29 mars 2010

Souvenirs de Buenos Aires I

Mon père parlait trois langues, se disait “éleveur”, mais il n´avait aucun métier homologué et surtout il n´avait jamais été salarié. Il doit, pour la première fois de sa vie, à 43 ans, chercher un emploi. Une famille de riches vignerons, ancienne relation d´affaires de son père, proposèrent de l´employer comme jardinier dans leur résidence à Buenos Aires. Nous fûmes logés dans une petite maison au fond du parc.
Moi je fus inscrit, en demi-pension, dans une école des Frères Maristes. L´un des bâtiments du monastère était également un séminaire. Le moine qui nous a reçus, Frère Lucas, parlait le français. Il me fit passer un petit examen et analysa vite et bien la situation. Il m´assit dans sa propre classe, à côté d´Alex Fillerin, petit-fils de Français, qui était le seul francophone de l´école. Alex et sa soeur Mabel furent pendant de nombreuses années, mes meilleurs amis en Argentine.
C´est Antoinette, la fille célibataire de la famille qui employait mon père, qui m´aida pour les leçons pendant les premiers mois d´école. Elle parlait le français, jouait du piano, faisait de bons gâteaux mais, semble-t-il, elle refusait toutes les propositions de mariage. Ses parents avaient rejeté son premier grand amour, un jeune officier pauvre et elle ne se maria, qu´après leur mort, avec un simple maître-d´hôtel. L´ambiance et les préjugés étaient très XIXe siècle en Argentine et le sont restés dans certaines vieilles familles bourgeoises..
Je n´oublierai jamais ce que je dois à Alex, à Antoinette et au Frère Lucas pour ma rapide intégration scolaire en Argentine

24 mars 2010

Aux jeunes poètes toujours vivants

Radiguet à 20 ans
le diable l´a emporté
Lautréamont est mort à 24
sans un seul portrait
Laforgue est mort à 27 ans
Chénier à 32 sous le couperet
Jarry meurt à 34 ans
ubuesquement
Crevel se suicide à 35
surréalistiquement
Rimbaud à 37 ans
perd sa jambe et son pied
dépassé par Apollinaire
qui meurt à 38 ans
de sa belle mort
de trépané.

Pourquoi tous ces fins poètes
pourquoi font-ils semblant
d´être mort et enterrés
puisqu´ils sont toujours vivants ?

21 mars 2010

Souvenirs de l´arrivée à Buenos Aires

A Buenos Aires nous fûmes accueillis par des
lointains cousins de mon père. Ils habitaient une grande maison moderne, dans un quartier nord de Buenos Aires.. Bien qu´Argentins tous parlaient le français ! D´emblée j´ai aimé la façon d´être, la générosité et l´humour de tous ces gens. Elsa, une petite adolescente voisine, la fille du laitier, m´adopta et m´amena connaître le quartier sur sa bicyclette. J´étais “le petit français”. Je ne comprenais rien de ce qu´elle me disait, mais je sentais que c´était gentil. A cette époque il y avait très peu de voitures. On respirait parfois, dans la rue, le parfum des fleurs d´orangers et de jasmins des jardins. Il y avait un grand nombre d´oiseaux, inconnus en Europe, qui voletaient, sans crainte, d´un jardin à l´autre.
Puis toutes les maisons que je visitais avaient l´électricité, l´eau courante, des salles d´eau et de vrais W.C. avec chasse d´eau. Les gens étaient toujours propres et bien habillés, comme le dimanche ou pour les enterrements chez nous et, chose surprenante pour un Français, ils se douchaient plusieurs fois par jour !
Une autre curiosité c´était la quantité de viande grillée qu´ils mangeaient. Parfois même des agneaux entiers qu´ils crucifiaient sur des barres en fer et faisaient cuire pendant des heures, à la chaleur d´un feu de bois. Il y avait aussi, comme entrée, les “empanadas”(des chaussons fourrés de viande), les saucisses, les “chinchulines” (des tripes d´agneaux tressées), beaucoup de pain, de vin mais peu de légumes. L´Argentine était un pays d´abondance. Un pays généreux. D´ailleurs on disait alors : “Personne ne meurt de faim en Argentine”.

18 mars 2010

Poème aux impurs

A Aimé Césaire à Maïakovski à Aragon
à Paul Eluard à René Char à Benjamin Péret
à Federico García Lorca à Rafael Alberti
à Julio Cortazar à Luis Franco à Juan Gelman
à Noé Jitrik à Alberto Szpunberg à Francisco Urondo
à Pedro Tierra à Pablo Neruda à Nicolás Guillén
à Humberto Ak´abal à Otto René Castillo à Roberto Sosa
à Octavio Paz à Ernesto Cardenal à Augusto Roa Bastos
à Idea Villariño à Ida Vitale à Mario Benedetti
à César Vallejo à César Vallejo à César Vallejo
à tous ces poètes connus ou inconnus
à tous ces poètes qui ont pris des risques
à tous ces poètes solidaires dans la lutte
à tous ces poètes qui ont affronté la peur
à tous ces poètes qui savent aimer leur prochain
à tous ces poètes épris de justice et qui souffrent
à tous ces poètes mes frères mes camarades
à tous ces poètes honnêtes qui ont tout donné
à tous ces poètes qui subirent aussi la torture
à tous ces poètes persécutés et qui l´assument
à tous ces poètes morts et jamais ressuscités
à tous ces poètes qui font de la poésie impure
à tous ces grands poètes essentiels
souvent oubliés dans les universités
méprisés par les intellectuels mondains
je rends un hommage admiratif et respectueux
car morts ou vivants leur poésie durera
dans nos coeurs pleins d´espoir,
subversive, libre et tellement...tellement vraie.

