23 décembre 2010

L´arrivée à Stockholm II

Lors de mon arrivée à Stockholm j´ai logé, les trois premiers jours, à l´auberge de jeunesse. Elle était située sur le port dans un ancien grand voilier : le “Chapman Ship”. C´était ce qu´il y avait de moins cher. Puis je cherchais le contact avec Carlos, l´Argentin que j´avais connu à Paris. Il faisait, comme tous les étrangers de passage, la plonge dans un restaurant “self-service”. “Diskare” (plongeur) était l´un des premiers mots que nous apprenions à notre arrivée. En été la police d´immigration donnait, sans difficultés, des permis de travail provisoires pour les restaurants et les hôpitaux. La Suède manquait de main-d´oeuvre intérimaire peu qualifiée (il y avait alors le plein emploi !) et curieusement, en été, on trouvait dans les cuisines de Stockholm beaucoup d´étudiants - y compris suédois - qui se payaient ainsi leurs vacances. La plupart des “diskare”, du sud de l´Europe, avaient au moins leur bac ! 90% des personnels de restaurants étaient étrangers ! Beaucoup étaient de rustres et solides travailleurs finlandais. Seuls les chefs étaient suédois !

Il y avait aussi les “diskplockare” (ramasseur de plateaux). J´ai exercé, à mes début, les deux métiers...

Carlos partageait une chambre avec José, un espagnol joyeux et cultivé. Passés les trois jours réglementaires, le responsable de l´auberge, inflexible, me mit à la porte. Je fut invité par Carlos à partager leur chambre...et leur loyer. Ce qui me semblait normal ne l´était pas pour la logeuse. Je fus expulsé de mon refuge. Ce fut un jeune espagnol qui m´évita de devenir SDF. On l´appelait “el pelado”. Souvent la solidarité d´amis occasionnels me sauva la vie. Je ne l´oublie pas !

19 décembre 2010

L´arrivée à Stockholm I

Dans le compartiment du train qui m´amenait de Paris à Stockholm, il y avait une jeune Suédoise charmante et affable. Elle m´apprit qu´elle était restée un an “au pair” à Paris. Je lui racontais que je venais d´Argentine et que, moi aussi, j´avais, pendant un an, découvert Paris et que j´allais en Suède avec l´intention de chercher un emploi et de connaître quelque chose de nouveau. Très positive, elle m´assura que je trouverai facilement un travail, dans mon métier, car la Suède était un pays prospère et accueillant. Pendant ce long voyage il s´établit entre Ingrid et moi un courant de sympathie. J´étais content et rassuré de la connaître. Mais dès que nous avons traversé la frontière son visage se durcit et elle devint silencieuse. Je cherchais, gêné, en quoi je pouvais l´avoir offensée pour provoquer un tel changement d´attitude ! Le courant ne passait plus ! Arrivés à Stockholm elle me dit à peine adieu d´un geste de la main. Ce n´est que bien plus tard que je compris. L´Ingrid décontractée et chaleureuse de Paris était redevenue suédoise ! Toute la rigidité de l´éducation protestante reprenait le dessus !

Quand nous rencontrions quelques copains espagnols et latinos, dans un bar, forcément les histoires des uns ou des autres nous amenaient à des fous rires et des plaisanteries. C´est alors que le serveur nous exigait de payer et de partir ! Dans les années 50, un Suédois ne pouvait pas concevoir qu´on puisse rire en public sans être très soûl ! Pour favoriser la sobriété, la législation suédoise rend, le serveur de bar, responsable des éventuelles conséquences de l´ivresse de ses clients !

17 décembre 2010

Ma dernière escalade !

Avant de partir en Suède j´ai fait un détour dans le Gers, chez mes grands-parents et de là je suis allé, sac au dos, au Cirque de Gavarnie, dans les Pyrénées.

Au pied des montagnes je rencontrais un groupe de jeunes campeurs. Je demandais mon chemin et il me recommandèrent de passer la nuit dans leur camp car, après, il n´y avait rien d´autre que la montagne. Ils étaient bourguignons et roulaient les “r”. Le soir, autour du feu, j´écoutais, pour la première fois, leur “hymne” : “Je suis fier d´être bourguignon”. Le matin ils me donnèrent les indications pour arriver à la brèche de Roland.

Je grimpais avec une certaine inquiétude, car en pleine montagne éclata un orage et il y eut quelques coups de tonnerre.. Je craignais la foudre, mais aussi de me perdre dans le brouillard. Aussi vite qu´ils étaient arrivés les nuages s´éloignèrent. Après quelques heures de marche j´arrivais à la Brèche qui, selon la légende, fut ouverte par un coup d´épée de ce brave Roland. J´étais ému de me retrouver dans le lieu d´une aussi prestigieuse histoire. Arrivé à l´intérieur de la brèche ma surprise fut d´entendre, de l´autre côté du portail rocheux, parler en espagnol. C´était deux filles et deux garçons de Valencia. Ils m´invitèrent à connaître leur refuge en Espagne.

Bien qu´il m´assurèrent que le chemin était facile je me retrouvais, au milieu du parcours, devant un mur vertical, de plus de 300 mètres de profondeur, accroché à un piton, sans pouvoir avancer ni reculer. J´étais bloqué par le sac à dos. C´est une des filles qui me sauva la vie, accrochée à un piton, elle souleva mon sac. J´ai vu ce jour-là le visage de la mort !

12 décembre 2010

Je tourne

Je tourne en rond
et je pense ovale
comme un œuf
comme un bœuf
comme le dernier scandale.

Je me gratte le front
dans mon carré
conjugal et familier
je marche en long
en large et en vitrier
jaune rouge et fécond
je suis enfin libéré
même triangulaire
et tout droit
comme un point de repère
comme une croix.
Je suis libéré et tutélaire
dans l´hypoténuse des muses
dans l´attente sans fin
je tourne et je détourne
mes dernier confins
mes dernier matins
et chaque nuit je séjourne
le regard en coin
en diagonale en parallèle
le regard lointain.
Je tourne la manivelle
je tourne en rond et en vain.

10 décembre 2010

La solitude

La solitude terrible.

La solitude absolue.
La solitude comme un loup
la solitude dans la foule
la solitude d´un émigrant
la solitude d´un poète.

La solitude comme une maladie
la solitude qui fait mal
la solitude qui craque
à chaque coup de vent.
La solitude dans un aéroport
la solitude départ de mille morts
quand les heures perdent leurs pétales
dans les couloirs et les salles.
La solitude de tous les voyages
départ de tous les ports
de toutes les gares
les yeux blessés de tant d´images

de tant d´attente
de tant d´attente
et de tant de regards.

05 décembre 2010

La fin des vacances à Paris!

Mon année de “vacances” à Paris arrivait à sa fin. Si je restais plus longtemps, je risquais d´être recruté par l´armée pour “pacifier” le Maghreb. D´une part j´avais été, régulièrement, exempté du service militaire, car résidant en Argentine (l´armée n´avait pas le budget pour me payer le voyage !), d´autre part j´étais - et je le suis toujours - plutôt pacifiste et anticolonialiste. Je n´avais donc ni le profil ni les motivations pour devenir, à 26 ans, un bon soldat. Par contre j´avais pensé qu´il me serait plus utile, me trouvant en Europe, de chercher un emploi en Angleterre pour apprendre l´anglais. C´est ainsi que je me suis retrouvé en Suède !

J´ai déjà raconté que j´ai connu à Paris, un petit groupe d´argentins dont l´un, Agustin, vivait avec une charmante jeune suédoise. Plusieurs personnes me déconseillèrent l´Angleterre. Le seul permis de travail que les autorités donnaient alors, aux étrangers, était pour travailler dans les champs. C´était très dur et mal payé. Par contre tous étaient d´accord pour vanter les mérites de la Suède et la beauté de ses filles.

L´un des Argentins du groupe. Carlos, partit le premier. Il écrivit une lettre très encourageante disant qu´il avait, tout de suite, trouvé un emploi de “machiniste” dans un restaurant. Il signalait, également, qu´il y avait deux ingénieurs argentins qui travaillaient à L.M. Ericson. La “machine” de Carlos était une machine à laver la vaisselle. Les ingénieurs, bien que qualifiés, s´occupaient surtout de documentation technique. Les bas salaires en Suède étaient, certes, plus élevés qu´en France mais les impôts et le coût de la vie bien supérieurs.

03 décembre 2010

Buenos Aires-Paris et la presse d´opinion

A Buenos Aires, j´écoutais parfois un programme, d´une heure en français, à la radio On y entendait chanter surtout Charles Trenet, mais aussi Maurice Chevalier, Jean Sablon, Tino Rossi, Edith Piaf. Par contre Georges Brassens était absent. Les responsables de la radio auraient dit que ses textes “n´étaient pas convenables”. C´est une jeune cousine à Paris, Christiane, qui me fit écouter, pour la première fois, Brassens. En France, aussi, certains chanteurs “subversifs” étaient censurés : Mouloudji entre autres. Par contre leurs concerts remplissaient les salles et leurs disques se vendaient bien. C´est cette ambigüité que j´appréciais en France : Censure officielle d´un côté et beaucoup de liberté de l´autre.

Même chose pour les journaux. L´Etat n´arrivait pas à museler l´opinion. Il y avait, encore, une certaine presse libre. Même “Le Monde”, se voulant objectif, ouvrait ses pages à des opinions contradictoires. Sur les sujets les plus brûlants il y avait toujours le choix entre plusieurs points de vue. Les pays “démocratiques” (!!!) n´avaient pas encore inventé la pensée unique. C´est d´ailleurs pour combattre les dictatures nazie et fasciste qu´il y avait eut des millions de morts et que des villes entières avaient été détruites. Ma question est la suivante : Pourquoi la guerre continue, toujours plus violente, puisqu´il n´y a plus de pays nazis, ni fascistes ni même communistes orthodoxes ? Pourquoi continue-t-on à fabriquer des armes, de plus en plus performantes et terrifiantes, puisqu´il n´y a plus d´ennemis organisés pour mettre en danger notre civilisation ? Serait-ce dans le but de créer des emplois ?...

27 novembre 2010

Je suis mort plusieurs fois

Je suis mort
le jour de ma naissance
d´une hernie de l´oreille droite
et depuis je boite
et je danse.

Je suis mort
à l´âge de six ans
dans un camion de déménagement
et j´ai perdu les roseaux
et mon chien zozo
et mon chat gribouille
et toutes les grenouilles
de l´étang
de mes souvenirs d´enfant.



Je suis mort
de nouveau à dix ans
au son de la sirène
d´alarme
dans la cave du gendarme
et du bourreau
à l´odeur de moisi
et de sirène
du bateau
qui s´enfuit
parmi les blanches vagues
vagues et vogue
dans la nuit
mon petit matelot.

Je suis mort
encore une fois
en mille neuf cent quarante trois
dans un éclat de voix
et un bris de verre
et chacun s´en alla
vers son destin
l´un vers la ville
l´autre vers la terre
chacun son petit chemin
sans regret
et sans mystère
et moi
dans ma poche
mes billes
ma souffrance et ma misère.

Je suis mort
en regardant passer le train
du pont le plus proche
en mastiquant mes larmes
et mon chagrin
et un mur dans les yeux
et un mort dans les mains
à dix sept ans
on n’est rien
on est moche
à dix sept ans
l´amour nous tient
et nous fauche.

Je suis mort d´amour
ô combien de fois
dans mon long parcours
et chaque matin
une jeune et innocente fée
me faisait rêver
au lendemain
et chaque soir
elle devenait
ignoble catin
face au miroir.

Je suis mort
un dimanche de pluie
je suis mort chaque lundi
et je suis mort
jusqu´au samedi compris...

Je suis mort
tout le long de ma vie
et même mon bonheur
fut souvent tâché
par la boue et le bruit
de tous les dégoûts
qui m´ont peu à peu
grignoté et détruit

et pourtant

j´écris
et j´aime
donc je vis.

