avec ses discours enflammés
il développa la haine
et une nouvelle armée
triomphante et disciplinée.
Ils gagnèrent l´Europe
le monde leur appartenait.
C´est pourquoi tant de gens
l´ont soutenu et admiré.
Des dizaines de millions
d´hommes et de femmes
furent détruits et ruinés
mais malgré le massacre
certains gardèrent l´espoir
et toute leur dignité
et bientôt la Résistance
fut active et organisée.
Ce fut l´honneur de la France
et la France fut sauvée
de la honte et de l´indignité.
L´idéologie nazie fut broyée
par la paix et la liberté
d´une Europe enfin libérée.
Pourtant il y en a encore
qui regrettent le passé.
Oui, Hitler est mort
mais pas tous les imbéciles
qui l´ont soutenu et aimé.
Votez Front National
et vous serez dirigés
par de vrais néo-nazis.
Méfiez-vous des beaux discours
la guerre n´est pas finie.

20 mai 2011

Le retour en Suède

Nina, mon épouse, avait quitté à contre-cœur la Suède et notre retour n´arrangea pas les choses. Mon échec professionnel en Argentine avait perturbé son besoin de calme et de sécurité, et avait accentué mon besoin de changement.

Bien que nous ayons tous deux repris notre emploi à AGA AB et que je travaillais maintenant comme assistant du Directeur Technique des 200 usines du groupe, je n´y croyais plus. Pourtant mon nouveau patron, très compétent et courtois, était une excellente personne, et mon travail plutôt tranquille - peut-être trop tranquille ! - Je m´ennuyais. J´avais perdu l´envie de me battre pour progresser professionnellement...

J´étais au maximum du salaire que je pouvais espérer gagner en Suède et l´entreprise nous avait trouvé un appartement dans le même quartier où nous habitions avant notre départ. Plus de 100.000 suédois attendaient, à Stockholm, 10 ans pour avoir un logement semblable ! Lidingö était une banlieue particulièrement recherchée. Que pouvais-je reprocher à la Suède si ce n´est son hiver trop long, son manque de spontanéité et l´ennui profond de son mode de vie. J´aurais dû être satisfait et je ne l´étais pas. Je ne trouvais aucun plaisir dans cette existence médiocre de routine. Je voulais de l´émotion et du changement ! J´en ai eu !...

Un acteur suédois disait que tout homme, pour s´accomplir doit, au moins une fois, changer de métier, de pays et de femme. Avec des amis j´ai ouvert une galerie d´art, j´ai trouvé un travail de rédacteur à la radio et je me suis séparé de ma femme ! Le cycle complet !...

16 mai 2011

Buenos Aires : la dégringolade...



Je fus, dès le premier jour de mon arrivée, très froidement accueilli par le Directeur suédois de la filiale.
Heureusement que mes parents étaient venus nous chercher. Ce fut Natalio, mon beau-père, qui négocia avec le douanier le montant du bakchich pour sortir les valises. Ce sont également mes parents qui avaient réservé une chambre dans une pension correcte. Néanmoins, je passais au siège de l´entreprise pour signaler ma présence. Le Directeur m´accueillit avec un dossier urgent, bien que mon bureau ne soit pas installé et mes propres dossiers dans une caisse à la douane du port. Il manifesta, ostensiblement, son irritation. Le jour suivant je découvris que mon bureau était dans une usine, en banlieue, et que ma place, de responsable commercial, était déjà occupée par une relation du Directeur ! Néanmoins, mon substitut étant un homme charmant, nous avons très rapidement trouvé un terrain d´entente : lui la vente et moi la technique. Ensemble, nous obtenions d´excellents résultats mais j´ai demandé, à AGA, ma mutation.

