30 janvier 2010

Courant d'air


Il venait il partait
comme un courant d'air
il manquait pas d'air
avec son air important.

Moi, qui ne cours jamais,
j'avais l'air de ne pas bouger
et j'avoue que j'en menais pas large
chaque fois qu'il me disait
de me dépêcher
pour rattraper
les mauvaises années.

Puis un jour il manqua d'air
pour son déjeuner
et maintenant il est sous terre
immobile dans son cercueil
il n'est plus pressé :
le temps l'a rattrapé...

27 janvier 2010

Souvenirs de départs

Depuis l´âge de six ans je n´ai connu qu´une succession de départs. Pourtant mon père était un paysan. Mais une race spéciale de paysans : celle des émigrants. D´ailleurs il était né en Argentine.
Je ne connais guère l´histoire de mes ancêtres piémontais et gascons. Mais je pense qu´elle rejoint celle de millions de petits paysans de la fin du XIXème siècle qui avaient beaucoup d´enfants et peu de terre !
Les grands-parents piémontais avaient émigré en Argentine. Dans l´Ouest, au pied de la Cordillère des Andes, ils avaient défriché une centaine d´hectares de désert, ils avaient amené l´eau du fleuve par un canal et ils avaient planté de la vigne. Ils firent fortune dans le vin et s´installèrent sur une colline à Marseille. Ils appelèrent leur propriété “L´Américaine”! D´ailleurs, la petite route qui mène à la cité d´HLM, qui fut construite sur les anciennes prairies, s´appèle, encore aujourd´hui, le “Chemin de l´Américaine”. C´est dans le quartier de Saint-Antoine.
Le grand-père maternel gascon venait du village de Saint-Germé, dans le Gers. La grand-mère était née à Arles mais mon grand-père l´aurait rencontrée en Algérie, pendant son service militaire dans les spahis. Les paysans français, habitués à une vie rude chez eux, faisaient de bons soldats dans les colonies. Mais c´est à la guerre des Dardanelles qu´il fut envoyé, et ensuite dans les tranchées à Verdun. En tout il fit six ans de “service militaire” ! Il détestait l´armée ! Mes grands-parents commencèrent leur vie de couple comme concierges de ”maison bourgeoise” à Paris. Ils devinrent, plus tard, éleveurs de poules à Marseille. La guerre les renvoya dans le Gers.

23 janvier 2010

A CEUX QUI N’ONT RIEN INVENTE

A ceux qui n’ont rien inventé
la roue
l’écrou
et le triple verrou
à ceux qui n’ont pas inventé
la poudre
la foudre
et la machine à coudre
à ceux qui n’ont pas inventé
le galion
l’avion
et la chair à canon
à ceux qui n’ont pas inventé
la priorité
la rentabilité
et la liberté des marchés
à ceux qui n’ont pas inventé
les horaire les honoraires
et leurs fidèles mercenaires
à ceux qui n’ont pas inventé
à ceux qui n’ont rien demandé
à ceux qui n’ont toujours rien
à ceux qui ont encore peur et faim.

(hommage à Frantz Fanon)

LES POEMES DU GEBA, Bissau 1991

21 janvier 2010

Souvenirs d´enfance

Parfois on se réveille le matin avec un souvenir de notre enfance. Notre première peur, notre première entorse aux règles parentales, nos premières déceptions, nos premiers émois, nos premières dissimulations. Des faits insignifiants que nous transportons, pendant toute la vie dans la mémoire, sans savoir pourquoi.
Je crois que mon plus vieux souvenir de terreur c´est un cauchemar : un boa constricteur m´étouffait. Je poussais un cri qui réveilla mes parents. J´avais vu cette scène dans un film. J´ai également garder dans ma mémoire la scène du film ”La charrette fantôme” où Louis Jouvet, dans un cabaret, jette son mégot dans le verre d´un homme et le regarde dans les yeux jusqu´à ce qu´il en boive le contenu. J´avais alors 8 ou 9 ans et j´en garde un frisson de dégoût. De peur aussi.
Parmi les choses qu´y m´étaient défendues de faire, c´était de m´approcher de l´étang qui séparait notre ferme de celle du voisin. Un jour mes parents m´achetèrent une paire de bottes en caoutchouc. Je ne résistais pas à l´attrait de les essayer en pénétrant dans la grande mare, couverte de joncs, jusqu´à ce que l´eau inonde mes bottes. Si j´étais tombé dans un trou profond, on aurait eu beaucoup de mal à retrouver mon cadavre. Après, craignant que ma mère s´aperçoive que mes bottes étaient mouillées, je les enlevais et les faisait sécher au soleil. Ceci est arrivé il y a près de 74 ans et pourtant je me souviens encore des détails de mon “aventure” et de mes inquiétudes. Ce fut l´un de mes premiers défis à l´autorité de mes parents. Ce fut aussi l´un de mes secrets les plus cachés. Ils n´ont jamais rien su !

18 janvier 2010

L´amitié...