24 novembre 2010

La liberté

Aïe poète des fleurs ! Aïe ton petit jardin !

La liberté
le bonheur
dans le cœur
et les mains
et voilà mon poème
pour forcer le destin.


Et voici l´autoroute et le ciment
d´une grande vitesse
et j´oublie pourquoi et comment
et d´autres politesses
quand le vert
devient mur blanc
ou gris
et pluie
et mauvais temps
et banlieue
de ceux très nombreux
qui n´ont pas réussi
à l´école de la vie.

Et qui ne savent pas pourquoi
on devient un oubli
de la démocratie
et qui ne savent pas comment
tant de poètes
ont un jardin
et des fleurs
et dans les yeux
le soleil
et les couleurs du printemps.
Ou alors font-ils semblant ?...

18 novembre 2010

Travailler à Paris IV

En 1956, rien n´était plus facile que d´obtenir un emploi à Paris. Par contre c´était impossible de trouver, à un prix abordable, une location correcte. Pour louer un appartement il fallait, à fonds perdus, payer un dessous de table. Rares étaient les appartements avec salle d´eau, ascenseur et chauffage central. Il y avait, pour se laver, des douches municipales ouvertes trois jours par semaine. Pour se chauffer, en hiver, à Paris il y avaient souvent, dans les appartements, un poêle à charbon. Le charbon était entreposé dans la cave. Monter et descendre des escaliers n´effrayait personne.

Les jeunes des banlieue, qui saccagent aujourd´hui leurs HLM devraient demander, à leurs grands-parents, quelles étaient leurs conditions de vie dans le passé. Certains ont même connu les bidonvilles.

On ne peut nier que la conception urbanistique des banlieues, après la guerre, est l´oeuvre de très médiocres architectes et d´hommes politiques irresponsables. Faire des ghettos, hors de la ville, pour les pauvres et les travailleurs émigrés, à l´époque du plein emploi, ne pouvait que devenir problématique en période de chômage et de discrimination raciale.

Le Paris ancien, avec ses appartements sans confort, était néanmoins un lieu de vie humain. On disait encore, avec un certain orgueil : “J´suis d´Bel´ville !”. Chaque quartier avait son caractère et sa vie sociale. L´épicier connaissait le nom de ses clients et les voisins se parlaient. C´était ce qui faisait le charme de Paris...Chacun pouvait y vivre sa différence selon ses moyens ! La bohême n´était pas marginale !

15 novembre 2010

La politique


On m´a dit
que la politique
ne doit pas habiter
le nid doré de la poésie.

On m´a dit
qu´il ne faut pas mélanger
la politique et la poésie.

On m´a dit
on m´a dit
tellement de choses sur la poésie
que maintenant
je ne sais pas quoi faire
avec mes utopies...

Car moi petit poète solitaire
je vois
je vois
et je vis
la violence de la guerre
les camps et les tortionnaires
se succèdent
ils prolifèrent
et ils se multiplient.

Moi
je vois que
les menteurs et les malins
sont de plus en plus nombreux
et ils marquent des points
pendant
que le poète rêve
de mots bien propres
comme la source et le coquelicot
le narcisse
et le chant des oiseaux.

Et pendant
que le poète rêve
de nuages et de doux ruisseaux
les autres ouvrent leur chemin
à coup de hache et de couteau
et entre l´hiver et l´hiver
entre la peur et le sang
la guerre et la misère
la faim
et les camps.

Et moi petit poète révolté
je rêve et je rêve
de solidarité.

10 novembre 2010

Travailler à Paris III

Le repas, avec le cousin polytechnicien, directeur d´un laboratoire de recherche pour le développement des briqueteries françaises, fut pénible. Sa conversation était très décevante et monotone : Pendant tout le repas, le polytechnicien ne parla que de sa voiture ! Ce sujet unique semblait le passionner !

Je venais d´arriver d´Argentine où peu de gens avaient leur propre véhicule. Les voitures étaient, le plus souvent, nord-américaines et parfois très anciennes. La Fort T, des années 20, roulait toujours dans les campagnes. Les mérites comparés entre les Citroën, les Peugeot et les Renault me laissaient indifférent. D´ailleurs je pensais que les voitures françaises y compris la belle et aérodynamique DS, semblaient plutôt modestes à côté des américaines des années 50 !

Ce ne fut qu´après le café et le cognac que le cousin Maurice put parler de ma formation, de ma spécialité dans la céramique et de mon souhait de trouver un emploi. Le polytechnicien me donna sa carte et me dit de passer le voir, le lundi à 9 heures, à son bureau.

Après une longue attente, il me reçut et fit asseoir dans son moderne bureau directorial. J´étais même un peu gêné de déranger une personne aussi importante. Il m´expliqua, brièvement, les fonctions de son institution et me donna un prospectus avec l´adresse des briqueteries associées et me suggéra de leur écrire.

- En me recommandant de vous ?...je lui demandais.

- Hélas non ! Il me répondit, ce serait inconvenant dans ma situation !...

Merci, cher cousin !...

04 novembre 2010

A la recherche du temps perdu

A la recherche du temps
du ciel du vent
à la recherche de notre vie d´enfant
depuis si longtemps.

A la recherche d´une mèche
sèche et rêche du printemps.
A la recherche
du filet de pêche
pour pêcher plus souvent
la prière du vent
dans la cour du couvent
qui sert parfois de crèche
au plus vil des serments

car celui qui prêche
est rarement innocent.

31 octobre 2010

Monuments

Ah, Libranos, Señor,
de los explotadores de cadáveres...
LUIS CARDOZA Y ARAGÓN
(Poème a Rafael Landivar)

Dieu ô Dieu des vivants
Dieu des pâquerettes
Dieu des cigales
Dieu des sourires :

Délivre-nous des charognards
délivre-nous des exploiteurs de tombes
délivre-nous des profiteurs d´enterrements
délivre-nous des marchands
qui se nourrissent et s´engraissent
de monuments

de monuments
aux héros
aux résistants
au soldat inconnu
aux généraux
aux disparus
aux glorieux
aux crucifiés
aux poètes torturés
par ces mêmes généraux

et qui oublient
qui oublient
toujours les vivants
et qui oublient les pâquerettes
les cigales
et le sourire
et l´envie de vivre
des vivants.

30 octobre 2010

Travailler à Paris II

Nous étions trois dessinateurs à MMM. Un était un vrai parisien. L´autre ch´timi. Le parisien, né et élevé dans le quartier de Belleville, avait un très riche vocabulaire d´argot. Il se réjouissait chaque fois que ses deux collègues “n´entravaient que pouic à sa jactance”. Ce fut mon initiation à l´humour parisien de base.
En face de la société MMM, il y avait le bistrot d´un Corse qui servait un menu unique pour 200 francs (je gagnais alors 75.000 francs par mois). C´était une nourriture simple mais, à mon goût, savoureuse. Le quart de vin était compris dans le prix. Je partageais ma table avec un tourneur de MMM, d´une cinquantaine d´années, qui me parlait, avec érudition, de spécialités culinaires et de vins de pays que j´ignorais. J´apprenais, avec intérêt, à connaître la France prolo et sa riche culture.
Les premiers jours de mon arrivée à Paris, mon cousin Maurice organisa un repas en l´honneur d´un polytechnicien - un autre lointain cousin - qui, d´aprés lui, pourrait m´aider à trouver un emploi dans ma spécialité. Le repas, très classique, servi dans de la porcelaine de Limoges et des verres en cristal, fut délicieux. Apéritif, vol-au-vent en entrée, gigot d´agneau accompagné de petits pois et de pommes-noisette, salade et glaces pour finir. On monta de la cave des bouteilles de vin blanc et de rouge, dont les étiquettes étaient légèrement moisies. Ce fut l´un des repas les plus raffinés de ma vie.
Ma tante Mado d´Aubagne était une très grande cuisinière provençale. Tout ce qu´elle cuisinait était divin, mais la table était toujours familiale. Il n´y avait pas, chez elle, la mise en scène des bourgeois parisiens.
Ma tante Mado

25 octobre 2010

Travailler à Paris I

J´ai déjà commenté ma vie et mes rencontres à Paris. Paris est pour l´étranger qui a du temps libre et assez d´argent, une source inépuisable de découvertes dans les domaines de la culture et du spectacle. Je dirais même que la raison d´être de Paris c´est l´abondance et la qualité des spectacles qu´elle offre. Chaque vieille rue, chaque monument, chaque place est une référence à nos souvenirs de romans, de films et d´histoire. Paris est, pour le touriste cultivé, un théâtre grandeur nature. Parfois des plaques dans les rues nous le rappellent. L´histoire est son fonds de commerce !
Je suis resté plus d´un an à Paris. Je sortais tous les soirs. Je n´ai vu, faute d´une solide culture, faute d´amis parisiens et, surtout, faute d´ordre de priorités dans mes recherches, que de modestes échantillons de la vie culturelle parisienne. J´étais néanmoins ébloui ! Ebloui et abasourdi par la variété d´informations et de sensations que m´offraient chaque musée, chaque théâtre, chaque cinéma d´essai. Mais aussi par les personnages qui traînaient dans les rues et dans les bistrots, artistes et clochards - parfois les deux en un - en transformant chaque lieu de la ville en vraie scène de cinéma. Tout me semblait insolite et merveilleux..
On a tellement photographié et dit des choses sur Paris que le mythe est devenu la principale attraction pour les touristes. Les Français eux, indifférents, marchent sur les mêmes trottoirs que Baudelaire, Verlaine et Rimbaud mais ils ne les connaissent plus. Ils vont dans les mêmes cafés que Tristan Tzara, André Breton et Paul Eluard mais ils n´ont aucune pensée pour eux. Ils les ont oubliés !...

20 octobre 2010

Le retour en France III

Après une halte chez ma tante Mado à Aubagne, je suis parti, anxieux, chercher un travail à Paris. Il y avait, en 1956, un épais hebdomadaire, rempli de petites - et grandes ! - annonces, proposant des emplois dans tous les domaines. Je me suis présenté, dans plusieurs entreprises, pour un poste de dessinateur industriel. En Argentine je dessinais, à partir d´une idée, d´un petit croquis ou d´une photo une machine que personne n´avait jamais vu fonctionner. Nous les réinventions pour notre besoin. Donc j´étais au plus haut niveau de ce métier. N´ayant jamais travaillé en France je me présentais pour une catégorie intermédiaire : dessinateur 2ème échelon ! Toutes les entreprises qui m´ont fait passer un essai - certaines avec des dizaines de dessinateurs - me proposèrent un emploi. Je choisis celle qui m´offrait - malgré ses vieux locaux poussiéreux - le meilleur salaire et le travail le plus intéressant : dessiner des rotatives pour l´imprimerie. Je commençais, dès mon arrivée, à projeter - 10 heures par jour - un prototype de machine pour épreuves de plaques typographiques. C´est ainsi que j´appris que les normes DIN, que je connaissais, étaient allemandes. Les normes françaises étaient différentes des allemandes et celles de l´usine MMM encore différente des françaises. C´est le Marché Commun qui remit de l´ordre dans cette cacophonie technique européenne ! Ce sont les normes allemandes, plus rationnelles, qui prirent le dessus. Quand vous achetez, dans une papeterie, une feuille de papier A-4, c´est un format selon les anciennes normes allemandes ! Peu de gens le savent !

17 octobre 2010

Le roseau et le baobab

Il soufflait le vent
le vent d´harmattan;
le roseau pliait pliait
et le baobab en riait.

