29 juillet 2008

Les poètes rêvent

Les poètes rêvent d'un monde meilleur
où les poètes seraient riches
admirés et aimés.

Les poètes rêvent d'un monde
où leur poésie serait éditée
distribuée et même parfois achetée
par des lecteurs de poésie.

C'est le propre de la poésie de rêver...

Mais c'est le propre de la réalité
de nous rappeler le goût amer du profit.

L'argent c'est le contraire de la poésie...

20 juillet 2008

Les pensées sans arrières pensées de Yvan Avena














“Peau noire masques blancs” par Frantz Fanon - Ed. Du Seuil/ Point (1952)

- Nous avons dit (...) que l´homme était un “oui”. Nous ne cesserons de le répéter. Oui à la vie. Oui à l´amour. Oui à la générosité. Mais l´homme est aussi un “non”. Non au mépris de l´homme. Non à l´indignité de l´homme, à l´exploitation de l´homme, au meurtre de ce qu´il y a de plus humain dans l´homme : La liberté. (...)
- Je me découvre un jour dans le monde et je me reconnais un seul droit : Celui d´exiger de l´autre un comportement humain.

Note : Frantz Fanon, intellectuel français de couleur, a connu la prison et l´exil. Il est, avec Aimé Césaire et Léopold Sédar Senghor, l´un des plus lucides analystes du racisme blanc et des potentialités humaines de la culture nègre. La lutte des noirs pour garder leur culture profonde et ancestrale est semblable à celle des poètes aujourd´hui. Les uns et les autres sont considérés, par les technocrates et les hommes d´affaires, comme inadaptés à la société “moderne” et porteur d´un message incompatible avec la rentabilité des entreprises. Les paysans africains disent oui à la générosité et à la fraternité et non à l´accumulation et à l´égoïsme individualiste. Les vrais poètes, conscients de leur fonction dans la société, disent la même chose : Oui à l´amour et non au mépris ! Les gens de couleur et les poètes engagés mènent le même combat.

17 juillet 2008

Marguerite Yourcenar (1903-1987)







“Fleuve profond, sombre rivière” - Gallimard 1966

- (...) La conscience humaine, qui d´ordinaire dort confortablement sur le double oreiller du conformisme et de l´inertie, avait décideur partout un de ces brefs réveils au XIXème siècle en ce qui concerne la condition du Noir : en 1818, la France de la Restauration avait définitivement aboli la traite des nègres, éliminée déjà par la Convention, mais rétablie par Napoléon.
(...) En 1863, Lincoln, soutenu par la majorité de l´opinion publique, entraîné lui-même par un mouvement qui emportait tout, avait proclamé l´abolition de l´esclavage. En décembre 1865, les Etats américains ratifièrent l´introduction du fameux treizième amendement dans la Constitution des Etats-Unis, quelques mois après la cessation des hostilités et l´assassinat de Lincoln. Les aspects légaux d´une vieille et énorme injustice prenait fin.
(...) Il n´y a pas de liberté sans égalité ; comme ni l´une ni l´autre sans le sentiment de la fraternité des êtres, peut-être vaut-il la peine de faire pour une fois l´éloge de la formule dont a usé et abusé la France républicaine, et qui (comme il arrive si souvent aux formules) ne paraît creuse que parce que jusqu´ici elle n´a guère été appliquée.

Note : Ces extraits d´une présentation de traductions de “Negro spirituals” par Marguerite Youcenar se passent de commentaires. Je pense que les Académiciens qui ont accepté son entrée à l´Académie ne devaient pas l´avoir lu!

13 juillet 2008

A CEUX QUI N’ONT RIEN INVENTE

















A ceux qui n’ont rien inventé
la roue
l’écrou
et le triple verrou
à ceux qui n’ont pas inventé
la poudre
la foudre
et la machine à coudre
à ceux qui n’ont pas inventé
le galion
l’avion
et la chair à canon
à ceux qui n’ont pas inventé
la priorité
la rentabilité
et la liberté des marchés
à ceux qui n’ont pas inventé
les horaire les honoraires
et leurs fidèles mercenaires
à ceux qui n’ont pas inventé
à ceux qui n’ont rien demandé
à ceux qui n’ont toujours rien
à ceux qui ont encore peur et faim.

