27 décembre 2006

Le marigot

Dans le boue du marigot
dans l’eau noire des rias
il y a des crapauds
et des Ave Maria

il y a tout un monde
dans la boue et dans l’eau
il y a des tombes
il y a des cadeaux
dès que le riz sort la tête
et le filet le tilapia
dès que les grosses crevettes
nagent dans l’huile du plat.

il y a aussi les jours de fête
la musique et le vin
qui reflètent en cachette
et tombent dans le ravin
et tombent sur la tête
dans l’eau noire des rias
c’est le destin des plus bêtes
le destin des parias
de pleurer les jours de diète
et de maigrir le mardi gras

c’est le destin des plus démunis
de vivre dans le marigot
car pour avoir du poisson et du riz
on doit prier les pieds dans l’eau.

ET BIENTOT L’AN 2000 (Guatemala 1994/1995
Illustrations : Ricardo CARPANI

23 décembre 2006

L'insomnie du voyage

L'insomnie décalée
de l'horaire américain
amplifie les hurlements
des voisins marihuanés
du samedi soir.

La nuit chaude du printemps
brise les vitres de Paris.

18 décembre 2006

La neige

La neige blanche
couvre le pré
la neige froide
le lac glacé

La neige brille
sous le soleil
la glace brise
le bleu du ciel

Ah l'hiver du Nord
silencieux
et sérieux
comme le sommeil
d'un mort
qui s'ennuie
sous la neige
et un ciel gris

et ma solitude
horrible solitude
sous la neige
noire de minuit.

03 décembre 2006

Pommes de terre

Je n'insisterai pas sur l'urgence
ni sur le prix du silence
je ne dirai pas voilà l'addition
je ne dériverai pas sur le cours
de la pomme de terre et du potiron
comme Américo Vespucio qui
découvrit un jour qu'il était découvreur
et les indiens qu'ils étaient découverts...

Le monde est nécessairement
rond et mystérieux
comme une pomme de terre
puisqu'il existe grâce à un Dieu
que personne n'a jamais vu
et qui pourtant vous menace de l'enfer
si vous ne lui rendez pas ce qui lui est dû...

Il n'y a que l'enfer
et la pomme de terre
qui sont bien connus
souvent il suffit d'être pauvre
pour bien les connaître
et pourtant, oui parfois,
les riches aussi sont cocus...

27 novembre 2006

Les femmes

Les femmes devraient être
d'eau ou de nuage

Les femmes sont souvent
un simple regard
et parfois un geste impatient...

Elles n'aiment rien
elles exigent l'impossible
et pour bien les aimer
il faudra tout leur donner tout
et même ainsi elles vous en voudront
de trop les aimer.

25 novembre 2006

Guerre

La violence des mots
de guerre
et de haine de l'inconnu
d'en face
que nous assassinons
avant même de nous connaître

19 novembre 2006

Le silence

Le silence me parle
et j'écoute son murmure
de ruisseau

Dehors un moteur
brise le silence

Le bruit coupe le poème
comme une scie.

15 novembre 2006

L'humanité couleur pétrole

Chaque fois que la haine
remplace la raison
chaque fois que la religion
développe la haine.

Chaque fois que les menaces
remplacent le dialogue
chaque fois que la violence
remplace la parole.

Chaque fois que les plus forts
écrasent les plus faibles
chaque fois qu'un peuple
devient l'otage de la faim.

C'est le prix à payer
me disent les pompistes
pour que vos voitures
roulent il faut des morts.

Aujuord'hui la civilisation
a la couleur du pétrole.

Demain les morts
iront à pied
chez le pompiste.