11 mars 2010

Poèmes pour rire 2

La gloire du poète

Il y avait en Aquitaine
un poète tontaine
un poète gascon
qui écrivait des poèmes
tontaine
des poèmes abscons
en dialecte breton
tontaine
sa muse alsacienne
les transformait en chanson
tontaine
en chansons freudiennes
pour jeunes barytons
tontaine
où va donc mon poème
où va donc ma chanson
est-ce une vie saine
de faire des poèmes
tontaine
seul dans une prison ?

Maudit soit celui qui m´enferme
dans le ventre de la baleine
de mes pauvres illusions
de poète raté et vagabond !

Tontaine et tontaine
sans être le grand Villon
j´assume mes peines
et la malédiction
de tous les exilés gascons.

08 mars 2010

La grande poésie

La grande poésie
est faite
d´un grand nombre
de petites poésies
de poésie honnête
bien faite
par de petits poètes
de bonne volonté
qui par addition
ou par adhésion
deviendront un jour
peut-être
de vrais grands poètes
mais ils ne le sauront
jamais
car la vraie poésie
reste un mystère
infini et maudit
puisque personne ne sait
reconnaître avec certitude
la vraie grande
poésie
sauf peut-être
quelques rares poètes
pleins de doute
sur la poésie
d´aujourd´hui.

05 mars 2010

Souvenirs du “Cabo de Buena Esperanza”



Barcelone, en 1940, était une ville sinistrée. Les trottoirs étaient encombrés de mendiants. Sur les places des hommes écoutaient les discours des haut-parleurs et faisaient, avec le bras levé, le salut fasciste. Une boulangerie accepta de nous vendre trois petits pains, de couleur sombre, qui furent mangés en deux bouchées. Nous dormîmes, tout habillés, sur le lit douteux d´un “hotel-posada” décrépit, proche du port.
Le matin suivant nous faisions connaissance avec le ”Cabo de Buena Esperanza”. Un bateau-poubelle sommairement aménagé en paquebot de croisière pour émigrants et réfugiés. Même le camp de concentration du Maroc semblait plus accueillant...Les hommes de l´équipage, toujours extrêmement grossiers, traitaient les passagers sans ménagement. La nourriture était, pour nous, infecte et les conditions d´hygiène déplorables. Nous fûmes presque tous colonisés par les poux. Quant aux repas ils se composaient, essentiellement, de lentilles ou de pois-chiches avec un morceau de lard gras. Les dimanches on avait un dessert ! Le voyage dura un mois !
Je n´ai jamais su pourquoi nous avions fait un long détour par Curaçao ! Le “Cabo de Buena Esperanza” mouilla face au port. Des soldats hollandais en bermuda, arrivés dans une vedette, débarquèrent l´un des passagers !
Le bateau leva l´ancre et continua son voyage, sans escales, jusqu´à Buenos Aires. Qui était ce passager ? Ce sera encore l´un des mystères de ce long voyage.
Arrivés à Buenos Aires mon père indigné, cria à l´un des marins espagnols : “Ici je suis dans mon pays !”

04 mars 2010

Souvenirs du deuxième départ

Après plusieurs mois d´attente à Dakar, quelques semaines passées dans le camp de concentration du Maroc, nous retournâmes à Marseille. Nous nous installâmes dans la grande maison de ma grand-mère paternelle. Cette demeure somptueuse, avec son grand escalier d´entrée, sa large terrasse complantée de platanes et son jardin d´agrément avec une fontaine et des poissons rouges n´avait ni électricité ni salles de bains. Le seul robinet avec l´eau courante était dans l´immense cuisine-séjour (la luxueuse salle à manger n´était jamais utilisée) et on s´éclairait, le soir, avec des lampes à pétrole et des bougies. Pour se laver il y avait, dans chaque chambre, un meuble couvert d´une plaque de marbre, avec une bassine et un broc d´eau froide. Pour les “besoins” il y avait un seau qu´on vidait chaque jour dans “les cabinets” situés , au fond, à côté du poulailler. Il n´y avait pas non plus de chauffage. En hiver, le seul coin chaud de la maison, était la cuisinière à bois de la cuisine.
Peu de gens des villes accepteraient, aujourd´hui en France, un logement avec un confort aussi rustique. C´était pourtant une maison de riches. N´oublions pas que même le célèbre château de Versailles, avec ses dorures et ses fastes, avait moins de confort que nos HLM !
Mon père, bien décidé à partir en Argentine, fit les démarches pour pouvoir passer en Espagne. Le paquebot “Cabo de Buena Esperanza” partait du port de Barcelone vers l´Argentine. De Marseille à Barcelone nous avons pris le train. Mon père, prudent, avait caché son argent dans une miche de pain. Nous traversâmes la frontière sans encombres.

01 mars 2010

Poèmes pour rire 1

La magie de l´écriture

Pouëtpouët...
Poêtpoête...
Poètepoète
sans oublier les poétesses.