Comme quoi il ne faut pas toujours croire

aux vieilles histoires coloniales, aïe !
de toubabs et de valets

13 octobre 2010

Le retour en France II

Le bateau me déposa à Marseille. La première chose que je fis fut de boire une verre de cognac dans un bistrot. Un vrai cognac français. En Argentine ce n´était pas dans mes moyens. J´étais ému par mon retour à la source de mes souvenirs d´enfant. J´avais 10 ans quand je quittais la France. Au plus profond de moi-même je me suis toujours senti Français. Malgré diverses propositions, j´ai toujours refusé la double nationalité. Pourtant la France m´a souvent poussé à l´exil : En 1940 par l´occupation allemande, en 1957 en voulant m´envoyer faire la guerre au Maghreb, en 1978 en me refusant, à 48 ans, un simple emploi et en 2005 par incompatibilité culturelle avec mes voisins gascons. La France est une grande dame très admirée, mais souvent capricieuse et cruelle dans ses rapports avec ses amants.
Ceci me fait penser à un poème médiéval espagnol dans lequel le poète, transi d´amour, dit qu´il a dans le coeur une flèche qui le fait souffrir : s´il l´enlève il meurt et s´il la laisse aussi. La France est ma flèche !...
C´est bien connu que beaucoup d´étrangers admirent notre littérature car elle est porteuse de liberté et d´idées nouvelles et que l´Etat français s´en enorgueillit. Néanmoins, un grand nombre d´écrivains et de poètes français, parmi les plus prestigieux, ont vécu méprisés et parfois persécutés, emprisonnés et poussés à l´exil par les autorités de leur époque. Serait-ce qu´il faut être mort et enterré pour que les autorités françaises reconnaissent les mérites et les vertus de leurs meilleurs écrivains ?
Pourquoi, alors, tant d´écrivains étrangers ont-ils cherché refuge à Paris ?...

11 octobre 2010

Lève toi et marche camarade! (Introduction)

Il y avait plusieurs mois que les muses m´ignoraient. Pas un poème n´est venu taper à ma porte. Comme je suis maintenant très vieux j´ai pensé que c´était la fin de l´inspiration. Puis disons-le : un homme sérieux, à 80 ans, s´il ne veut pas se ridiculiser, évite de dire qu´il est poète, surtout s´il est français. Et ce n´est pas tout : l´infime poète qui vous parle prétend également écrire, traduire et publier de la poésie sociale et subversive. Il faut savoir que, depuis des décennies, ce n´est plus à la mode. La mode est au lyrisme apolitique !
César Vallejo, Pablo Neruda, Aimé Césaire, Aragon, Maïakovski, Paul Eluard, Char, Benjamin Péret, García Lorca, Rafael Alberti, Julio Cortázar, Roa Bastos, Luis Franco, Francisco Urondo, Mario Benedetti, Octavio Paz, Nicolás Guillén, etc. sont si peu présents dans la mémoire des intellectuels contemporains qu´on peut se demander si un jour ils ont vraiment existé ! L´apolitisme des esthètes, des prudents, des opportunistes, marginalise toute la poésie engagée du passé et celle du présent.
L´horrible mur de Berlin est tombé et a été remplacé par un autre, bien plus infranchissable, qui sépare le XIXème du XXème siècle. En littérature, on admet la révolte culturelle de quelques fils de bourgeois alcooliques, drogués, syphilitiques, antérieurs à la révolutions russe, mais on ne pardonne pas à tous ceux qui, au XXème siècle, ont choisi le marxisme plutôt que le fascisme et le nazisme. Pourtant, à partir de 1933, quel intellectuel honnête, ayant une conscience politique et sociale, pouvait choisir Hitler plutôt que Staline ? Les morts dans les camps nazis n´ont pas eu ce choix !

07 octobre 2010

Retour en France I

Quand on a passé une partie de l´enfance dans une région qui parle notre langue maternelle, dans une ambiance familiale et protégée, dans un paysage et des parfums de campagne, on en garde des souvenirs inoubliables. Certains mots sont porteurs de sensualité, certaines odeurs de regrets d´innocence et le lointain passé tricote du rêve embelli. Les émigrants cachent tous, au fond de leur âme, des bouffées de nostalgie. La soupe, cuite sur la cuisinière au feu de bois, était meilleure au pays. Jamais plus on en a mangé d´aussi bonne ! On fait semblant d´oublier que, parfois, la faim était le principal assaisonnement du plat unique. On oublie, aussi, que quand on était jeune on se dépensait beaucoup plus que maintenant. On faisait, dans nos campagnes, des kilomètres à pied, dans le froid et la pluie, pour aller à l´école. Quand on cultivait la terre, on marchait des journées entières derrière la charrue. Les bras et les jambes étaient les principales machines, du début du XXème siècle, dans nos campagnes.
En ville on montait souvent à pied, jusqu´à six étages pour atteindre son logement, après 8 ou 10 heures de travail à l´usine et deux heures ou plus de transports en commun par jour. C´était la routine pour de nombreux travailleurs...et elle l´est encore aujourd´hui. La modernité n´empêche pas l´exploitation des plus pauvres. Mais est-ce que la soupe en sachets laissera autant de souvenirs ?
Pourtant, dans ma chambre de bonne à Paris, au 6éme étage sans ascenseur, je me sentais comme au paradis. J´avais, enfin, coupé définitivement le cordon ombilical. J´étais libre !!!

25 septembre 2010

Et l´art et la poésie dans tout ça ?

Malgré mes longues études techniques, mes heures de travail et les heures passées, souvent debout, dans les transports publics, j´ai toujours trouvé le temps de lire des livres de littérature et même de suivre des cours de dessin à la Mutualité des Beaux Arts. Je sortais aussi, certains dimanches, avec un groupe de peintres des beaux arts, pour peindre des paysages de la Boca. Je ne croyais pas en Dieu, mais je croyais à l´art et à la poésie. C´était, peut-être, ce supplément d´âme qui me permettait de continuer à assumer mes frustrations, mon manque chronique d´argent et ma fatigue. Mais je gardais l´espoir d´atteindre, par le travail et les études, la réussite sociale.. Je souhaitais, surtout, pouvoir voyager Je ne savais pas encore que ce serait mon premier grand échec professionnel (la perte de mon emploi à Fabriloza) qui me permettrait de recommencer ma vie en Europe...
L´Argentine entrait dans une période durable de décadence et l´Europe, au contraire, dans une période faste de reconstruction. Les Européens qui avaient subi, pendant et après la guerre, de dures restrictions de nourriture et de confort réclamaient, impatients, une société d´abondance. Par ailleurs il fallait, à tout prix, casser l´influence communiste en Europe. Certains responsables politiques souhaitaient même continuer la guerre et envahir l´Union Soviétique. Les capitalistes nord-américains, plus lucides et réalistes, choisirent d´envahir les pays du bloc occidental avec des produits de consommation. Ils gagnèrent cette première bataille. Quelques années plus tard l´Union Soviétique, trop rigide et austère, s´écroula d´elle même.

23 septembre 2010

Ma patrie boite de la jambe droite

Ma patrie est à gauche sur la carte
elle à connu beaucoup de guerres
noyées par l´immense océan
et par ses bonnes terres
ses forêts et ses rivières
qui ont généreusement nourri
toute une flopée de Louis
de rois de princes et de marquis
ignorants arrogants et tyranniques
héritiers de père en fils du fouet
de l´eau du blé et de la musique.
Il aura quand même fallu
des siècles de vols et d´abus
et quelques années de famine
pour que le peuple récupère
l´eau le blé et les terres
les moulins et les villes.
Mais maintenant quelques filous
accaparent et possèdent tout
même ce qui est le moins évident
comme la parole le pain et l´argent
et à nous ils nous ont laissé
les tâches les plus serviles
et le droit de bien voter
dans la banlieue des villes.
Un jour le peuple récupérera
ce qui lui revient de droit :
les terres l´eau le ciel
le blé les moulins et les villes
et le droit de moins travailler
pour avoir le temps de vivre.

22 septembre 2010

J´ai saisi l´occasion

J´ai saisi l´occasion
de mon premier voyage
pour devenir un autre
j´ai changé de langue
je n´avais pas de barbe
j´ai lu Zola et Roberto Arlt
j´ai aimé une vierge
qui s´est mariée avec Gunther
j´ai connu une autre vierge
mais j´ai aussi connu sa mère
j´ai perdu mon emploi
et je n´étais plus rien
alors je suis retourné
au point de tous les départs
à Paris où tout est possible
j´ai lu Malraux et Sartre
j´ai laissé pousser la barbe
j´ai même beaucoup travaillé
et j´ai visité de beaux musées
mais je voulais connaître la vie
à nouveau me voilà parti
je quittais sans regrets la France
vers de nouvelles langues
et de nouvelles expériences
à Stockholm j´ai fait la plonge
j´ai passé une nuit sur un banc
puis j´ai trouvé un bon emploi
dans mon rigoureux métier
et je me suis enfin marié
j´ai lu Gide et Strinberg
puis plus tard j´ai divorcé
et j´ai changé de métier
puis je me suis remarié
et j´ai lu Roa Bastos et García Márquez
et j´ai eu une vie très calme
dans plusieurs langues et pays
chaque fois une nouvelle vie
et maintenant que je suis très vieux
je lis et je traduis de la poésie
et quand je fais le bilan de ma destinée
je ne regrette rien du passé.

J´ai vécu et je n´ai pas connu l´ennui...

20 septembre 2010

Le voyage en bateau : lieu de rencontres...

Le voyage en bateau, entre l´Argentine et la France, offrait la possibilité de multiples rencontres et divertissements. A cette époque de nombreux jeunes juifs partaient, comme volontaires, pour travailler un an dans un kibboutz. Ils étaient encadrés par un animateur qui organisait, chaque jour, des cours d´hébreu et de danses folkloriques. Je m´y étais joint. J´ai retenu de ces cours la déclinaison en hébreu de “camarade” et quelques pas de danse. Tous ces jeunes étaient très motivés par les idées socialistes des kibboutz et par la création de l´ Etat indépendant d´Israël. Tant d´enthousiasme et de solidarité étaient excitants et attiraient, alors, toute ma sympathie. J´avais connu un camp de concentration pour juifs au Maroc et j´étais informé de l´horreur des camps d´extermination nazis. Comment ne pas être d´accord avec la création d´un Etat juif ? Tous les hommes ne devraient-ils pas avoir droit à un territoire et à une patrie ? N´est-ce pas dans l´esprit même de la Déclaration Universelle des Droits de l´Homme ? Mais il y a un problème qui ne peut être éludé : que faire des gens qui occupent, depuis des siècles, un territoire ? Qu´il s´agisse des Indiens d´Amérique, lors des invasions européennes, ou des Palestiniens dans le cas d´Israël il y a une question qui n´a pas encore reçu de réponse satisfaisante : A-t-on le droit de chasser des hommes d´un territoire pour en mettre d´autres, même pour de fortes raisons humanitaires ? Les décideurs politiques, dans les deux cas, quelles que puissent êtres leurs intentions, ont agit avec une légèreté lourde de conséquences historiques.

19 septembre 2010

Lève-toi et marche, camarade !

Lève-toi et marche, camarade !
Dit César Vallejo à ses voisins
de Santiago de Chuco
et il dut s´exiler à Paris.

Lève-toi et marche, camarade !
Dit César Vallejo à ses relations
et amis de Paris
et il fut expulsé en Espagne.

Lève-toi est marche, camarade !
Dit César Vallejo à ses camarades
de lutte à Madrid
et il dut retourner à Paris.

Lève-toi et marche, camarade !
Dit César Vallejo à quelques inconnus
de son quartier
et il mourut dans la misère.

Depuis c´est sa poésie qui nous dit :
Lève-toi et marche camarade !...

14 septembre 2010

Publicité

Je voyage et je vois partout
des grands M de Mac
et des grands C de Coca
des multitudes de F de Ford
des T de Toyota

Je vois partout
des N de Nestlé et des S de ESSO
des I d'IBM et des D de Disney.

Je vois de A à Z
des panneaux plein les rues
plein les yeux
de terre de feu
à Alaska
de Saint-Brieuc
à Calcutta.