12 novembre 2006

Les vautours et les rats

Guinée-Bissau
mon cœur pleure pour toi
Guinée-Bissau
de tout ce que je vois
je vois défiler des technocrates
avec leur costume gris
et leur cravate
et leur serviette
pleine d’idées toutes faites
je vois défiler des bureaucrates
avec leur costume gris
et leur cravate
avec leurs formulaires
pour classer toute la misère
je vois
je vois
des vautours et des rats
je vois
défiler des diplomates
avec leur costume gris
et leur cravate
avec leur discours compassé
pour faire semblant d’exister
je vois
des technocrates
des bureaucrates
des diplomates
défiler avec des dossiers
au lieu de cœur
avec du papier
au lieu de fleurs
je les vois défiler
à la lueur fanée
des dossiers sous le bras
et leur sourire gras
toujours plus gros
toujours plus faux
toujours plus de papier
pour tout justifier
et surtout leur termitière
suivez suivez la filière
et voici et voilà
tu en trouveras
partout des vautours et des rats
qui se nourrissent de carrière
de discours sur la misère
et de mauvaise foi

LES POEMES DU GEBA, Bissau 1991

10 novembre 2006

A CEUX QUI N’ONT RIEN INVENTE

A ceux qui n’ont rien inventé
la roue
l’écrou
et le triple verrou
à ceux qui n’ont pas inventé
la poudre
la foudre
et la machine à coudre
à ceux qui n’ont pas inventé
le galion
l’avion
et la chair à canon
à ceux qui n’ont pas inventé
la priorité
la rentabilité
et la liberté des marchés
à ceux qui n’ont pas inventé
les horaire les honoraires
et leurs fidèles mercenaires
à ceux qui n’ont pas inventé
à ceux qui n’ont rien demandé
à ceux qui n’ont toujours rien
à ceux qui ont encore peur et faim.

(hommage à Frantz Fanon)

LES POEMES DU GEBA, Bissau 1991

06 novembre 2006

Lula!

Ce n’est pas sérieux
non, ce n’est pas sérieux
de vouloir être le Président
d’un immense pays
en étant…
un simple ouvrier
et s’appelant : Lula !

Voyez-vous
chez nous
on porte costume et cravate
on s’appelle Monsieur
et on sort des Grandes Ecoles
et on est certes moins drôles :
nous sommes des gens sérieux.

Chez nous on ne rit pas
Monsieur
non, on ne rit pas
quand on veux être Chef d’Etat.

Néanmoins, voyez-vous,
dans les discours sérieux
de nos très sérieux dirigeants
on parle parfois des pauvres
ou de l’environnement
on dit même : il faut, il faut…
Puis on passe à autre chose
car ce n’est jamais urgent.

Quand j’étudie
les chiffres et les faits
des uns et des autres
et je fais le bilan
des années Lula,
Président d’un pays émergent
de carnaval et de samba,
je découvre des résultats
encourageants
Pour les travailleurs
et pour les « favelas »
et, malgré la hargne
des riches et des puissants,
le peuple crie : Vive et Vive Lula !…

Pendant que
chez les gens sérieux
bien formés et informés
portant costume-cravate,
le peuple des oubliés
de la richesse et du progrès
déçu par tant de fausses promesses,
ne sait plus pour qui voter !…

Car chez nous, Monsieur,
on ne rit pas ;
oh non, on ne rit pas !…
on menace et on punit.

Mais pour qui donc voter
dans ce beau pays de liberté ?…

04 novembre 2006

Charlie


















Un jour il est arrivé
avec ses yeux verts
perçants
un peu saltimbanque
dresseur de serpents
il se faufile et il file
comme le vent
et quand le bruit
d’assiettes cassées
retentit dans la maison
nous devinons
qu’il est déjà loin
introuvable et malin
c’est un chat noir
comme la nuit
quand il ronronne
toujours très câlin
nous l’appelons charlie

Il y moins de 100 ans
les paysans les clouaient
sur la porte du grenier
pour éviter le mauvais sort !
Ils ne connaissaient pas encore
la pire de toutes les calamités :
l’inexorable Loi du Marché ».

Depuis charlie s’est bien vengé…



01 novembre 2006

Doute

Quand vous doutez, affirmez avec force, de toute façon personne ne vous écoute...

31 octobre 2006

L'attente

Je n'aime pas le silence de l'attente. C'est comme un tunnel trop profond.

Poèmes pour adultes outrés...
Journal de voyage

24 octobre 2006

Hej, Olof Palme !…

Qui a tué Olof Palme ?

