27 novembre 2010

Je suis mort plusieurs fois

Je suis mort
le jour de ma naissance
d´une hernie de l´oreille droite
et depuis je boite
et je danse.

Je suis mort
à l´âge de six ans
dans un camion de déménagement
et j´ai perdu les roseaux
et mon chien zozo
et mon chat gribouille
et toutes les grenouilles
de l´étang
de mes souvenirs d´enfant.



Je suis mort
de nouveau à dix ans
au son de la sirène
d´alarme
dans la cave du gendarme
et du bourreau
à l´odeur de moisi
et de sirène
du bateau
qui s´enfuit
parmi les blanches vagues
vagues et vogue
dans la nuit
mon petit matelot.

Je suis mort
encore une fois
en mille neuf cent quarante trois
dans un éclat de voix
et un bris de verre
et chacun s´en alla
vers son destin
l´un vers la ville
l´autre vers la terre
chacun son petit chemin
sans regret
et sans mystère
et moi
dans ma poche
mes billes
ma souffrance et ma misère.

Je suis mort
en regardant passer le train
du pont le plus proche
en mastiquant mes larmes
et mon chagrin
et un mur dans les yeux
et un mort dans les mains
à dix sept ans
on n’est rien
on est moche
à dix sept ans
l´amour nous tient
et nous fauche.

Je suis mort d´amour
ô combien de fois
dans mon long parcours
et chaque matin
une jeune et innocente fée
me faisait rêver
au lendemain
et chaque soir
elle devenait
ignoble catin
face au miroir.

Je suis mort
un dimanche de pluie
je suis mort chaque lundi
et je suis mort
jusqu´au samedi compris...

Je suis mort
tout le long de ma vie
et même mon bonheur
fut souvent tâché
par la boue et le bruit
de tous les dégoûts
qui m´ont peu à peu
grignoté et détruit

et pourtant

j´écris
et j´aime
donc je vis.

24 novembre 2010

La liberté

Aïe poète des fleurs ! Aïe ton petit jardin !

La liberté
le bonheur
dans le cœur
et les mains
et voilà mon poème
pour forcer le destin.


Et voici l´autoroute et le ciment
d´une grande vitesse
et j´oublie pourquoi et comment
et d´autres politesses
quand le vert
devient mur blanc
ou gris
et pluie
et mauvais temps
et banlieue
de ceux très nombreux
qui n´ont pas réussi
à l´école de la vie.

Et qui ne savent pas pourquoi
on devient un oubli
de la démocratie
et qui ne savent pas comment
tant de poètes
ont un jardin
et des fleurs
et dans les yeux
le soleil
et les couleurs du printemps.
Ou alors font-ils semblant ?...

18 novembre 2010

Travailler à Paris IV

En 1956, rien n´était plus facile que d´obtenir un emploi à Paris. Par contre c´était impossible de trouver, à un prix abordable, une location correcte. Pour louer un appartement il fallait, à fonds perdus, payer un dessous de table. Rares étaient les appartements avec salle d´eau, ascenseur et chauffage central. Il y avait, pour se laver, des douches municipales ouvertes trois jours par semaine. Pour se chauffer, en hiver, à Paris il y avaient souvent, dans les appartements, un poêle à charbon. Le charbon était entreposé dans la cave. Monter et descendre des escaliers n´effrayait personne.

Les jeunes des banlieue, qui saccagent aujourd´hui leurs HLM devraient demander, à leurs grands-parents, quelles étaient leurs conditions de vie dans le passé. Certains ont même connu les bidonvilles.

On ne peut nier que la conception urbanistique des banlieues, après la guerre, est l´oeuvre de très médiocres architectes et d´hommes politiques irresponsables. Faire des ghettos, hors de la ville, pour les pauvres et les travailleurs émigrés, à l´époque du plein emploi, ne pouvait que devenir problématique en période de chômage et de discrimination raciale.

Le Paris ancien, avec ses appartements sans confort, était néanmoins un lieu de vie humain. On disait encore, avec un certain orgueil : “J´suis d´Bel´ville !”. Chaque quartier avait son caractère et sa vie sociale. L´épicier connaissait le nom de ses clients et les voisins se parlaient. C´était ce qui faisait le charme de Paris...Chacun pouvait y vivre sa différence selon ses moyens ! La bohême n´était pas marginale !

15 novembre 2010

La politique


On m´a dit
que la politique
ne doit pas habiter
le nid doré de la poésie.

On m´a dit
qu´il ne faut pas mélanger
la politique et la poésie.

On m´a dit
on m´a dit
tellement de choses sur la poésie
que maintenant
je ne sais pas quoi faire
avec mes utopies...

Car moi petit poète solitaire
je vois
je vois
et je vis
la violence de la guerre
les camps et les tortionnaires
se succèdent
ils prolifèrent
et ils se multiplient.

Moi
je vois que
les menteurs et les malins
sont de plus en plus nombreux
et ils marquent des points
pendant
que le poète rêve
de mots bien propres
comme la source et le coquelicot
le narcisse
et le chant des oiseaux.

Et pendant
que le poète rêve
de nuages et de doux ruisseaux
les autres ouvrent leur chemin
à coup de hache et de couteau
et entre l´hiver et l´hiver
entre la peur et le sang
la guerre et la misère
la faim
et les camps.

Et moi petit poète révolté
je rêve et je rêve
de solidarité.

10 novembre 2010

Travailler à Paris III

Le repas, avec le cousin polytechnicien, directeur d´un laboratoire de recherche pour le développement des briqueteries françaises, fut pénible. Sa conversation était très décevante et monotone : Pendant tout le repas, le polytechnicien ne parla que de sa voiture ! Ce sujet unique semblait le passionner !

Je venais d´arriver d´Argentine où peu de gens avaient leur propre véhicule. Les voitures étaient, le plus souvent, nord-américaines et parfois très anciennes. La Fort T, des années 20, roulait toujours dans les campagnes. Les mérites comparés entre les Citroën, les Peugeot et les Renault me laissaient indifférent. D´ailleurs je pensais que les voitures françaises y compris la belle et aérodynamique DS, semblaient plutôt modestes à côté des américaines des années 50 !

Ce ne fut qu´après le café et le cognac que le cousin Maurice put parler de ma formation, de ma spécialité dans la céramique et de mon souhait de trouver un emploi. Le polytechnicien me donna sa carte et me dit de passer le voir, le lundi à 9 heures, à son bureau.

Après une longue attente, il me reçut et fit asseoir dans son moderne bureau directorial. J´étais même un peu gêné de déranger une personne aussi importante. Il m´expliqua, brièvement, les fonctions de son institution et me donna un prospectus avec l´adresse des briqueteries associées et me suggéra de leur écrire.

- En me recommandant de vous ?...je lui demandais.

- Hélas non ! Il me répondit, ce serait inconvenant dans ma situation !...

Merci, cher cousin !...

04 novembre 2010

A la recherche du temps perdu

A la recherche du temps
du ciel du vent
à la recherche de notre vie d´enfant
depuis si longtemps.

A la recherche d´une mèche
sèche et rêche du printemps.
A la recherche
du filet de pêche
pour pêcher plus souvent
la prière du vent
dans la cour du couvent
qui sert parfois de crèche
au plus vil des serments

car celui qui prêche
est rarement innocent.