Mais je ne vois nulle part
parmi tant de couleurs et de cris
le P de Poésie
ni le A de l'Art.

30 août 2010

Le départ de Buenos Aires

Pris dans la tourmente du coup d´Etat contre Péron je perdis ma place de Chef des Ateliers. J´eus le tort d´adhérer à la grève générale qui fut décrétée par la CGT. J´étais cadre donc je devais participer à la haine des patrons contre les syndicats péronistes. Mais le patron de Fabriloza commit une erreur : Il menaça de me dénoncer à la police si je lui faisais un procès. Ce fut l´époque tragique où on enfermait les dirigeants syndicaux dans la prison-mouroir, désaffectée, de Terre de Feu. Un avocat communiste prit ma défense et, avec le soutien des délégués du syndicat, je gagnais le procès qui me paya mon voyage en France et le début d´une nouvelle vie.
Le jour du départ du bateau j´eus une grande surprise : deux des directeurs de Fabriloza étaient sur le quai ! C´est alors que je découvris que le patron voyageait sur le même bateau ! Je m´approchais de lui et je lui tendis la main. Sur le quai il y avait aussi une quinzaine de personnes qui saluaient bruyamment mon départ, dont quelques ouvriers de l´usine. C´est alors qu´il me dit : “Vous semblez être très populaire ! Venez me voir demain dans ma cabine. Je suis en première classe.”
Moi je n´étais qu´en troisième car il n´y avait pas de quatrième sur ce bateau. Néanmoins, quelques jours plus tard, curieux de connaître ce qu´il allait me dire, je lui rendis visite. Il avait le mal de mer. Pendant tout le voyage il vomissait tout ce qu´il mangeait ! Mais bien que décomposé par les nausées, il me reçut courtoisement et me proposa, dès mon retour en Argentine, de m´associer à une affaire de machines outils d´occasion !!! Le fait est qu´il avait, déjà, le projet de vendre Fabriloza !

27 août 2010

Une ville nouvelle !

Je suis arrivé un jour
dans un pays fleuri
aux abords d´une ville
propre et silencieuse
La ville était fermée aux étrangers...
On y voyait à l´intérieur
des enfants s´amuser
et quelques vieillards
qui se promenaient à pied
la ville sentait bon
le romarin et le genêt
car une forêt de pins l´entourait
c´était un endroit calme
les oiseaux piaillaient
et un adolescent assis sur un banc
jouait de la guitare
et chantait l´amour à son aimée
les pommiers du jardin public
regorgeaient de fruits
c´étaient de petites pommes
bien rouges et juteuses
qu´on appelle les “reinettes”
je demandais au gardien
si je pourrais en acheter
une poignée et il se mit à rire
-“nos pommes ne sont pas à vendre
il suffit de cueillir celles qui tombent”
mais comme il m´avait défendu l´accès
je compris que jamais je n´en mangerai.


-“Où puis-je dîner et passer la nuit”
je demandais au gardien
déçu de l´accueil
réservé aux randonneurs.
-“A un kilomètre de la ville
il y a une auberge pour les étrangers.
Les panneaux vous indiqueront
le chemin” dit le gardien
-“Je ne suis pas riche...”
-“L´auberge est gratuite pour une nuit
c´est la ville qui paye”.
-“L´auberge est gratuite !
Je n´en reviens pas !
Quel est donc le nom de cette ville
qui éloigne si gentiment les étrangers ?”
-“Notre ville n´a pas encore de nom.
Les habitants vont voter.
Tout ce que je peux dire
c´est qu´elle aura un nom de fleur “
Cette nouvelle ville cossue
moderne et très écologique
choisissait ses nouveaux habitants
et pour y être accepté il fallait
signer un contrat de bon voisinage
très strict et contraignant
le lieu semblait agréable
très convivial et rassurant
mais je ne serai jamais candidat
non jamais de jamais
pour vivre dans un condominium
aussi parfait et sans nom.

22 août 2010

La fin de l´industrialisation argentine

L´année 1955 fut le début de la fin de l´industrialisation péroniste. Après le coup d´Etat et la fuite de Péron, le protectionnisme économique qui permettait aux entreprises argentines de survivre, s´effrita. Les multinationales et les gros propriétaires terriens firent pression pour l´ouverture des marchés. Les entreprises nationales, fautes de techniques modernes, de savoir-faire et de capitaux, s´écroulèrent. Aucune des entreprises, où j´ai travaillé dans ma jeunesse, n´a survécu au libéralisme. L´industrie de substitution - qui eut son apogée pendant la deuxième guerre mondiale - n´était pas concurrentielle dans un marché ouvert. Les produits importés remplacèrent, très vite, les produits nationaux. Mais le chômage - qui dépassa les 20% - devint endémique et les travailleurs assistèrent, impuissants, à la régression de toutes leurs conquêtes sociales.
Ce fut, quelques années plus tard, que les syndicalistes et les intellectuels convergèrent vers l´idée d´un mouvement de résistance nationaliste Mais Big Brother avait déjà pressenti le danger. Des dizaines de milliers de militaires et de policiers latino-américains furent formés (déformés ?), pendant des années, dans des “écoles” spéciales à Panamá et aux Etats Unis pour apprendre à combattre le “communisme” !
En 1974 commença, dans un pays qui avait la classe moyenne la plus cultivée d´Amérique, la chasse à l´homme. Il y eut 30.000 disparus et des dizaines de milliers d´exilés. Ce fut une hécatombe pour la culture et l´économie du pays. Il faudra, certainement, beaucoup de temps pour que le pays récupère sa prospérité d´antan.

14 août 2010

Et demain la vie ?...

Pour assurer notre survie
dans un monde perturbé
il faudra effacer des mots
beaucoup de mots indésirables
comme
rentabilité efficacité vitesse
mode publicité supermarchés
PIB mondialisation tourisme
guerre armes armées
exploitation colonisation domination
spéculation mégapoles industrialisation
il faudra aussi effacer
des mots grossiers
comme
pillage cupidité destruction
égoïsme accumulation possession
il faudra beaucoup effacer
pour redonner quelque espoir
de survie à l´humanité troublée
qui cherche d´autres mots
des mots pour redonner vie à

Liberté Egalité Fraternité !

09 août 2010

Votre nom est courage...

Julio Cortázar Luis Franco Juan Gelman Noé Jitrik Alberto Szpunberg Francisco Urondo María Helena Walch et tant d´autres poètes amis, frères, camarades que nous admirons comme nous admirons
l´Argentine du courage
celle des 30.000 sacrifiés pour vouloir préserver
l´Argentine digne
l´Argentine créative
l´Argentine généreuse
l´Argentine des millions d´émigrants intégrés buvant du maté et disant : “Nous les Argentins, ché !” avec l´accent italien, polonais, galicien, napolitain, français...
L´Argentine bien argentine
celle que nous avons tant aimée...

et puis il y a aussi

l´Argentine brisée par la haine des bourreaux
l´Argentine de l´intelligence humiliée
l´Argentine des affaires sales
l´Argentine colonisée par l´argent étranger
L´Argentine brisée massacrée ruinée par des
brutes qui n´ont toujours rien compris
l´Argentine qui nous fait pleurer de regrets.

Quand verrons-nous l´Argentine ressuscitée ?

08 août 2010

Mes métiers à Buenos Aires V

Après trois mois à la filature Biella l´ancien gestionnaire, ayant échoué dans ses affaires, voulu reprendre sa place. Je dus chercher un nouvel emploi. Je trouvais, alors, un emploi qui marqua un tournant dans ma vie professionnelle : celui de dessinateur de machines et d´installations d´une fabrique de céramique en construction. Mon chef était un ingénieur hongrois, très compétent et aimant transmettre son savoir. Je peux affirmer que c´est à Fabriloza que j´ai appris mon métier d´ingénieur. Pendant trois ans, tout en continuant mes études à l´université, j´ai gravi tous les échelons de connaissances et de responsabilités dans mon secteur.
Je pourrais écrire un livre sur tout ce que j´ai appris, dans cette usine, sur le plan technique et humain. Je n´ai jamais rencontré ailleurs une telle ambiance. Le patron on ne le voyait guère. Le directeur technique était un chimiste intelligent, mais sans grande expérience dans la céramique. Le seul vrai professionnel expérimenté dans ce domaine était le mouliste italien. C´était un artisan communiste et anti-fasciste. D´ailleurs tous les cadres de cette usine étaient de gauche ! Je pense que le patron, un juif roumain, préférait ça plutôt que les syndicalistes péronistes dans cette période trouble de revendications sociales et de plein emploi.
Puis l´entreprise tournait bien. Avec 350 ouvriers et employés nous produisions 20.000 pièces de vaisselle par jour ! Nous n´arrivions pas à fournir la demande ! Pourtant, un an après mon départ, avec de nouveaux propriétaires, l´entreprise faisait faillite !

05 août 2010

Les pauvres sont pauvres !

Les pauvres sont pauvres
car ils sont nés pauvres
et n´ont pas appris à exiger
leurs droits aux nantis.

Les gros patrons eux
sont nés très riches
et pour pouvoir le rester
on leur a enseigné
dès leur plus jeune âge
a beaucoup exiger.

Ils vous diront que
ce n´est pas la faute aux patrons
mais à la compétitivité
s´il faut travailler plus
tout en étant moins bien payé.

C´est la faute aux Chinois
c´est la faute aux syndicats
et aux plombiers polonais
et j´oubliais les impôts
si les riches pour le rester
doivent toujours exiger
aux pauvres de beaucoup
beaucoup beaucoup
travailler s´ils veulent
garder leur emploi
épuisant et mal payé.


Un bon ami me disait :
- “Quand j´ouvre mon usine
le matin j´ai des impôts à payer
j´ai les salaires les charges
l´eau et l´électricité
et la gueule des ouvriers
j´en ai marre je vais arrêter
je vais vendre mon usine
je suis maintenant assez riche
pour ne plus avoir besoin
de travailler pour payer
le salaire des ouvriers.”

Les Espagnols aisés
disent:avec sagesse :
“Les gens qui travaillent
sont ceux qui ne savent
pas faire autre chose !”

Il n´y a que les pauvres
qui n´ont toujours pas compris...
Il suffirait d´exiger
de ne plus travailler.

Que feraient alors les patrons
et les nombreux parasites de l´Etat
si les pauvres refusaient tout emploi ?

27 juillet 2010

Les chats et le patron

J´ai besoin de quelques chats
pour préserver mes sacs de grain,
mais si les chats sont trop gras
les souris continueront leur festin.

C´est ainsi que le meunier apprécie ses employés :

Il affirme qu´un ouvrier trop payé, aïe !
Il n´a plus envie de travailler

20 juillet 2010

Les pauvres ont faim !...

Les pauvres ont faim ?
Donnons-leur du pain !

Ils ont perdu leur toit
leur maison leur emploi
lors de la dernière inondation
du dernier séisme
de la dernière guerre
apportons l´aide humanitaire
devant la télévision !

Les populations par millions
vivent sous des bâches pourries
dans les miasmes et la boue
de leurs propres déjections
le ventre creux et le corps crasseux
le regard implorant des mourants
la main tendue pour rester
quelques jours de plus en vie
la toujours terrifiante image
de misère et de naufrage
pour le petit écran des nantis
pour qu´ils n´oublient pas
d´envoyer quelques sacs de riz !

Des milliards de milliards
d´euros et de dollars
des milliards à en perdre des zéros
pour sauver les banques
qui ont trop joué au loto
et pour préserver
les Lois du Marché

et pour les catastrophés
des séismes, des guerres
et des pires inondations
des discours et des promesses
des congrès et des messes
et quelques incantations
pour rehausser l´image
des généreux Rois Mages
philanthropes de mon pays
toujours les premiers à aider
les victimes et les submergés
sur le petit écran des nantis
pour qu´ils n´oublient pas
d´envoyer quelques sacs de riz.