Les mêmes qui ont tué
Jean Jaurès
les mêmes qui ont tué
Lumumba
les mêmes qui ont tué
Che Guevara
les mêmes qui ont tué
Martin Luther King
les mêmes qui tuent les poètes
quand les poètes parlent
de justice et de liberté…

Et bientôt l’An 2000 
(Buenos Aires/Guatemala 1994)

16 octobre 2006

Moi aussi j’ai peur !…

J’ai honte de dire
Mais quand je les vois
en bande
sales
maigres
Les yeux enfoncés
Le regard hagard
Errant comme des chiens
abandonnés
oubliés
repoussés
Par des gens sérieux
Qui croient à la famille
Et qui croient en Dieu
fermer le cœur
fermer les yeux
Et changer de trottoir
Pour ne pas les rencontrer
par peur
du loup
et pourtant
ce ne sont que des enfants
des enfants des rues
affamés
abandonnés
oubliés
De notre belle civilisation
De super super-marchés

(octobre 2006)

09 octobre 2006

Il était une fois

Il était une fois
dans la plus mauvaise foi
un chef qui ne l'était pas
plus d'une fois sur trois
mais la volonté des rois
donne un talent de droit
à ceux nombreux ma foi
qui n'en ont guère ou pas.

In "Souvenirs du Geba et d'ailleurs"

06 octobre 2006

On nous parle de la misère

On nous parle de la mort
et parfois de l'histoire
de la misère et de la faim
dans nos villes et campagnes.

On nous parle d'armées prolétaires
sans Dieu et sans Gloire
marchant au petit matin
dans la boue du chemin
vers l'usine ou la mine.

On nous parle de regards lointains
de femmes, d'enfants, de pain
sordides histoires de terre
de gros sous, de bras et de mains,
de banquiers et de propriétaires
de progrès et de lumière.

On nous parle d'un passé ouvrier
d'exploitation et de guerres
comme une image effacée
par une société moderne et solidaire.

Mais je me promène dans les rues
et je vois chaque jour
toujours autant de chômage et de misère.

30 septembre 2006

Pourquoi?

Pourquoi ne pas donner des ailes
aux éléphants roses
et aux hippopotames verts?...

Pourquoi ce sont toujours les mêmes
qui décident qui causent
et qui pensent à l'envers?...

Si Dieu a donné des ailes
aux poissons
aux éphémères
et même à Cupidon;

pourquoi ne donnerait-il pas
des ailes aux hommes d'affaires
et aux cochons?...

28 septembre 2006

Petites Fleurs volées dans le jardin des nymphes

Marguerite

Elle tousse à chaque baiser
du papillon et du jardinier
marguerite marguerite
Te voilà avec une bronchite


Passiflore

La fleur de la passion
marteau clous et couronne
symbole et illusion
de la conquête espagnole

Géranium

Fleur de pauvre
fleur de balcon
il pousse dans un pot
en écoutant les feuilletons

Lis

Cette blanche fleur
a coûté trop de têtes
parmi les seigneurs
parmi les saigneurs

Camélia

C’est une gente dame
Rose et fragile
Un pétale d’argile
Emaillé de drame.

extrait Petites Fleurs volées dans le jardin des nymphes (2000)
Vericuetos collection escargot au galop

15 septembre 2006

Le marigot

Dans la boue du marigot
dans l’eau noire des rias
il y a des crapauds
et des Ave Maria

il y a tout un monde
dans la boue et dans l’eau
il y a des tombes
il y a des cadeaux
dès que le riz sort la tête
et le filet le tilapia
dès que les grosses crevettes
nagent dans l’huile du plat.

il y a aussi les jours de fête
la musique et le vin
qui reflètent en cachette
et tombent dans le ravin
et tombent sur la tête
dans l’eau noire des rias
c’est le destin des plus bêtes
le destin des parias
de pleurer les jours de diète
et de maigrir le mardi gras

c’est le destin des plus démunis
de vivre dans le marigot
car pour avoir du poisson et du riz
on doit prier les pieds dans l’eau.

