30 octobre 2008

Le poète qui vous parle...de rencontres parisiennes





Carmelo Arden Quin - Collage - 1958

Photo : Patricia Avena



Quand on s´installe, pour la première fois, dans une grande ville il est utile de connaître quelqu´un de proche. Même les bêtes sauvages ne s´aventurent pas, seules, dans une jungle inconnue. Les grandes migrations se font toujours en groupe. Quand je suis arrivé à Paris, en 1956, je suis allé voir le cousin Maurice, ancien chef de la gare d’Austerlitz. Il vivait dans un confortable appartement avec salle de bain (50% des logements de Paris n´en avaient pas !). C´est également ce cousin qui, inquiet pour mon avenir, invita à déjeuner un polytechnicien, directeur d´un institut de recherche sur les tuileries, pour m´aider à trouver un travail dans ma spécialité : les machines pour la céramique. Ce polytechnicien ne fit absolument rien...Par contre par petites annonces j´ai trouvé, la même semaine, une demi-douzaine d´emplois de dessinateur !
De temps à autre j´allais voir l´adorable cousine Yvonne, métro Argentine, qui me faisait de gros steak de viande de cheval. Sa fille Christiane me fit découvrir Brassens, le plus émouvant poète de Paris.
Puis je suis allé voir l´Uruguayen Carmelo Arden Quin, le créateur du mouvement Madi, que j´avais connu à Buenos Aires. Il avait un lumineux atelier d´artiste, avec de grandes baies vitrées, face à un cimetière. Il m´a gentiment accueilli. Il travaillait sur des collages abstraits, faits avec des bouts rectangulaires de papier peint.
Le poète Madi, Volf Roitman travaillait, au noir, comme comptable dans un atelier de restauration de meubles. Il me montra le manuscrit d´une pièce de théâtre en français. La poésie Madi devenait parisienne !

25 octobre 2008

Le poète qui vous parle...de la Suède














Un Suédois n´oserait jamais écrire sur un sujet qui n´est pas celui de sa spécialité. D´ailleurs rien n´est plus ennuyeux au monde qu´une réunion de Suédois quand ils sont sobres. Si on est poli ont ne parle pas de religion, de politique ni de son métier ; on ne parle pas non plus de ses problèmes personnels. Que reste-t-il comme sujet de conversation ? Le temps et les vacances à Palma de Majorque. Comme très vite la conversation est épuisée et on ne sait pas quoi faire, on boit. On boit beaucoup et n´importe quoi ! Donc la seule fois où, en Suède, un écrivain, Arvid Rundberg, m´a invité à connaître les lieux de rencontres des intellectuels de Stockholm, ce fut une tournée dans tous les bistros chics de la ville. On commença par Operabaren, si cher à August Strindberg et on continua dans un célèbre café de la vieille ville que fréquentait le non moins célèbre poète Carl Michael Bellman. Plusieurs autres cafés furent visités et dans chacun, après avoir salué les écrivains et les poètes attablés, nous buvions. Moi de la bière, eux des alcools plus forts. Vers minuit j´ai déclaré forfait, j´avait connu en moins de trois heures un nombre impressionnant de gens célèbres, mais ma tête tournait et j´avait du mal à marcher droit. Quand je suis rentré chez moi et que j´ai voulu me coucher ce fut le lit qui se mit à tourner. Quand j´ai voulu me lever pour aller à la toilette, je me suis évanoui ! Arvid lui retourna chez lui trois jours plus tard !
Pour être artiste ou écrivain connu en Suède il faut pouvoir ingurgiter des litres d´alcool tout en gardant sa dignité et son équilibre. Ceci remplace la conversation.

19 octobre 2008

Pourquoi?

Pourquoi ne pas donner des ailes
aux éléphants roses
et aux hippopotames verts?...

Pourquoi ce sont toujours les mêmes
qui décident qui causent
et qui pensent à l'envers?...

Si Dieu a donné des ailes
aux poissons
aux éphémères
et même à Cupidon;

pourquoi ne donnerait-il pas
des ailes aux hommes d'affaires
et aux cochons?...

17 octobre 2008

Le poète qui vous parle...de Marseille

Quand à Paris on revendique nos origines marseillaises ça fait rire les gens. Sans le vouloir on devient Fernandel (l´acteur qui fit de son accent son fond de commerce). On peut même se demander si la Provence appartient, culturellement, à la France ! La mer ouverte à l´Orient, les collines arides, la luminosité du ciel et les flux migratoires ont façonné une culture plus greco-romaine que germanique. Je suis né à Marseille mais je n´y ai vécu que deux ans, pourtant, malgré mes origines italo-gasconnes, je n´ai perdu ni l´accent ni le souvenir des parfums qui embaumaient l´air des pinèdes de mon enfance. L´odeur du thym, du romarin, du genêt et de la résine des pins avec pour bruit de fond le chant des cigales sont profondément incrustés dans ma sensibilité et mes sentiments. Poète, ça reste mon point de référence. Tout est plus plat, plus humide, plus froid, plus gris par rapport à mes toutes premières sensations provençales. Pour moi Marseille c´est l´été. Pourtant quand souffle le Mistral et quand les bassins d´eau gèlent et les près sont givrés, boudiou ! qu´il fait froid à Marseille. Avant la 2éme guerre mondiale les maisons, même bourgeoises, ne connaissaient pas le chauffage central. Le soir on se réunissait autour de la cuisinière et dans le lit on se couchait avec une bouillotte. On se lavait en entier une fois par semaine, le samedi ! Mais quand personne ne se lave on sent moins les mauvaises odeurs. N´est-ce pas ?.
La poésie provençale, en français ou en occitan, est comme le chant des cigales. Les muses dansent toutes nues dans les pinèdes de mon enfance.