15 juillet 2010

Mes métiers à Buenos Aires IV

Le gestionnaire de production de la filature Biella - voisine de mon ancien lycée technique du textile - vint me proposer de le remplacer. Il installait une imprimerie. Le propriétaire, de la filature me connaissait car il donnait des cours dans le lycée. Je quittais donc mon poste d´apprenti mécanicien pour celui, plus prestigieux, de gestionnaire. A 20 ans j´étais fier de ma promotion. Mon travail était de contrôler les entrées de matières premières et la sortie des bobines de fil.
Lors de la première livraison de laine à l´usine je découvris que, parmi mes attributions, il y avait aussi le déchargement du camion avec le patron. Lui, un rude Italien d´une cinquantaine d´années, n´hésitait pas à mettre la main à la pâte. Il maîtrisait toutes les étapes de la production et il s´occupait lui-même de l´entretien des machines. Un vrai “petit” patron, quoi !
Un jour les fibres d´une carde prirent feu. Aucun des extincteurs manuels , faute d´entretien, n´a fonctionné. Heureusement quelques seaux d´eau suffirent pour éteindre les flammes. On y cardait des fibres de coton, hautement inflammables et non couvertes par les assurances ! La recherche, à tout prix, d´économies !
Un autre jour arriva l´un des ouvriers, au bureau, en criant : la main, la main !!! Sa main avait été happée par les rouleaux d´une carde. Le patron lui versa dessus de l´eau oxygénée éventée et l´emmena à l´hôpital. A son retour il mit, lui-même, la plaque de protection qui aurait dû être sur la machine et il dit . “Pour une fois que j´avais un bon ouvrier cardeur ! Où vais-je maintenant en trouver un autre ?”. Ce n´est pas facile, la vie de patron !...

09 juillet 2010

Mes métiers à Buenos Aires III

Après quelques mois passés dans tous les postes de montage de l´usine de machine à laver le linge j´y appris, entre autres, la valeur du savoir faire et les rudiments de la langue italienne. Néanmoins, épuisé par le manque de sommeil, je me présentais dans une usine textile proche de chez moi. Je fus employé comme aide mécanicien de métiers à tisser. J´appris à nouer, un à un, 1.500 fils de chaîne en 2 heures. J´appris aussi à supporter le bruit infernal des machines. Tous les tisserands deviennent, en vieillissant, plus ou moins sourds. On arrivait néanmoins, par des mots simples, à communiquer. Les tisseuses m´aimaient bien car je ne refusait jamais de les remplacer quand elles allaient aux toilettes. Même alors les machines ne devaient pas s´arrêter. Si elles tardaient trop, le contremaître les appelaient pour qu´elles reprennent leur place.
Quand il y avait un ajustage sur une machine le mécanicien m´envoyait chercher un outil. Quand je revenais la réparation était faite. Il gardait son savoir-faire comme un capital d´assurance-travail.
Dans les salles de filature, pour que les fils soient moins cassants, on maintenait, artificiellement, un haut degré d´humidité. En été ça devenait un sauna. Les ouvrières qui y travaillaient, tombaient comme des mouches. Elles avaient quelques minutes de repos pour se remettre. Ce n´était pas l´enfer, mais bien un avant-goût !
Pour moi c´était très acceptable. J´allais à pied à mon travail et je travaillais que de 6 heures du matin à 13 heures. Après le déjeuner je pouvais faire une sieste avant de traverser la ville pour aller à mes cours du soir.

01 juillet 2010

Les morts aussi s´indignent...

Je pense à tous ceux
qui sont “morts pour la patrie”
à ceux qui furent sacrifiés
au front et dans les tranchées
pour des lendemains
plutôt douteux et je pense
à tous ceux qui y ont cru
à tous ceux qui y croient
encore
je pense à ceux qui sont morts
sur une croix
ou sous une lame
ou contre un mur
ou par les coups
du bourreau
je pense souvent à tous ceux
qui courageux
peu nombreux
ont risqué et qui risquent
encore
leur confort leur carrière
leur sécurité leur vie
pour préserver
leur idée et leur souhait
de solidarité et de liberté
dans la dignité

j´y pense fréquemment
et pourtant pourtant
les canailles les bourreaux
les exploiteurs les maquereaux
continuent à boire
paisiblement
sans regrets
leur apéritif
sur la terrasse ensoleillée
de leur bistrot préféré
servis par le fils
d´un des ces anonymes
héros sacrifiés.

25 juin 2010

La vocation d´un arbre

Une croix en bois
un cercueil
une table un lit
un manche d´outil
un feu de cheminée
une ancienne toupie
un mât de voilier
une pirogue un chariot
une échelle une étagère
une cabane un cageot
le parquet les volets
une canne un canot
et parfois aussi
des fleurs des fruits
sans pourtant jamais
réclamer d´indemnités
aux pilleurs de forêts.

20 juin 2010

Mes métiers à Buenos Aires II

Ma mère ouvrit, près de chez nous, une blanchisserie. Elle me demanda de venir l´aider. Je quittais mon premier emploi assez qualifié pour mon âge
- j´avais 19 ans - car j´espérais avoir plus de temps libre pour mes études.
Le travail routinier, de remplir et vider les machines et la distribution, en triporteur, du linge lavé et repassé, perdit vite son charme. D´autant plus que ma mère ne me payait pas ! Je cherchais alors un autre emploi plus en accord avec mes études. J´en trouvais un, à l´Ouest de la ville, proche de ma nouvelle école technique : “Escuela Industrial de la Nación Nº 4”.
Je commençais, dans mon nouvel emploi, par suivre un stage de plusieurs mois, pour devenir mécanicien de machines à laver le linge. L´usine - où l´ingénieur et tous les ouvriers étaient Italiens - se trouvait à San Justo. Je partais de chez moi à 6 heures du matin et je rentrais à la maison à 23 heures ! J´étudiais, souvent debout, dans les autobus....J´avais 20 ans et mon principal souhait était, alors, de pouvoir dormir, dormir, dormir...
Néanmoins, la blanchisserie de ma mère m´apporta une des plus importantes rencontres de ma jeunesse : Cirilo San Miguel. Ce voisin cultivé, intelligent et révolté devint mon maître à penser. C´est lui qui me fit découvrir les meilleurs écrivains argentins - dont Roberto Arlt -, les poètes de “poesía buenos aires”, l´art moderne et les idées socialistes. Je peux dire que cette rencontre changea complètement et définitivement l´orientation de ma pensée adulte. Curieusement nous nous sommes toujours vouvoyés...

14 juin 2010

Identité nationale

Boche, polac, bicot
rital, chinetoque, négro
ça ne me concerne guère
car je suis Dieu merci
bon chrétien et bien blanc
et un vrai français pur sang
né sous le soleil de Marseille
de père moitié argentin
portant le nom piémontais
d´un marchand de vin
et de mère gasconne
de Saint-Germé des prés
ville renommée du Gers
près de Riscle et de Maubourguet.

Oui je suis fier d´être
un authentique Français
et non pas un boche, un bicot,
un rital, un métèque
un juif ou un négro
car moi monsieur le Préfet
j´ai toujours été
un bon Français.
vin rouge et fromage
fidèle lecteur du Figaro
et gros payeur d´impôts.

Alors monsieur le Préfet
pourquoi me demandez-vous
pour renouveler ma carte d´identité
de confirmer ma nationalité
puisque je suis un vrai Français ?

(Ne riez pas
ça pourrait vous arriver !...)

11 juin 2010

Mes métiers à Buenos Aires I

Ma mère décida de déménager dans une petite maison, proche du pont de Saavedra, qui sépare la capitale de la province. C´est une simple division administrative car la mégapole s´étend des quartiers Sud, sans interruption, sur des dizaines de kilomètres, jusqu´au delta du Tigre. Buenos Aires et sa banlieue forment un tout immense, relié au centre ville par de larges avenues, aujourd´hui saturées de voiture et de bus.
La division sociale est plus marquée et évidente entre le Sud prolétaire et le Nord bourgeois. Ce nouveau déménagement détermina, plus tard, tout mon avenir.
Au lycée je fus nommé pion des plus jeunes classes et exempté, de ce fait, du paiement des cours. Mais mon ambition était d´avoir plus d´argent de poche.
C´est ainsi que je trouvais au centre ville, à mi-temps, un emploi à la Bombe Atomique ! La Bombe Atomique était une boutique de dessous féminins. J´étais garçon de courses. C´était mon premier emploi rémunéré ! J´avais 17 ans et les vendeuses se moquaient de ma timidité. Malicieuses, elles me demandaient de les accompagner dans la cave car “elles avaient peur des rats !”. Je ne suis resté à la Bombe Atomique que quelques semaines. Natalio me trouva un emploi, plus digne, dans un nouveau lycée technique du textile. Je faisais office de pion et aussi de traducteur de livres techniques pour le Directeur.
Je donnais, parfois, des cours aux plus jeunes. J´ai dû attendre quelques mois pour être payé, mais je fus titularisé. C´est alors que commença l´enfer de ma jeunesse d´étudiant et de travailleur à mi-temps.

06 juin 2010

Le vernissage parisien

Une coupe dans une main
et dans l´autre un petit gâteau
dans la troisième votre stylo
pour signer les dessins
et la poignée de main
comment allez-vous Martin
et vous chère Geneviève
Jean-Jules est-il à Genève,
non, il est à Tombouctou
avec-vous lu le journal
ce critique quel animal
il n´a rien compris du tout
moi j´adore vos tableaux
nous habitons Fontainebleau
est-ce de l´huile sur papier
je ne vais plus à Saint-Tropez
tous les artistes sont fous
mon mari voyage beaucoup
j´aime celui à fond rouge
dans la vie il faut que ça bouge
est-ce un coucher de soleil
le soir je n´ai jamais sommeil
l´artiste vit à la campagne
Basile a quitté sa compagne
c´est fatigant de rester debout
il s´est retiré dans le Poitou
je préférais sa période bleue
moi j´ aime surtout ses yeux...

Et si on regardait les tableaux
avant d´aller manger au Bistro ?

04 juin 2010

L´artiste à disparu ! ...

Le jour du vernissage
l´artiste a disparu
Alessandra est partie
en fin d´après-midi
Alessandra n´est plus là
où est Alessandra ?

Dans le Gers, au Brésil,
on réclame Alessandra
mais Alessandra n´y est pas
on téléphone on écrit
pour savoir où est partie
notre amie Alessandra !

Alessandra est partie
et tout le monde l´attend
dans la vaste galerie
devant ses tableaux
le public s´impatiente
où est le peintre, que diantre !

Alessandra s´est égarée
dans un pré des Pyrénées
tout le monde est part
la galerie s´est vidée
seul les tableaux sont restés
Alessandra s´était enfuie !

29 mai 2010

Etudiant à Buenos Aires

Ma mère louait un petit appartement, assez coquet, dans le bas du quartier de Belgrano. L´un des quartiers chics de Buenos Aires. Pour moi, ce retour à la civilisation, fut un changement total de vie. Je passais d´un mode de vie très rustique, sans électricité, sans eau courante et d´un travail harassant de paysan pauvre au raffinement du confort moderne et au statut privilégié
d´étudiant dans un lycée technique privé. Mes camarades de classe étaient ceux qui avaient raté le concours d´entrée à l´Otto Krause - que j´avais brillamment réussi un an plus tôt - Les deux premières années furent pour mois assez faciles, malgré les examens éliminatoires de fin d´année.
Je retrouvais dans ce lycée Alex Fillerin, mon compagnon de banc chez les maristes. Puis s´est joint à nous Atilio Ghersi, dit Toto, un garçon sérieux et non dépourvu de talent. Nous étudions et nous sortions souvent ensemble et nous avions, en commun, l´ambition de nous cultiver et le manque d´argent pour acheter de bons livres. Nous avions 15 ans et nous découvrions les frustrations des classes moyennes...sans moyens.
Le père d´Alex était dessinateur dans la société des téléphones et celui d´Atilio était graveur de médailles. La seule femme qui travaillait à l´extérieur était ma mère. Je suppose qu´elle recevait une aide, pour le loyer, de son compagnon Natalio, mais ils habitaient chacun chez soi. Ce n´est qu´à mon départ qu´ils vécurent ensemble. Natalio, lui, louait une chambre dans une maison située à côté de son usine de tissage Comme beaucoup de petits patrons il vivait surtout dans l´usine.