ET BIENTOT L’AN 2000 (Guatemala 1994/1995
Illustrations : Ricardo CARPANI

10 septembre 2006

A la recherche du temps perdu

A la recherche du temps
du ciel du vent
à la recherche
de notre vie d'enfant
depuis si longtemps.

A la recherche d'une mèche
sèche et rêche du printemps.

A la recherche
du filet de pêche
pour pêcher plus souvent
la prière du vent
dans la cour du couvent
qui sert parfois de crèche
au plus vil des serments

car celui qui prêche
est rarement innocent.

01 septembre 2006

L'écho du poète c'est le silence profond

Quand l'homme pousse un cri
dans une étroite vallée
l'écho lui répond
ohé...ohé...ohé

mais quand un poète
pousse un cri d'amour
l'écho devient sourd
et très souvent muet...

27 août 2006

Montmartre

C'est un passé bien passé
d'art, de poésie et de bohème.
Il attire beaucoup d'étrangers
mais il ne reste que l'enseigne.

...........
Poèmes pour adultes outrés...
Journal de Voyage
1996

22 août 2006

Brasilia

Brasilia est la capitale
d’un très grand pays
elle est donc le siège
de nombreuses Ambassades

A Brasilia il y a un lac
et de chaque côté du lac il y a
des Ambassades

Mais il y a :
- le côté des Ambassades
et
- le côté des Ambassades…

Vous me direz c’est pareil !
d’un côté ou de l’autre :
Ambassade = Ambassade.

Et bien non. Ce n’est pas pareil…
D’un côté il y a
les Ambassades des pays riches
et de l’autre
les Ambassades des pays pauvres.

Et même il y a quelque part,
dans l’espace, le souvenir
des Ambassades disparues
parce que trop pauvres.

Il manque une troisième berge pour elles.

18 août 2006

Traduire Neruda

« Confieso que he vivido »
et vingt chansons d’amour
et le grand désespoir de vouloir
traduire
sans nuire
les immenses crêtes de la Cordillère
avec pour référence ultime
les hauteurs de Marseille
et Don Quichotte dans le cœur
mais
comment peut-on dire vrai
sans connaître le goût et l’odeur
sur toute sa longueur
du printemps à Valparaiso
de l’hiver à Rancagua
et, Dieu me pardonne,
sans avoir aimé Maria
à Antofagasta et Valdivia ?

Qui donc pourra parler de vie
d’amour et de désespoir
s’il n’a pas connu les lèvres
de Blanca, de Delia et de Matilde
de Punta Arena à l’Ile Noire ?

10 août 2006

Aux poètes morts

Les poètes
ne se sentent jamais seuls
dans leur tombe
ils peuvent enfin parler
sous terre les langues
poussière de soleil
poussière d’étoiles
avec Dante et Homère
avec Goethe et Hugo
avec Maïakovski et Vallejo
avec Whitman et Bellman
avec Aragon et Wang An Shih
avec Neruda et Alberti
sans oublier David M. Diop
et Césaire bien qu’il soit encore vivant
ils peuvent parler au vent
poussière de soleil
poussière d’étoiles
et aux poétesses de tous temps
Sappho, Al-Khansa’ et Edith Sodergran
et surtout Gabriela et Alfonsina
Dans les vagues de l’océan.
La langue n’est plus un obstacle
quand on dort
d’une belle mort
et la poésie est universelle
quand la terre vous protège du temps
et vous n’êtes plus que
poussière de soleil
poussière d’étoiles.

03 août 2006

Quand on ne s’arrête pas…


Quand le soleil tombe
sur les tuiles
fumantes
des dernières maisons
et on ne s’arrête pas

Quand la nuit tombe
sur les tuiles
béantes
des maisons visées
et on ne s’arrête pas

Quand l’aurore s’éveille
sur les fenêtres
brisées
par les dommages collatéraux
et on ne s’arrête pas

Quand le jour se lève
et on ramasse les cadavres
d’enfants
les combattants n’étant plus là
et on ne s’arrête pas

Tous vos beaux discours sont
fumants béants brisés
et les enfants morts
vous montrent du doigt
quand ça ne s’arrête pas

31 juillet 2006

Quand on demande au peuple

A Juan Gelman

Quand on demande au peuple
d'ici ou d'ailleurs
que pensez-vous de la guerre
celle d'ici ou d'ailleurs
Le peuple répond
non aux bombes, non au napalm, non aux mines
qui coupent les jambes des enfants
non à la faim des enfants
d'ici ou d'ailleurs
le peuple répond non à la guerre
et pourtant les bombes continuent à tomber
et les balles à tuer
et les mines à couper les jambes des enfants
d'ailleurs
avec les armes d'ici...