Après une première dévaluation du peso, d´autres suivirent. De mois en mois mon salaire se dévalorisait. Après plusieurs demandes de réajustement et n´ayant pas reçu de réponse satisfaisante, ni de Buenos Aires ni de Suède, je présentais ma démission. Nous vendîmes nos meubles et nous réservâmes un passage de retour en Suède. Le rêve d´une promotion sociale par l´effort et le mérite s´était évanoui de mon esprit. Je compris alors que je n´avais plus aucun avenir en Suède. Toutes les connaissances techniques que j´avais acquises, en sept ans de travail et d´études, ne valaient plus rien !

14 mai 2011

La retraite II

Vivement la retraite
la retraite à 35 ans
le chômage volontaire
voilà une proposition
très respectable pour
les prochaines élections
le travail n´est guère utile
le travail ne donne
aucune satisfaction
vive la révolution
criaient dans la rue
des millions de manifestants
à bas les patrons
à bas les uniformes
à bas les horaires
et vive la révolution !
vivons simplement
brisons les chaînes
à bas l´exploitation !
criaient les esclaves
sur tous les continents
deux heures par jour
de travail contraignant
c´est largement suffisant
pour couvrir nos besoins
criaient les manifestants
et les flics en uniforme
avec leurs casques en acier
et leur hargne disciplinée
écrasèrent la révolution
à grands coups de baton.

06 mai 2011

Quand

Quand les murs seront en verre ou encore mieux
en cristal de roche
quand les tuiles seront d´argent
quand les portes
n´auront plus de serrures
quand les banques ouvriront leurs coffres
et vous donneront leurs dollars
pour acheter des livres de poésie
quand les verres et les brosses-à-dent
voleront dans la maison
et se poseront gentiment
sur les branches du sapin la nuit
quand les meubles auront des roues
et des pédales au lieux de tiroirs
pour déménager à chaque saison
quand l´école buissonnière sera obligatoire
et le dimanches le seul jour de travail
quand le printemps et l´été
dureront toute l´année
et toutes les villes seront
au bord de la Méditerranée
quand les pistes de ski
seront couvertes de tulipes
et les autoroutes seront
transformées en pistes cyclables
quand les voitures deviendront poulaillers
et les avions de ligne refuges de montagne
quand toutes les armes seront enterrées
au fond des mines d´or et de diamants
alors nous pourrons respirer.. Oui, respirer.

01 mai 2011

Le départ à Buenos Aires

Avant le départ je fus invité, par la Direction, à un déjeuner dans un restaurant chic de Stockholm. Il y avait le PDG de l´entreprise et deux directeurs, dont celui qui m´avait chargé de retrouver les pièces détachées égarées. C´est lui qui devint, quelques mois plus tard, Directeur de l´Amérique Latine. L´autre, celui qui m´avait jusques là soutenu, pris sa retraite...en Argentine.
Le repas fut raffiné et ces messieurs ne se privèrent pas de bien manger et de boire des alcools forts. Je me sentais honoré, mais en même temps inquiet. Je ne bus qu´une demi-bouteille de vin. Cette habitude très française faisait toujours rire les suédois. Comme dans presque tous les repas, en Suède, j´ai eu droit à un discours très conventionnel. Le Directeur de l´Amérique Latine me demanda, à fin de son discours, si je souhaitais quelque chose de particulier avant mon départ...

- "J´apprécierais d´avoir mon contrat de travail avant de partir", j´ai osé dire en souriant.

J´ai senti comme un flottement. Les trois directeurs m´affirmèrent que je garderai tous les droits et prérogatives des ingénieurs suédois.

- Notre contrat sera un "gentleman agreement" affirma le PDG, soutenu par les deux autres.

Je n´étais pas d´accord mais, comment dire à ces messieurs que je mettais en doute leur parole ? J´ai appris, ce jour-là, que les patrons suédois sont aussi malhonnêtes que les autres. Payé en monnaie locale, arrivé à Buenos Aires, la première dévaluation du peso me fit perdre, par rapport à la couronne suédoise, un tiers de mon salaire. Je compris alors le vrai sens du mot "gentleman".