24 mai 2010

Elections/déception...

J´admire sincèrement
tous les candidats à la Présidence
pour leur courage pour leur discours
pour leur incroyable santé
pour leur charme leur sérénité
pour l´étendue de leurs connaissances
pour leur mémoire sans défaut
pour leurs convictions leur élégance
pour leur sens du devoir
pour leur amour du peuple
pour leur désir de justice et leur honnêteté
pour tout ce qu´ils promettent
pour après...toujours après...

Mais diront-ils un jour
que plus de salaire
c´est aussi la vie plus chère
et qui donc devra payer ?

Que plus de consommation
c´est aussi plus de dégâts
dans un monde déjà épuisé
et qui donc devra payer ?

Quand diront-ils la vérité
peut-être après...les élections ?
Quand il faudra payer !...

20 mai 2010

Docteur, j´ai mal au ventre !

- Docteur, je ne me sens pas très bien,
pourtant je ne suis jamais malade
j´évite l´art des pharmaciens
je mange je bois je me balade
je dors la nuit comme un enfant
je vais je viens je travaille
malgré le poids de mes 76 ans
par contre de temps en temps
le ventre et le foie déraillent
et ça depuis plus de quarante ans.

- Voyons voyons voyons votre tension :
trop haute, vous devez voir un cardiologue
votre foie trop gras un régime s´impose
vos hernies risquent d´éclater il faut opérer
puis votre prostate rétrécit sa fonction
nous enlèverons aussi vos hémorroïdes
et vos petits abcès qui pourraient dégénérer
mais l´analyse de sang et de l´urine
nous diront plus sur votre état de santé
pour savoir quoi et quand vous opérer.

- Merci docteur de vos conseils
je garde mon mal au ventre
et ma pauvre santé précaire
ma tension et mon foie défaillant
et mes petits maux et misères
qui me semblent maintenant
plus doux que vos médicaments
et moins cruels que votre inventaire.

16 mai 2010

Souvenirs de Mendoza IV

C´est dur le travail de la terre. Très dur ! Mon père, face aux difficultés rencontrées, devenait amer et violent. Pour peu il m´aurait accusé de son divorce et de la mauvaise qualité de la terre que nous avait attribué son frère. J´étais la seule personne avec qui il échangeait quelques mots. Il n´avait pas d´amis et ses frères l´ignoraient. Sur une centaine d´hectares de la propriété familiale, nous avions reçu une infime parcelle. La moins fertile ! Pourtant mon père ne se plaignait pas. A aucun moment ses frères se sont inquiétés pour notre santé et jamais nous étions invités à leur table.
L´oncle Joseph nous employa, à la journée, pour quelques travaux de la vigne. Les mains derrière le dos il venait, chaque jour, inspecter le travail. Si le travail de la terre est dur et ingrat, les gens qui en vivent le deviennent encore plus. Les poètes qui divaguent sur “la vie simple et heureuse des paysans” sont des gens des villes, qui n´ont jamais eu une bêche dans les mains. A Mendoza la terre devait être drainée pour éviter la remonté du salpêtre. L´eau d´arrosage était contingentée par heure et par hectare. A certaines époques de l´année, le río Mendoza, qui fertilise toute la province, n´était plus qu´un ruisseau. à Costa de Araujo. Sans l´eau du fleuve la province serait un désert. Chaque mètre cultivé, sur cette terre ingrate, le fut grâce à un immense réseau de canaux d´arrosage. Les pionniers les creusèrent, à la force des bras. Leur survie en dépendait !
C’est à cette époque critique de ma vie que ma mère vint me chercher, un an après mon départ, pour que je reprenne mes études. J´avais quinze ans ! ...

12 mai 2010

Souvenirs de Mendoza III

L´oncle Joseph nous donna une vieille charrue, quelques outils de jardinage, un “rancho” en pisé et un bout de terre au fond de la grande propriété. L´épicier nous ouvrit un crédit pour l´année. Nous commençâmes par applanir le terrain sablonneux, devant notre maison, pour semer des légumes. Derrière la maison nous installâmes un poulailler. Les deux chevaux et les poules nous offrirent l´engrais pour notre jardin potager. Le canal pour l´arrosage passait à quelques mètres de la maison.
L´oncle nous céda, pour les cultiver, deux hectares de terres brûlées par le salpêtre. Pour apporter l´eau d´arrosage il fallut creuser une centaine de mètres de rigole. Ce fut ma première tâche. Entre temps mon père arrachait les arbustes épineux qui avaient envahi ces terres à l´abandon. Toute cette parcelle, au bord des dunes, était colonisée par de vieilles racines qui freinaient la charrue. Il fallait creuser à la pioche et les enlever pour pouvoir labourer. Après des journées harassantes, nous avons pu semer une hectare de maïs et autant de tomates pour une conserverie. Les plants de tomates nous étaient offerts par le fabricant de sauce tomate.
Pour les planter nous faisions couler l´eau dans les sillons et, pieds nus, nous enfoncions les jeunes plants avec l´index dans la boue. Le soir nous arrachions, une à une, les épines de nos pieds. Un mois plus tard presque tous les plants étaient morts brûlés par le salpêtre !
Pour améliorer notre repas de légumes du jardin je mettais des pièges. J´attrapais quelques tourterelles et j´ai même pris, au lacet, un gros lièvre. Le dessert était fourni par un poirier. C´était une vie rude, très rude même...

08 mai 2010

Le chat Charlie

Le chat Charlie
est un chat-singe
sachant chasser
dans les branches du palmier
les mouches et les araignées.

Charlie est un chasseur
grimpeur et bagarreur
il serait même chercheur
et un peu pêcheur à l´occasion
mais ce n´est qu´un animal
donc il ignore la civilisation
et même le casque colonial
le clairon et le fusil à lunette
la cartouchière et la musette
de ses paisibles héros
que le Général appelait
gentiment : des veaux !

Mais si en démocratie
le pêcheur et le chasseur
et même le lecteur du Figaro
ont le droit de voter
alors pourquoi pas
un chat sachant chasser ?...

06 mai 2010

Souvenirs de Mendoza II

Les vendanges finies, mon père n´avait plus de travail. C´est alors qu´il rencontra deux hommes qui avaient ramené, de la province de Córdoba, un wagon de chevaux pour les vendre à Mendoza. Córdoba subissait une grande sécheresse et les bêtes n´avaient plus d´herbe pour se nourrir. Mon père proposa d´amener les chevaux, jusqu´à Costa de Araujo, pour essayer de les vendre. Il y en avait une vingtaine
Comme dans les western, nous avons mené le troupeau - pas toujours sans difficultés - jusqu´à la ville de Lavalle.et de là à Costa de Araujo. Deux jours de route. Aucun cheval n´a pu être vendu. Nous sommes donc retournés, avec tout le troupeau, à Lagunita. Les vendeurs ayant admis que le prix qu´ils demandaient était trop élevé, ils offrirent deux chevaux à mon père. Je lui suggérais, alors, de nous installer dans la propriété familiale de Costa de Araujo. Nous avions la terre, l´attelage pour la charrue et quatre bras pour travailler !
Mon père avait du y penser, mais je crois qu´il hésitait à demander de l´aide à son frère Joseph. C´était lui et sa femme Amélie qui exploitaient, depuis le départ de mon grand-père à Marseille, tout ce qui restait de directement rentable de la propriété. En particulier les 30 hectares de vignes qui furent à l´origine de la fortune familiale. Le chai était à l´abandon et irrécupérable. De nombreux ceps de vigne étaient morts et non remplacés. Amélie semblait plus intéressée par les vignes et le chai de vin de sa propre famille que par ceux de son mari. On peut la comprendre. La propriété de la Costa de Araujo ne leur appartenait pas.. Ils n´étaient que les gérants !

29 avril 2010

Charlie




Un jour il est arrivé
avec ses yeux verts
perçants
un peu saltimbanque
dresseur de serpents
il se faufile et il file
comme le vent
et quand le bruit
d´assiettes cassées
retentit dans la maison
nous devinons
qu´il est déjà loin
introuvable et malin
c´est un chat noir
comme la nuit
quand il ronronne
toujours très câlin
nous l´appelons Charlie.

Il y a moins de 100 ans
les paysans les clouaient
sur la porte du grenier
pour éviter le mauvais sort !
Ils ne connaissaient pas encore
la pire de toutes les calamités :
l´inexorable Loi du Marché.

24 avril 2010

Souvenirs de Mendoza I

Je suis arrivé à Mendoza en 1944. J´avais 14 ans. Mon père habitait alors chez son frère André à Costa de Araujo. Sur mon blog, j’ai déjà fait un article sur Costa de Araujo. C´est, on peut dire, le dernier village avant le désert. L´oncle André exploitait une belle propriété, bien entretenue, qu´il avait héritée de son père. Il était d´ailleurs, au grand scandale de la famille, le seul des frères à avoir réclamé sa part. Les autres avaient cédé l´usufruit de l´héritage à leur mère.
André était, sans aucun doute, le plus sympathique de tous les frères. Il était aussi celui qui buvait le plus, mais uniquement du vin. Il avait une belle femme brune, un peu ténébreuse, et une fille, Irène, de 19 ans pleine d´humour et d´entrain. Le fils, Guido, était à l´armée.
Mon oncle me proposa, un jour, de faire un tour avec un cheval qu´il avait sellé pour l´occasion. De retour de ma balade l´oncle exprima sa surprise : C´était la première fois que ce cheval ne jetait pas à terre son cavalier ! C´était le genre d´humour de l´oncle André !
Mon père cherchait un travail. On lui proposa le nettoyage de cuves de vin dans un chai réputé à San Rafaël. Le chef de chai était un cousin germain de mon père. C´était un travail dur et malsain, mais mon père l´accepta. Les cousins nous cédèrent une chambre dans leur maison. De là nous déménageâmes à Lagunita (département de Guaymallén, où mon père était né) et nous travaillâmes tous deux dans les vendanges. Je remplissais les seaux de raisin et mon père les transportait au camion. Mon père avait loué une chambre dans un bistrot. C´est moi qui faisais la cuisine...

18 avril 2010

Aux poètes morts

Les poètes
ne se sentent jamais seuls
dans leur tombe
ils peuvent enfin parler
sous terre les langues
poussière de soleil
poussière d´étoiles
avec Dante et Homère
avec Goethe et Hugo
avec Maïakovski et Vallejo
avec Whitman et Bellman
avec Aragon et Wang An Shih
avec Neruda et Alberti
sans oublier David M. Diop et
Césaire bien qu´il soit encore vivant.
Ils peuvent parler au vent
poussière de soleil
poussière d´étoiles
et aux poétesses de tous temps
Sappho, Al-Khansa et Edith Södergran
et surtout à Gabriela et à Alfonsina
dans les vagues de l´océan.
La langue n´est plus un obstacle
quand on dort
d´une belle mort
et la poésie est universelle
quand la terre vous protège du temps
et vous n´êtes plus que
poussière de soleil
poussière d´étoiles.

14 avril 2010

Poèmes pour rire : L´automobile

(A Aidenor Aires)

Le cheval mange de l´herbe
et boit de l´eau
mais il n´est plus à la mode.

L´automobile boit du pétrole
et mange des vies humaines
et maintenant elle boit aussi
de l´alcool et mange
des millions d´hectares
de bonnes terres.

L´automobile à crée des routes
le travail à la chaîne
l´air irrespirable des villes
les parkings de supermarchés :
toutes les joies de la modernité.