25 juillet 2006

Quand il tombe des bombes

Quand il tombe des bombes
sur les tombes des morts
et il n'y a point de remords
car les autres ont tort

quand les bottes brillent
comme l'or
et marchent au pas au pas au pas...

alors
les hommes simples
tremblent au nom de la patrie
et de la liberté
au nom des plus forts

et quand les bombes tombent
et tombent
et quand il pleut du sang et des yeux

alors
alors il n'y a plus de ciel bleu
et tout le monde a tort
tout le monde a tort
quand il pleut la mort.

"ET BIENTOT L'AN 2000!"

19 juillet 2006

Je tourne



Je tourne en rond
et je pense ovale
comme un oeuf
comme un boeuf
comme le dernier scandale.

Je me gratte le front
dans mon carré
conjugal et familier
je marche en long
en large et en vitrier
jaune rouge et fécond
je suis enfin libéré
même triangulaire
et tout droit
comme un point de repère
comme une croix.

Je suis libéré et tutélaire
dans l'hypoténuse des muses
dans l'attente sans fin
je tourne et je détourne
mes derniers confins
mes derniers matins
et chaque nuit je séjourne
le regard en coin
en diagonale en parallèle
le regard lointain.

Je tourne la manivelle
je tourne en rond et en vain.

Illustration : Carmelo Arden Quin

12 juillet 2006

Fatigue du début de l'hiver

Les yeux fatigués
le soleil fatigué
ce lundi et les jours suivants
la nuit tombe très mal
et se casse le plâtre
ce n'était pas le moment!

Elle boite malgré la canne
et les étoiles pâles de ce début
et la lune aïe la lune!...
Qu'est devenue la lunita
de ma triste jeunesse?
Est-elle toujours aussi ronde et
aussi conne, la lune?

Aïe luna lunita lunaire
avec ton regard triste
et ton sourire de victime.

Est-ce ma faute
si la gravité de la pomme
explique le mystère
de tout l'univers
ou est-ce tout simplement
la fatigue de l'hiver?



Illustration par le poète lui-même (détail de "Bar Suarez")

07 juillet 2006

Je voudrais dire...

Je voudrais dire mon coeur
mes yeux fatigués
je voudrais dire oui
et mon âge dit non.

Mon âge pèse septante cinq kilos
sur la balance du temps
qui s'échappe doucement
de ma pauvre cervelle grippée.

Et la poésie qui tape à ma porte
et ma porte coince grince
faute d'huile de sycomore
pour les articulations signalées.

Que vais-je devenir plus tard
dans l'immensité du silence
de l'infini poussiéreux des étoiles
dans un champ blême de croix
que vais-je devenir sans poésie?

02 juillet 2006

La vigne vierge brûle


Tant de beauté sur le vieux mur
rend fous les moineaux
et les tourterelles du jardin
et le clocher du village annonce
comme chaque jour
les enterrements de l'automne
dans un paysage rouillé
par la fuite de l'été.

Le vieux mur du jardin
est si rouge si bariolé
que le Louvre
profondément humilié
a fermé ses portes
car, ohé, ohé,
tous les pillages de l'histoire
ne valent pas une seule feuille
de ma vigne rouillé.

L'automne sans effort
couvre le vieux mur de flammes
puis jette chaque feuille
dans la boue de l'oubli
art sublime de l'éphémère
sans experts et sans temples
pour conserver le passé.

Dans mon jardin
toute l'histoire de l'art
est un poème
sur une feuille rouillée.