J´ai déjà signalé que le poète argentin Raúl Gustavo Aguirre disait que “le plus important de la poésie ce sont les amis”. Parmi ceux qu´ils qualifiaient d´amis il y avait tout le groupe de “poesía buenos aires” : Nicolás Espiro, Wolf Roitman, Edgard Bayley, Rodolfo Alonso, Mario Trejo, Omar Rubén Aracama, Jorge Carrol, Luis Yadarola et aussi Daniel Saidón, Carmelo Arden Quin, Juan Carlos Paz, Jorge de Souza sans oublier les étrangers comme René Ménard, Carlos Drummond de Andrade et René Char et j´arrête là car, si je continuais la liste de tous les amis de Raúl Gustavo Aguirre et de la revue “poesía buenos aires”, je remplirais plusieurs pages. J´en ai connu plusieurs...
Quant à l´amitié de ceux qui m´aidèrent, pendant plus de trois quart de siècle, à traverser la forêt, pleine de dangers et de pièges, qu´est une vie de voyages et de découvertes, je leur offre toute ma reconnaissance. Merci les amis ! Merci ! Ils sont tellement nombreux qu´il me faudrait plusieurs années et plusieurs livres pour leur rendre hommage. A chaque étape de ma vie j´ai rencontré des gens biens, des gens généreux, des compagnons de route qui m´ont enseigné ce qu´on ne trouve pas dans les livres ni à l´école ni à l´église : l´expérience de la vraie vie. Oui, ils m´ont appris ce que les parents cachent, ce que les enseignants n´ont pas le droit de dire, ce que les prêcheurs religieux dissimulent : l´inextricable complexité des relations humaines ! C´est dans le contact affectif avec les autres, c´est dans les échanges, c´est dans l´amour et aussi dans la haine que nous portons aux autres qu´on trouve nos repaires, nos forces et aussi... nos propres limites.

14 janvier 2010

Je pourrais aussi vous parler de mon âme

Je pourrais vous parler de guerre
des morts en Afrique ou en Irak
du chômage en France des sans abri.

Je pourrais vous parler du gâchis
des inondations des incendies
de la sécheresse et de la messe
du CAC-40 et du couac 2040
(la fin annoncée du pétrole bon marché)
mais aucun éditeur de poésie
ne voudrait de mon poème
toton tontaine, que nenni !

Pourquoi parler de choses vilaines ?

Raconte-moi ton âme profonde
et parle d´oiseaux et de fontaines
et tu n´auras que des amis, poète,
toton tontaine, et quels amis !...

13 janvier 2010

La grande poésie

La grande poésie
est faite
d´un grand nombre
de petites poésies
de poésie honnête
bien faite
par de petits poètes
de bonne volonté
qui par addition
ou par adhésion
deviendront un jour
peut-être
de vrais grands poètes
mais ils ne le sauront
jamais
car la vraie poésie
la poésie immortelle
la divine poésie
reste un mystère
infini et maudit
puisque personne ne sait
reconnaître avec certitude
la vraie grande
poésie
sauf peut-être
quelques rares poètes
pleins de doute
sur la poésie
d´aujourd´hui

12 janvier 2010

“Ñ”

On a beaucoup parlé, dans la presse, de la “crise” du XXIème siècle en Argentine. Ceux qui avaient, pour se protéger de l´inflation, quelques économies en devises dans les banques furent, après de nombreuses démarches et des années plus tard, remboursés en monnaie locale dévaluée.
Déjà les plus importantes entreprises et infrastructures nationales avaient été bradées, par l´Etat, à des sociétés étrangères. De nombreux entrepreneurs argentins firent faillite. Le chômage atteint 20% de la population active et parallèlement se développa l´insécurité dans les villes. L´Argentine, pays d´abondance, autrefois refuge de millions d´émigrants européens subit, de plein fouet, les effets dévastateurs du libéralisme sauvage.
Pourtant, dans ce panorama de désolation, l´Argentine reste un pays de classe moyenne cultivée et créative. Il suffit de lire “Ñ” - le supplément culturel du journal “Clarin”- pour s´apercevoir que le niveau des articles est égal - ou même parfois supérieur - à celui de la presse des grandes capitales mondiales. De nouveaux centres d´expositions d´art contemporain sont créés, le cinéma argentin est aujourd´hui parmi les meilleurs, la Foire du Livre est un succès public et commercial, et l´activité théâtrale explose dans tous les coins de la ville de Buenos Aires. L´argent manque mais pas le talent. Buenos Aires, malgré une décennie de terreur militaire (30.000 disparus), malgré la faillite économique et financière, malgré la faible circulation des films argentins (dont certains obtiennent des prix internationaux, mais pas de distributeurs), malgré l´isolement, la vie culturelle existe, progresse et se porte plutôt bien. Bravo l´Argentine !

07 janvier 2010

Les revues en colère...

Je l´ai déjà dit : mon dernier livre de poésie politique “Indignation” a eu un bon accueil parmi beaucoup d´amis. J´ai même édité un petit livre avec les nombreux commentaires, généralement élogieux, que j´ai reçus. J´ai également exprimé, dans des lettres personnelles, toute ma reconnaissance aux revues qui l´ont recensé.
Par contre certains des destinataires ont gardé le silence, dont une quarantaines de revues de poésie. Le courrier international étant de moins en moins fiable, j´ai envoyé une lettre circulaire, que j´ai voulu humoristique, pour savoir s´ils avaient reçu mon livre. Jamais je n´aurais pu imaginer les éditeurs de poésie - souvent poètes eux-mêmes - aussi violents et hargneux! Les quelques revues - peu nombreuses - qui répondirent, prirent ma lettre pour une provocation insultante! Les autres continuèrent à m´ignorer! J´avoue ma grande perplexité ! Est-ce le contenu politique de ma poésie qui les a offensés? Ou est-ce ma lettre où je décris le chemin de croix des éditeurs de poésie et toute ma sympathie pour leurs revues, en manque de lecteurs assidus ? Les lettres que j´ai reçues m´ont profondément troublé, car j´ai eu la sensation de ne pas être compris. Est-ce que le fait de dire quelques vérités politiques, à travers un langage poétique simple, serait contraire aux normes académiques ? Qui sont donc ces censeurs “apolitiques” qui veulent exclure les idées généreuses (“Les bons sentiments...”, comme ils disent) de toute bonne littérature ? Doit-on, pour faire de la bonne poésie, rester insensible aux injustices, à la violence des institutions et à la misère des peuples ?... (!!!)