27 juillet 2010

Les chats et le patron

J´ai besoin de quelques chats
pour préserver mes sacs de grain,
mais si les chats sont trop gras
les souris continueront leur festin.

C´est ainsi que le meunier apprécie ses employés :

Il affirme qu´un ouvrier trop payé, aïe !
Il n´a plus envie de travailler

20 juillet 2010

Les pauvres ont faim !...

Les pauvres ont faim ?
Donnons-leur du pain !

Ils ont perdu leur toit
leur maison leur emploi
lors de la dernière inondation
du dernier séisme
de la dernière guerre
apportons l´aide humanitaire
devant la télévision !

Les populations par millions
vivent sous des bâches pourries
dans les miasmes et la boue
de leurs propres déjections
le ventre creux et le corps crasseux
le regard implorant des mourants
la main tendue pour rester
quelques jours de plus en vie
la toujours terrifiante image
de misère et de naufrage
pour le petit écran des nantis
pour qu´ils n´oublient pas
d´envoyer quelques sacs de riz !

Des milliards de milliards
d´euros et de dollars
des milliards à en perdre des zéros
pour sauver les banques
qui ont trop joué au loto
et pour préserver
les Lois du Marché

et pour les catastrophés
des séismes, des guerres
et des pires inondations
des discours et des promesses
des congrès et des messes
et quelques incantations
pour rehausser l´image
des généreux Rois Mages
philanthropes de mon pays
toujours les premiers à aider
les victimes et les submergés
sur le petit écran des nantis
pour qu´ils n´oublient pas
d´envoyer quelques sacs de riz.

15 juillet 2010

Mes métiers à Buenos Aires IV

Le gestionnaire de production de la filature Biella - voisine de mon ancien lycée technique du textile - vint me proposer de le remplacer. Il installait une imprimerie. Le propriétaire, de la filature me connaissait car il donnait des cours dans le lycée. Je quittais donc mon poste d´apprenti mécanicien pour celui, plus prestigieux, de gestionnaire. A 20 ans j´étais fier de ma promotion. Mon travail était de contrôler les entrées de matières premières et la sortie des bobines de fil.
Lors de la première livraison de laine à l´usine je découvris que, parmi mes attributions, il y avait aussi le déchargement du camion avec le patron. Lui, un rude Italien d´une cinquantaine d´années, n´hésitait pas à mettre la main à la pâte. Il maîtrisait toutes les étapes de la production et il s´occupait lui-même de l´entretien des machines. Un vrai “petit” patron, quoi !
Un jour les fibres d´une carde prirent feu. Aucun des extincteurs manuels , faute d´entretien, n´a fonctionné. Heureusement quelques seaux d´eau suffirent pour éteindre les flammes. On y cardait des fibres de coton, hautement inflammables et non couvertes par les assurances ! La recherche, à tout prix, d´économies !
Un autre jour arriva l´un des ouvriers, au bureau, en criant : la main, la main !!! Sa main avait été happée par les rouleaux d´une carde. Le patron lui versa dessus de l´eau oxygénée éventée et l´emmena à l´hôpital. A son retour il mit, lui-même, la plaque de protection qui aurait dû être sur la machine et il dit . “Pour une fois que j´avais un bon ouvrier cardeur ! Où vais-je maintenant en trouver un autre ?”. Ce n´est pas facile, la vie de patron !...

09 juillet 2010

Mes métiers à Buenos Aires III

Après quelques mois passés dans tous les postes de montage de l´usine de machine à laver le linge j´y appris, entre autres, la valeur du savoir faire et les rudiments de la langue italienne. Néanmoins, épuisé par le manque de sommeil, je me présentais dans une usine textile proche de chez moi. Je fus employé comme aide mécanicien de métiers à tisser. J´appris à nouer, un à un, 1.500 fils de chaîne en 2 heures. J´appris aussi à supporter le bruit infernal des machines. Tous les tisserands deviennent, en vieillissant, plus ou moins sourds. On arrivait néanmoins, par des mots simples, à communiquer. Les tisseuses m´aimaient bien car je ne refusait jamais de les remplacer quand elles allaient aux toilettes. Même alors les machines ne devaient pas s´arrêter. Si elles tardaient trop, le contremaître les appelaient pour qu´elles reprennent leur place.
Quand il y avait un ajustage sur une machine le mécanicien m´envoyait chercher un outil. Quand je revenais la réparation était faite. Il gardait son savoir-faire comme un capital d´assurance-travail.
Dans les salles de filature, pour que les fils soient moins cassants, on maintenait, artificiellement, un haut degré d´humidité. En été ça devenait un sauna. Les ouvrières qui y travaillaient, tombaient comme des mouches. Elles avaient quelques minutes de repos pour se remettre. Ce n´était pas l´enfer, mais bien un avant-goût !
Pour moi c´était très acceptable. J´allais à pied à mon travail et je travaillais que de 6 heures du matin à 13 heures. Après le déjeuner je pouvais faire une sieste avant de traverser la ville pour aller à mes cours du soir.

01 juillet 2010

Les morts aussi s´indignent...

Je pense à tous ceux
qui sont “morts pour la patrie”
à ceux qui furent sacrifiés
au front et dans les tranchées
pour des lendemains
plutôt douteux et je pense
à tous ceux qui y ont cru
à tous ceux qui y croient
encore
je pense à ceux qui sont morts
sur une croix
ou sous une lame
ou contre un mur
ou par les coups
du bourreau
je pense souvent à tous ceux
qui courageux
peu nombreux
ont risqué et qui risquent
encore
leur confort leur carrière
leur sécurité leur vie
pour préserver
leur idée et leur souhait
de solidarité et de liberté
dans la dignité

j´y pense fréquemment
et pourtant pourtant
les canailles les bourreaux
les exploiteurs les maquereaux
continuent à boire
paisiblement
sans regrets
leur apéritif
sur la terrasse ensoleillée
de leur bistrot préféré
servis par le fils
d´un des ces anonymes
héros sacrifiés.