27 juin 2006

Courant d'air

Il venait il partait
comme un courant d'air
il manquait pas d'air
avec son air important.

Moi, qui ne cours jamais,
j'avais l'air de ne pas bouger
et j'avoue que j'en menais pas large
chaque fois qu'il me disait
de me dépêcher
pour rattraper
les mauvaises années.

Puis un jour il manqua d'air
pour son déjeuner
et maintenant il est sous terre
immobile dans son cercueil
il n'est plus pressé :
le temps l'a rattrapé...

24 juin 2006

Pommes de terre

Je n'insisterai pas sur l'urgence
ni sur le prix du silence
je ne dirai pas voilà l'addition
je ne dériverai pas sur le cours
de la pomme de terre et du potiron
comme Américo Vespucio qui
découvrit un jour qu'il était découvreur
et les indiens qu'ils étaient découverts...

Le monde est nécessairement
rond et mystérieux
comme une pomme de terre
puisqu'il existe grâce à un Dieu
que personne n'a jamais vu
et qui pourtant vous menace de l'enfer
si vous ne lui rendez pas ce qui lui est dû...

Il n'y a que l'enfer
et la pomme de terre
qui sont bien connus
souvent il suffit d'être pauvre
pour bien les connaître
et pourtant, oui parfois,
les riches aussi sont cocus...

18 juin 2006

Comment Yvan Avena est devenu poète...

"J'ai toujours dessiné. Je voulais devenir peintre et je suis devenu ingénieur. Mes amis de jeunesse étaient poètes et artistes. Aucun n'en vivait. Mon premier acte d'artiste frustré fut, à 34 ans, la création avec des amis, d'une galerie d'art à Stockholm. Puis d'une deuxième, avec mon épouse, à Antibes. Ce furent naturellement de bonnes galeries. Mais pour survivre je dus reprendre mon ancien métier d'ingénieur. Puis en 1991, avec la retraite, je gagnais la liberté de m'occuper, à plein temps, d'écrire, de traduire et d'illustrer de la poésie. Il y a maintenant quinze ans que je travaille 30 à 40 heures par semaine dans le domaine des arts - le moins rentable de tous ceux dans lesquels j'ai excercé -, et je suis l'homme le plus heureux de la terre. Mon ambition, produire une oeuvre qui réunisse les trois conditions du grand Art : l'originalité, la maîtrise du métier et le contenu. Mes maîtres furent surtout les poètes et les peintres engagés espagnols et latino-américains du XXe siècle. Je rends hommage à leur talent et à leur courage".

17 juin 2006

Ce n'est pas facile

Ce n'est jamais facile
quand on est une sardine;
comment éviter la routine
au milieu de la ville?

11 juin 2006

La politique

On m'a dit
que la politique
ne doit pas habiter
le nid doré de la poésie.

On m'a dit
qu'il ne faut pas mélanger
la politique et la poésie.

On m'a dit
on m'a dit
tellement de choses sur la poésie
que maintenant
je ne sais pas quoi faire
avec mes utopies...

Car moi petit poète solitaire
je vois
je vois
et je vis
la violence de la guerre;
les camps et les tortionnaires
se succèdent
ils prolifèrent
et ils se multiplient.

03 juin 2006

Je n'ai rien à déclarer

Je n'ai rien dans mes poches
et rien dans ma sacoche

je n'ai rien dans ma musette
je n'ai rien dans ma tête

je n'ai rien à déclarer
je suis un poète oublié.

- Et tes rêves cachés?
Menteur et malhonnête
demain tu seras fusillé!...

21 mai 2006

La poésie

Pendant longtemps
j'ai cru que je n'existais pas
j'avais honte de mon ombre
la poésie me tournait le dos
coquette distante
elle me regardait avec mépris
elle m'ignorait
comme si j'étais transparent.

Puis un jour
après une vie de persévérance
après des des décennies d'admiration
après des centaines de propositions
d'amour et de fidélité
elle me dit : bonjour...
distraitement
du bout des lèvres
sans plus.

Et moi je m'accrochais à ce signe
avec désespoir
avec passion.