14 octobre 2008

Cervantes (y Saavedra / Miguel de) (1547-1616)

- Le poète naît ; c´est-à-dire que du ventre de sa mère, le poète de nature sort poète (...). J´ajoute encore que le poète de nature qui s´aidera de l´art sera bien supérieur à celui qui veut être poète uniquement parce qu´il connaît l´art.

Note : L´auteur, jamais dépassé, du roman poétique et burlesque d´aventures nous dit qu´on naît poète ; l´éducation n´y est pour rien. Je pense que c´est toujours vrai : tous les doctorats du monde ne font pas d´un grand intellectuel un grand poète. Par contre, aujourd´hui, plus qu´hier, il est difficile de devenir un grand poète en ignorant ce qui nous précède en poésie. Et plus nous pénétrons en profondeur ce domaine mieux nous mesurons l´étendue de notre ignorance.

Il nous faut, pour commencer, connaître parfaitement plusieurs langues, mais pour connaître toutes les finesses d´un idiome il faut l´avoir vécu ; donc savoir s´exiler ; la vérité est toujours ailleurs. Mais pour comprendre vraiment d´autres sensibilités poétiques il faut aussi apprendre à partager le bon et le mauvais d´autres cultures. C´est ainsi qu´on commence à comprendre l´impossibilité de transmettre l´ensemble des sensations d´un poème hors de son contexte. Traduire les mots avec un dictionnaire n´a plus de sens. En poésie c´est l´esprit des mots qu´on doit saisir et transmettre. C´est donc une tâche surhumaine. Le bon traducteur de poésie doit devenir un frère jumeau du poète qu´il traduit, et même ainsi il n´exprimera que des sentiments faussés.

07 octobre 2008

Le poète qui vous parle...de Dieu
















Un jour, dans une petite chapelle, au milieu de la campagne, Dieu m´apparut et il me dit :
- Je te sais peu croyant mais pour toi je vais faire un miracle. Fais un voeu et demande-moi de l´accomplir, ainsi je te démontrerai non seulement mon existence mais aussi mon infini pouvoir sur la terre.
- D´accord, voici mon voeu : “Je souhaite qu´il n´y ait plus de pauvres dans le monde”.
Un an plus tard toute la terre ressemblait à la ville de New York, encombrée de gratte-ciel, de voitures puantes et de millions de personnes qui courraient dans tous les sens et s´agitaient dans des tâches répétitives et abrutissantes dans d´immenses ateliers et dans des bureaux sinistres. Le monde était devenu un enfer.
Alors, m´apercevant de mon erreur, je retournai à la chapelle dans l´espoir de revoir Dieu et de pouvoir lui demander de rectifier mon souhait. Il apparut.
- Alors, maintenant crois-tu en moi ?
- Je crois, je crois certes, mais j´ai mal mesuré les conséquences de mon souhait. Je voudrais le rectifier quelque peu. Je désire un monde où il n´y ait plus de pauvres mais qui soit un monde heureux, décontracté, solidaire, respectueux de la nature. Je ne sais pas très bien comment l´exprimer en une idée cohérente !
Alors Dieu se gratta le crâne et il me dit :
- Mon fils, je ne suis que le créateur du monde animal et végétal. Les hommes, eux, se sont faits tout seul, par évolution. Leurs travers me dépassent. Salut et bonne chance !...Que Dieu te bénisse !

04 octobre 2008

Peire D´Auvergne

(Troubadour du milieu du XIIe siècle)

- Je veux chanter de telle sorte que mon chant ne ressemble pas au chant d´autrui, car jamais chant ne fut valable ni bon qui ressemblât à la chanson d´un autre,

Note : Dans un premier temps je n´ai rien trouvé sur ce poète. Il n´est même pas cité dans “L´Anthologie de la poésie occitane” de André Berry. Probablement trop effronté et critique sur la poésie de son époque, il a été écarté par les poètes académiques d´aujourd´hui . J´ai finalement trouvé sa biographie dans le Dictionnaire universel des Lettres dirigé par Pierre Clarac, publié en 1961. Il était jongleur de profession !!! Encore, à notre époque, la plupart des poètes jonglent pour boucler leurs fins de mois. La poésie ne se vend pas et les éditions de livres sont souvent à compte d´auteur.

Quelque peu vagabond et sans le sous, Peire D´Auvergne arriva quand même à être considéré comme un grand maître de poésie par Dante lui-même. Très exigeant envers sa poésie et celle des autres, ce poète n´aurait, au XXIème siècle, même pas le droit de jongler à la télévision. D´ailleurs les poètes n´ont plus droit à rien ! Surtout pas à critiquer quoi que ce soit...

Imaginez un instant qu´un célèbre écrivain contemporain déclare publiquement: “Jamais un livre est bon quand il ressemble à celui d´un autre !”. Il ne trouverait plus un seul éditeur sérieux pour le publier. Si un livre quelque peu différent arrive sur la table d´un grand éditeur, c´est certain que, après correction par le directeur de marketing, il ressemblera à tous les autres.