La voiture individuelle
classe les hommes
en modestes et puissants
selon le nombre de chevaux
qu´ils cachent sous le capot.

Un cheval deux chevaux
pour tirer une charrette
mais combien de chevaux
dans le moteur de votre auto
vous faudra-t-il pour paraître
un peu plus intelligents ?

12 avril 2010

Souvenirs de quartier (Buenos Aires III)

Ce fut néanmoins dans le quartier de Florida où j´appris la vie de “barra” (groupe de jeunes garçons liés par le voisinage). Le chef respecté de la bande était Jorge, le fils du boulanger du coin. Sa soeur jumelle, Nélida, est devenue ma copine. J´ai été facilement admis dans le groupe. J´ai eu deux ou trois fois à me battre mais, dans l´ensemble, notre petite bande était plutôt pacifique. Quand nous rencontrions une autre “barra” on s´affrontait, généralement, au foot dans la rue. Parfois avec une vieille balle de tennis ou même de tissu. Dans ce quartier peu de personnes avaient des voitures : La rue nous appartenait !
A cette époque tous les commerçants faisaient crédit. On faisait les courses avec un carnet. Chaque commerçant y notait les achats. A la fin du mois ils faisaient l´addition et chacun payait le boulanger, l´épicier, le laitier et le boucher. Peu de clients déménageaient la nuit sans payer. Ce système artisanal n´avait besoin ni de banques ni de cartes de crédit ; il fonctionnait parfaitement bien. Il arrivait même que le délai s´étende à deux ou trois mois quand un bon client était malade ou provisoirement chômeur...
Même dans les quartiers riches les gens payaient à la fin du mois. Notre voisin boulanger avait une carriole tirée par un cheval. Trois fois par jour il livrait le pain encore chaud et les viennoiseries dans les quartiers bourgeois. Les bonnes recevaient la livraison. Le cheval connaissait le parcours et s´arrêtait devant chaque client !
Jorge qui avait, comme moi, 12 ans savait s´occuper du cheval. Nous partions parfois faire des livraisons. Ce sont mes meilleurs souvenirs de la vie de quartier !

07 avril 2010

Traduire Neruda



“Confieso que he vivido”
et vingt chansons d´amour
et le grand désespoir de vouloir
traduire
sans nuire
les immenses crêtes de la Cordillère
avec pour référence ultime
les hauteurs de Marseille
et Don Quichotte dans le coeur
mais
comment peut-on dire vrai
sans connaître le goût et l´odeur
sur toute sa longueur
du printemps à Valparaíso
et de l´hiver à Rancagua
et, Dieu me pardonne,
sans avoir aimé Maria
à Antofagasta et Valdivia ?

Qui donc pourra parler de vie
d´amour et de désespoir
s´il n´a pas connu les lèvres
de Blanca, de Delia et de Matilde
de Punta Arena à l´Ile Noire

03 avril 2010

Poèmes pour rire : La gloire du poète

Il y avait en Aquitaine
un poète tontaine
un poète gascon
qui écrivait des poèmes
tontaine
des poèmes abscons
en dialecte breton
tontaine
sa muse alsacienne
les transformait en chanson
tontaine
en chansons freudiennes
pour jeunes barytons
tontaine
où va donc mon poème
où va donc ma chanson
est-ce une vie saine
de faire des poèmes
tontaine
seul dans une prison ?

Maudit soit celui qui m´enferme
dans le ventre de la baleine
de mes pauvres illusions
de poète raté et vagabond !

Tontaine et tontaine
sans être le grand Villon
j´assume mes peines
et la malédiction
de tous les exilés gascons.

01 avril 2010

Souvenirs de Buenos Aires II (La séparation)

Mon père ne garda pas longtemps son travail de jardinier. Il n´était pas habitué à recevoir des ordres !
Madame Suzanne (une Française au passé, semble-t-il, assez scandaleux), mariée au gérant d´une des plus grandes fabriques de cigarettes du pays, aida mon père à obtenir un travail de “contrôleur”. Il était chargé de contrôler la qualité du travail des femmes qui débarrassaient les feuilles de tabac de leurs tiges et brindilles. Le travail le moins qualifié et le plus conflictuel de l´usine, car les ouvrières étaient astreintes à produire un certain nombre de paniers par jour ! Si le triage était mal fait mon père devait le refuser ! Un travail de salaud, mal payé. Comme beaucoup d´ouvriers, il devait faire des heures supplémentaires. Les journées de 10 heures étaient habituelles. L´ambiance à la maison était tendue. Tellement tendue qu´elle finit par casser.
Ma mère quitta la maison pour une pension de famille au centre de la ville. Elle trouva un emploi de manucure dans un salon de coiffure près de la pension. Bien que perturbé, je la suivis. J´appris plus tard qu´elle quittait mon père pour Natalio. Malgré quelques incompatibilités de caractère - elle était gasconne, coquette et dépensière et lui tisserand juif, rescapé de Lituanie, plutôt austère et économe - ils restèrent ensemble pendant plus de 50 ans !
Mon père, ne sachant quoi faire, partit rejoindre ses frères à Mendoza. Moi je perdis mon année au très bon lycée technique Otto Krause (où j´avais été admis par concours). Je demandais alors à ma mère l´autorisation de rejoindre mon père pendant les vacances.

29 mars 2010

Souvenirs de Buenos Aires I

Mon père parlait trois langues, se disait “éleveur”, mais il n´avait aucun métier homologué et surtout il n´avait jamais été salarié. Il doit, pour la première fois de sa vie, à 43 ans, chercher un emploi. Une famille de riches vignerons, ancienne relation d´affaires de son père, proposèrent de l´employer comme jardinier dans leur résidence à Buenos Aires. Nous fûmes logés dans une petite maison au fond du parc.
Moi je fus inscrit, en demi-pension, dans une école des Frères Maristes. L´un des bâtiments du monastère était également un séminaire. Le moine qui nous a reçus, Frère Lucas, parlait le français. Il me fit passer un petit examen et analysa vite et bien la situation. Il m´assit dans sa propre classe, à côté d´Alex Fillerin, petit-fils de Français, qui était le seul francophone de l´école. Alex et sa soeur Mabel furent pendant de nombreuses années, mes meilleurs amis en Argentine.
C´est Antoinette, la fille célibataire de la famille qui employait mon père, qui m´aida pour les leçons pendant les premiers mois d´école. Elle parlait le français, jouait du piano, faisait de bons gâteaux mais, semble-t-il, elle refusait toutes les propositions de mariage. Ses parents avaient rejeté son premier grand amour, un jeune officier pauvre et elle ne se maria, qu´après leur mort, avec un simple maître-d´hôtel. L´ambiance et les préjugés étaient très XIXe siècle en Argentine et le sont restés dans certaines vieilles familles bourgeoises..
Je n´oublierai jamais ce que je dois à Alex, à Antoinette et au Frère Lucas pour ma rapide intégration scolaire en Argentine

24 mars 2010

Aux jeunes poètes toujours vivants

Radiguet à 20 ans
le diable l´a emporté
Lautréamont est mort à 24
sans un seul portrait
Laforgue est mort à 27 ans
Chénier à 32 sous le couperet
Jarry meurt à 34 ans
ubuesquement
Crevel se suicide à 35
surréalistiquement
Rimbaud à 37 ans
perd sa jambe et son pied
dépassé par Apollinaire
qui meurt à 38 ans
de sa belle mort
de trépané.

Pourquoi tous ces fins poètes
pourquoi font-ils semblant
d´être mort et enterrés
puisqu´ils sont toujours vivants ?

21 mars 2010

Souvenirs de l´arrivée à Buenos Aires

A Buenos Aires nous fûmes accueillis par des
lointains cousins de mon père. Ils habitaient une grande maison moderne, dans un quartier nord de Buenos Aires.. Bien qu´Argentins tous parlaient le français ! D´emblée j´ai aimé la façon d´être, la générosité et l´humour de tous ces gens. Elsa, une petite adolescente voisine, la fille du laitier, m´adopta et m´amena connaître le quartier sur sa bicyclette. J´étais “le petit français”. Je ne comprenais rien de ce qu´elle me disait, mais je sentais que c´était gentil. A cette époque il y avait très peu de voitures. On respirait parfois, dans la rue, le parfum des fleurs d´orangers et de jasmins des jardins. Il y avait un grand nombre d´oiseaux, inconnus en Europe, qui voletaient, sans crainte, d´un jardin à l´autre.
Puis toutes les maisons que je visitais avaient l´électricité, l´eau courante, des salles d´eau et de vrais W.C. avec chasse d´eau. Les gens étaient toujours propres et bien habillés, comme le dimanche ou pour les enterrements chez nous et, chose surprenante pour un Français, ils se douchaient plusieurs fois par jour !
Une autre curiosité c´était la quantité de viande grillée qu´ils mangeaient. Parfois même des agneaux entiers qu´ils crucifiaient sur des barres en fer et faisaient cuire pendant des heures, à la chaleur d´un feu de bois. Il y avait aussi, comme entrée, les “empanadas”(des chaussons fourrés de viande), les saucisses, les “chinchulines” (des tripes d´agneaux tressées), beaucoup de pain, de vin mais peu de légumes. L´Argentine était un pays d´abondance. Un pays généreux. D´ailleurs on disait alors : “Personne ne meurt de faim en Argentine”.

18 mars 2010

Poème aux impurs

A Aimé Césaire à Maïakovski à Aragon
à Paul Eluard à René Char à Benjamin Péret
à Federico García Lorca à Rafael Alberti
à Julio Cortazar à Luis Franco à Juan Gelman
à Noé Jitrik à Alberto Szpunberg à Francisco Urondo
à Pedro Tierra à Pablo Neruda à Nicolás Guillén
à Humberto Ak´abal à Otto René Castillo à Roberto Sosa
à Octavio Paz à Ernesto Cardenal à Augusto Roa Bastos
à Idea Villariño à Ida Vitale à Mario Benedetti
à César Vallejo à César Vallejo à César Vallejo
à tous ces poètes connus ou inconnus
à tous ces poètes qui ont pris des risques
à tous ces poètes solidaires dans la lutte
à tous ces poètes qui ont affronté la peur
à tous ces poètes qui savent aimer leur prochain
à tous ces poètes épris de justice et qui souffrent
à tous ces poètes mes frères mes camarades
à tous ces poètes honnêtes qui ont tout donné
à tous ces poètes qui subirent aussi la torture
à tous ces poètes persécutés et qui l´assument
à tous ces poètes morts et jamais ressuscités
à tous ces poètes qui font de la poésie impure
à tous ces grands poètes essentiels
souvent oubliés dans les universités
méprisés par les intellectuels mondains
je rends un hommage admiratif et respectueux
car morts ou vivants leur poésie durera
dans nos coeurs pleins d´espoir,
subversive, libre et tellement...tellement vraie.

11 mars 2010

Poèmes pour rire 2

La gloire du poète

Il y avait en Aquitaine
un poète tontaine
un poète gascon
qui écrivait des poèmes
tontaine
des poèmes abscons
en dialecte breton
tontaine
sa muse alsacienne
les transformait en chanson
tontaine
en chansons freudiennes
pour jeunes barytons
tontaine
où va donc mon poème
où va donc ma chanson
est-ce une vie saine
de faire des poèmes
tontaine
seul dans une prison ?

Maudit soit celui qui m´enferme
dans le ventre de la baleine
de mes pauvres illusions
de poète raté et vagabond !

Tontaine et tontaine
sans être le grand Villon
j´assume mes peines
et la malédiction
de tous les exilés gascons.

08 mars 2010

La grande poésie

La grande poésie
est faite
d´un grand nombre
de petites poésies
de poésie honnête
bien faite
par de petits poètes
de bonne volonté
qui par addition
ou par adhésion
deviendront un jour
peut-être
de vrais grands poètes
mais ils ne le sauront
jamais
car la vraie poésie
reste un mystère
infini et maudit
puisque personne ne sait
reconnaître avec certitude
la vraie grande
poésie
sauf peut-être
quelques rares poètes
pleins de doute
sur la poésie
d´aujourd´hui.