(hommage à Frantz Fanon)

LES POEMES DU GEBA, Bissau 1991

12 juillet 2008

Les pensées sans arrières pensées d´un poète














Autogestion disait-on ! Ed. P.U.F./ Cahier de l´I.U.E.D. (Genève) - Ouvrage collectif (1988)

Jean-Marie Moeckli cite Albert Meister

- (...) Je veux croire qu´on cessera de parloter de culture et qu´on lira Albert Meister : “Aussi beaux soient-ils, les tableaux et les poèmes ou le graphisme gestuel de la danse ne constituent pas à eux seuls la culture. Il faut encore la fraternité, l´amitié. Et peut-être que les poèmes et toutes autres productions dites culturelles ne sont que des moyens pour arriver à aimer.”
L´action culturelle doit “permettre à chacun de construire sa propre culture, à partir de son propre vécu et selon des cheminements autonomes.”
“Je demeure un homme du siècle passé, incapable d´assumer la rationalité de notre société actuelle, et rebelle à la maîtrise et à la superbe de ses décideurs.”
Albert Meister récuse toutes les explications qui reposent uniquement sur l´héritage historique et collectif, sur le “retard” économico-social ou sur l´incapacité culturelle des populations (du tiers-monde).

Note : Meister pense même que le refus d´adaptation, des populations du tiers-monde, aux méthodes et aux buts de la “coopération” internationale est une forme de défense de leur autonomie. Souvent la culture des populations soit-disant “sous-développées” est plus profonde et plus ancienne que celle qu´apportent les experts et les conseillers techniques internationaux.

07 juillet 2008

Les pensées sans arrières pensées d´un ancien coopérant














Une Afrique en Marche” par Pierre Pradervand - Ed.Plon.
-”Comment parler de la richesse de l´Afrique sans mentionner la qualité unique de son hospitalité ? Pour le visiteur de passage, aussi fortuné soit-il, le plus pauvre parmi les pauvres donnera son dernier oeuf, tuera son dernier cabri ou l´unique mouton dans sa cour, lui laissera son seul lit, et lui donnera tout son temps...”.

Note : Je cite ce bref passage d´un livre d´un coopérant technique en Afrique. Un très beau livre qui dénonce certaines des absurdités de la coopération française et internationale. Malgré d´énormes moyens financiers et techniques, cette coopération a échoué. Et elle a échoué car elle n´a pas voulu prendre en considération la spécificité de la culture africaine : Elle est, traditionnellement, une société de don et de partage et non pas d´accumulation. La France - dont le budget de coopération était, dans les années 80, de 6,5 milliards de francs par ans (± 1 milliard d´euros) - n´a guère enrichi les paysans africains, par contre elle a apporté beaucoup de désordre et de faux besoins dans les villes.
Ce n´est guère mieux en France avec le gros budget de la culture. Il n´a servi qu´à employer une armée de fonctionnaires (15.000 !!!), à financer l´entretien des bâtiments historiques et à créer des musées. Par contre toute la création moderne, notre avenir, a été très peu soutenue. Doit-on conserver des structures d´Etat qui sont incapables d´assumer correctement leur mission ?

06 juillet 2008

L’humanité couleur pétrole
















Chaque fois que la haine
remplace la raison
chaque fois que la religion
développe la haine.

Chaque fois que les menaces
remplacent le dialogue
chaque fois que la violence
remplace le compromis

Chaque fois que les plus forts
écrasent les plus faibles
chaque fois qu’un peuple
devient l’otage de la faim.

C’est le prix à payer
me dit le pompiste
pour que vos voitures
roulent il faut des morts

Aujourd’hui la civilisation
a la couleur du pétrole
demain les morts
iront à pied
chez le pompiste

03 juillet 2008

David Mandessi Diop (1927-1961) Sénégal















Les vautours

En ce temps-là
A coups de gueule de civilisation
A coups d'eau bénite sur les fronts domestiqués
Les vautours construisaient à l'ombre de leurs serres
Le sanglant monument de l'ère tutélaire
En ce temps-là
Les rires agonisaient dans l'enfer métallique des routes
Et le rythme monotone des Pater-Noster
Couvrait les hurlements des plantations à profit
O le souvenir acide des baisers arrachés
Les promesses mutilées au choc des mitrailleuses
Hommes étranges qui n'étiez pas des hommes
Vous saviez tous les livres vous ne saviez pas l'amour
Et les mains qui fécondent le ventre de la terre
Les racines de nos mains profondes comme la révolte
Malgré vos chants d́orgueil au milieu des charniers
Les villages désolés l'Afrique écartelée
L'espoir vivait en nous comme une citadelle
Et les mines du Souaziland à la sueur lourde des usines d'Europe
Le printemps prendra chair sous nos pas de clarté.

(Coup de pilon - Ed. Présence Africaine 1956)