05 mars 2010

Souvenirs du “Cabo de Buena Esperanza”



Barcelone, en 1940, était une ville sinistrée. Les trottoirs étaient encombrés de mendiants. Sur les places des hommes écoutaient les discours des haut-parleurs et faisaient, avec le bras levé, le salut fasciste. Une boulangerie accepta de nous vendre trois petits pains, de couleur sombre, qui furent mangés en deux bouchées. Nous dormîmes, tout habillés, sur le lit douteux d´un “hotel-posada” décrépit, proche du port.
Le matin suivant nous faisions connaissance avec le ”Cabo de Buena Esperanza”. Un bateau-poubelle sommairement aménagé en paquebot de croisière pour émigrants et réfugiés. Même le camp de concentration du Maroc semblait plus accueillant...Les hommes de l´équipage, toujours extrêmement grossiers, traitaient les passagers sans ménagement. La nourriture était, pour nous, infecte et les conditions d´hygiène déplorables. Nous fûmes presque tous colonisés par les poux. Quant aux repas ils se composaient, essentiellement, de lentilles ou de pois-chiches avec un morceau de lard gras. Les dimanches on avait un dessert ! Le voyage dura un mois !
Je n´ai jamais su pourquoi nous avions fait un long détour par Curaçao ! Le “Cabo de Buena Esperanza” mouilla face au port. Des soldats hollandais en bermuda, arrivés dans une vedette, débarquèrent l´un des passagers !
Le bateau leva l´ancre et continua son voyage, sans escales, jusqu´à Buenos Aires. Qui était ce passager ? Ce sera encore l´un des mystères de ce long voyage.
Arrivés à Buenos Aires mon père indigné, cria à l´un des marins espagnols : “Ici je suis dans mon pays !”

04 mars 2010

Souvenirs du deuxième départ

Après plusieurs mois d´attente à Dakar, quelques semaines passées dans le camp de concentration du Maroc, nous retournâmes à Marseille. Nous nous installâmes dans la grande maison de ma grand-mère paternelle. Cette demeure somptueuse, avec son grand escalier d´entrée, sa large terrasse complantée de platanes et son jardin d´agrément avec une fontaine et des poissons rouges n´avait ni électricité ni salles de bains. Le seul robinet avec l´eau courante était dans l´immense cuisine-séjour (la luxueuse salle à manger n´était jamais utilisée) et on s´éclairait, le soir, avec des lampes à pétrole et des bougies. Pour se laver il y avait, dans chaque chambre, un meuble couvert d´une plaque de marbre, avec une bassine et un broc d´eau froide. Pour les “besoins” il y avait un seau qu´on vidait chaque jour dans “les cabinets” situés , au fond, à côté du poulailler. Il n´y avait pas non plus de chauffage. En hiver, le seul coin chaud de la maison, était la cuisinière à bois de la cuisine.
Peu de gens des villes accepteraient, aujourd´hui en France, un logement avec un confort aussi rustique. C´était pourtant une maison de riches. N´oublions pas que même le célèbre château de Versailles, avec ses dorures et ses fastes, avait moins de confort que nos HLM !
Mon père, bien décidé à partir en Argentine, fit les démarches pour pouvoir passer en Espagne. Le paquebot “Cabo de Buena Esperanza” partait du port de Barcelone vers l´Argentine. De Marseille à Barcelone nous avons pris le train. Mon père, prudent, avait caché son argent dans une miche de pain. Nous traversâmes la frontière sans encombres.

01 mars 2010

Poèmes pour rire 1

La magie de l´écriture

Pouëtpouët...
Poêtpoête...
Poètepoète
sans oublier les poétesses.

21 février 2010

Quand on ne s'arrête pas


Quand le soleil tombe
sur les tuiles
fumantes
des dernières maisons
et on ne s’arrête pas

Quand la nuit tombe
sur les tuiles
béantes
des maisons visées
et on ne s’arrête pas

Quand l’aurore s’éveille
sur les fenêtres
brisées
par les dommages collatéraux
et on ne s’arrête pas

Quand le jour se lève
et on ramasse les cadavres
d’enfants
les combattants n’étant plus là
et on ne s’arrête pas

Tous vos beaux discours sont
fumants béants brisés
et les enfants morts
vous montrent du doigt
quand ça ne s’arrête pas

20 février 2010

Souvenirs de la sortie du camp de concentration

L´Espagne et l´Argentine sont restés, pendant la guerre, des pays neutres. Donc les Espagnols et les Argentins, prisonniers du camp, firent des démarches, auprès de leurs consulats, pour êtres libérés. Les juifs de l´Alsina eux y restèrent. Les autres, arrivés avant, aussi. Que sont-ils devenus ? Comment le savoir sans documents et sans récits écrits ? Toute cette partie de l´Histoire reste confuse et souvent discrètement honteuse. Parfois les chercheurs gardent un pudique silence sur le rôle, entres autres, des autorités françaises de l´époque. On préfère parler des camps d´extermination de Auschwitz et de Buchenwald, bien germaniques, que de ceux qui se chargèrent, dans toute l´Europe, de les remplir. Ni dans l´Alsina qui nous transporta, sans explications, jusqu´à Casablanca, ni parmi les autorités qui nous réceptionnèrent et nous transportèrent jusqu´au camp, ni dans le camp je n´ai jamais vu un seul Allemand !...
Les Argentins et les Espagnols sortirent du camp et furent logés dans une école à Casablanca. Ceux qui avaient encore quelques moyens se logèrent dans un hôtel sur la plage. La nuit on entendait les vagues.
C´est en nous promenant, à Casablanca, que nous avons découvert une sandwicherie automatique ! On mettait un jeton et on recevait un sandwich au choix. C´était très moderne pour l´époque !
Puis, pour retourner chez nous, nous prîmes le train de Casablanca à Oran. En classe économique bien sûr. Puis à Oran nous descendîmes à pied, de la gare au port, et nous prîmes le bateau pour retourner à Marseille.

12 février 2010

Souvenirs du camp

Qui avait eu l´idée et d´où venait l´ordre, en 1940, de faire un camp de concentration pour juifs au Maroc ? Ce que je peux affirmer c´est que le camp était dirigé par un officier français et que nos gardiens armés étaient des tirailleurs sénégalais. Personne n´était maltraité. L´officier français vivait avec une jolie petite adolescente berbère - qu´il avait du échanger contre un dromadaire -, et les tirailleurs, décontractés et souriants, se la coulait douce.
L´officier avait proposé, aux femmes du camp, de s´occuper de la cuisine afin, avait-il dit, - “d´assurer la propreté de la nourriture “. L´armée offrait les denrées de base. Je me souviens d´avoir mangé, pour la première fois de ma vie, des d´épis de maïs cuits. Le maïs bouilli et après légèrement grillé sur un feu de bois me semblait exquis. Et pour l´hygiène corporelle, comme l´eau manquait dans le camp, nous étions autorisés à aller nous baigner, toutes les après-midi, dans l´eau claire d´un large fleuve qui coulait à proximité. Personne ne s´échappait. D´ailleurs où aurions-nous pu aller sans argent et surtout sans papiers ?
Pour dormir c´était moins évident. Le responsable du camp avait jugé qu´il était préférable de ne pas séparer les famille. Mais le hangar qui nous fut assigné n´était pas aménagé comme dortoir. Nous avions, pour lits, des sacs en jute remplis de feuilles de maïs, posés directement sur le sol en ciment. La nuit les cancrelats grouillaient et les rats faisaient la course. Je ne parle pas des puces car nous ne pouvions pas les voir. Entre les plaintes des insomniaques et le bruit de feuilles sèches des paillasses certains adultes se plaignaient de ne pas pouvoir dormir. Ce n´était pas mon cas. La vie du camp convenait à mon insouciance d´enfant.

10 février 2010

L'écho du poète c'est le silence profond

Quand l'homme pousse un cri
dans une étroite vallée
l'écho lui répond
ohé...ohé...ohé

mais quand un poète
pousse un cri d'amour
l'écho devient sourd
et très souvent muet...

09 février 2010

Souvenirs de Dakar

Le port de Dakar était, en 1940, assez spacieux et les quais bien aménagés. Le commerce de l´arachide, principale exportation, devait être très rentable. Certaines de nos colonies étaient alors, quoi qu´on dise, une bonne source de revenus pour la France. Les terres gratuites et la main d´œuvre bon marché assuraient une confortable plus- value des produits agricoles. Puis les colonies étaient également un débouché, sans concurrence, pour nos produits de consommation, invendables ailleurs. Plus tard on a donné, à certains pays, l´indépendance mais on a gardé, autant que possible, le contrôle des affaires. On a appelé ce néocolonialisme : la Coopération...
Mais en 1940 c´est la France vaincue qui était devenue une colonie. Une colonie allemande. Dans le port, sillonné de pirogues africaines, dormait, inutile, un puissant cuirassé: le Jean Bart, ainsi que quelques vedettes.
L´Alsina, notre bateau, se trouvait parfois ancré dans le port. Quand nous n´étions pas à quai, une barque faisait quelques allers et retours. Nous étions libres de nos mouvements. Nous allions nous baigner dans une crique près du port et nous pêchions des oursins très nombreux sur les rochers. Parfois nous nous promenions dans la ville ou sur les marchés. Nous n´achetions jamais rien, car nous continuions a êtres nourris sur le bateau. Le commandant attendait l´autorisation d´appareiller vers notre destination : Buenos Aires. Les mois passèrent et l´autorisation n´arriva pas. Par contre il reçut, soudain, l´ordre de nous conduire à Casablanca. Dès notre arrivée nous fûmes transportés, dans de vieux bus, vers un camp de concentration ! Qui connaît l´histoire de ce camp au Maroc ?...

05 février 2010

Guerre

La violence des mots
de guerre
et de haine de l'inconnu
d'en face
que nous assassinons
avant même de nous connaître

03 février 2010

Souvenirs du grand départ


Quand je mis les pieds sur “l´Alsina”, le gros bateau qui devait nous amener en Argentine, j´ai compris que ma vie avait changé. Ce fut le début d´une grande aventure...une aventure qui n´arrêta jamais.
J´avais alors 10 ans et, pour la première fois, un vrai copain de mon âge. C´était Antonio Abrínez qui, avec ses parents et son frère, venaient de fuir l´Espagne de Franco. Sur le même bateau avaient embarqué, vers l´exil, plusieurs membres du gouvernement républicain espagnol, dont l´ancien Président Niceto Alcalá Zamora. Il y avait aussi beaucoup de juifs qui s´échappaient de l´Europe nazie et une dizaine d´argentins rapatriés. L´Alsina, qui avait aménagé les cales en dortoirs, transportait un grand nombre de passagers. Il y avait les dortoirs des femmes et des enfants et ceux des hommes. La salle à manger, qui fonctionnait en plusieurs tours, réunissait les familles autour de repas simples mais copieux. Pour moi, qui ne connaissait que la vie assez rustique du petit paysan, c´était des vacances merveilleuses. A mes yeux l´Alsina était ce que fut, plus tard, le “Club Med” pour beaucoup de Français ; puis il y avait l´immensité de la mer et surtout, plus d´école ! Ce fut la période la plus heureuse de mon enfance.
Après je ne sais plus combien de jours de navigation, nous arrivâmes à Dakar. Quelle fête pour les yeux et les narines ! Ce n´était pas la jungle du cinéma, mais c´était très différent de ce que j´avais connu en Provence. Le port sentait la cacahuète et des centaines de noirs chargeaient des sacs destinés aux huileries françaises. La guerre n´empêchait pas les bonnes affaires !..

P.D. l'Alsina : 1921 - Coulé en 1942 à Bougie par une attaque aérienne allemande