30 décembre 2011

La Rosée

Un matin blême
j´ai trouvé sur le rosier
un petit poème
dans une goutte de rosée.

Le poème était un arc-en-ciel.

Mais le soleil, aïe !
me l´a enlevé.

21 décembre 2011

Les Coopac II


Le travail dans les coopératives Coopac m’a donné beaucoup de satisfactions morales. J’utilisais, pour la première fois, mon expérience professionnelle dans un but social et vraiment utile.
Pour créer des coopératives pour les anciens combattants, il fallait concevoir des projets, les présenter aux éventuels financiers, faire la liste des matériels et des matériaux, les commander en Europe, former des équipes et mettre en marche le projet. L´Etat bissau-guinéen fournissait le terrain et d´anciens locaux militaires portugais que nous adaptions à nos besoins.

Comment avec des anciens guérilleros, dont les trois-quarts étaient illettrés et qui n’avaient jamais travaillé, créer des unités de production rentables ? C’était un défi sans précédents ! D’autant plus que tous ces "apprentis" adultes, que nous formions "sur-le-tas", recevaient un salaire de leur propre coopérative.

Nous avons créé un magasin central et un centre de gestion qui formait des comptables-gestionnaires pour les coopératives - chacune bénéficiait d´un responsable administratif -. Puis nous avons passé un accord avec une ONG, qui avait besoin de monnaie locale pour ses frais généraux, pour qu’elle nous fournisse, en échange de nos pesos non convertibles, les intrants importés et matériels indispensables au fonctionnement de nos unités. C’était, en partie, la clé de notre réussite.

Avec seulement un ou deux artisans qualifiés, par unité, pour diriger et enseigner le "savoir-faire", la demande de services fut tellement grande que les coopératives devinrent, très vite, rentables.

14 décembre 2011

Les Coopac I

J´ai commencé à travailler, avec un contrat local, au Secrétariat des Combattants de la Liberté de la Patrie. C´est-à-dire le Ministère qui s´occupait d´apporter une assistance aux anciens guérilleros. Ils recevaient une petite pension et, surtout, une aide en riz subventionné. Un sac par mois. Mais le gouvernement, dont tous les membres étaient des anciens combattants, désirait insérer ces hommes, encore jeunes, dans la vie productive. Le projet de notre ami Ruy Rodrigues da Silva était de créer, avec des financements extérieurs, des coopératives de production. Ma mission, dans un premier temps, était d’apporter mon expérience technique sur le terrain.

Mon premier chantier fut la construction de logements pour les membres d’une coopérative agricole proche de la capitale. C’était une expérience intéressante où, le défi, était de construire des maisons avec des matériaux 1ocaux. Néanmoins les fondations étaient en béton armé et les murs en briques de terre mélangée avec 7% de ciment importé (méthode appelée Sinva-ram). La toiture devait, pour satisfaire l’ONG qui finançait le projet, être en paille bien qu’il faille l´acheter à 100 km de là et qu’elle soit périssable. Des tôles galvanisées auraient coûté moins cher tout en protégeant mieux les habitants des pluies diluviennes. Mais ce n’était pas assez écologique. Je devais, comme toujours, m´adapter aux exigences de ceux qui payaient. Si l’intelligence des concepteurs de projets pour l´Afrique était aussi grande que leurs certitudes, il y a des décennies que l’Afrique n´aurait plus besoin de l´aide des blancs !

11 décembre 2011

Je pourrais aussi vous parler de mon âme

Je pourrais vous parler de guerre
des morts en Afrique ou en Irak
du chômage en France des sans abri.

Je pourrais vous parler du gâchis
des inondations des incendies
de la sécheresse et de la messe
du CAC-40 et du couac 2040
(la fin annoncée du pétrole bon marché)
mais aucun éditeur de poésie
ne voudrait de mon poème
toton tontaine, que nenni !

Pourquoi parler de choses vilaines ?

Raconte-moi ton âme profonde
et parle d´oiseaux et de fontaines
et tu n´auras que des amis, poète,
toton tontaine, et quels amis !...

04 décembre 2011

La fin de mon contrat...

Après avoir terminé le montage de trois usines : une de fabrication d’oxygène, une d’acétylène et une troisième de voiture FAF (version artisanale de la Méhari Citroën) la société qui m’employait eut de sérieuses difficultés avec l’Etat Français. Pour bénéficier d’une assurance "Coface", elle avait fait une fausse déclaration sur l’origine des machines de l´usine d’oxygène et d’acétylène. La Coface
n’assure, contre les risques de non-paiement par l’acheteur (ce qui est fréquent en Afrique !), que le matériel français. Bien que n’étant pas directement concerné par cette affaire je me suis retrouvé, en tant que responsable local, dans l’oeil du cyclone : je perdis ma place et la société, malgré de réelles compétences, fut condamnée à la faillite.

Mon épouse, étant alors fonctionnaire des Affaires Etrangères à l´Ambassade de Bissau je devais, forcément, trouver un nouvel emploi sur place. Tous les blancs qui travaillaient, en Guinée-Bissau, avaient un contrat de leur pays d´origine. J’ai néanmoins présenté ma candidature pour un projet du PNUD. Le responsable d’alors étant italien se fut un groupe italien qui fut choisi - en vain car le projet ne fut jamais réalisé -. L´angoisse du chômage recommençait à me torturer. Ce fut alors que dans un cocktail de l’Ambassade, Monique rencontra un Franco-Brésilien qui cherchait, pour un projet de coopératives, un ingénieur. Encore une fois, une rencontre occasionnelle changea le cours de ma vie. C’est suite à son intervention que nous sommes restés quelques années de plus à Bissau et que, plus tard, nous sommes allés vivre au Brésil.

01 décembre 2011

Ils vont et ils viennent la nuit

Les automobiles roulent fatiguées.
Un enfant appelle sa mère.
L´ascenseur cliquette péniblement
dans la nuit épaisse du lundi.

22 novembre 2011

Courant d'air

 



Il venait il partait
comme un courant d'air
il manquait pas d'air
avec son air important.

Moi, qui ne cours jamais,
j'avais l'air de ne pas bouger
et j'avoue que j'en menais pas large
chaque fois qu'il me disait
de me dépêcher
pour rattraper
les mauvaises années.

Puis un jour il manqua d'air
pour son déjeuner
et maintenant il est sous terre
immobile dans son cercueil
il n'est plus pressé :
le temps l'a rattrapé...

17 novembre 2011

La pie voleuse

La femme du banquier perdit
son plus beau diamant
l´après-midi d´un lundi ;
le suspect fut son amant...

Mais la grande voleuse était une pie.

Si vous partagez votre lit, aïe !
Fermez la fenêtre et soyez prudent.

13 novembre 2011

Les blancs en Afrique

Il y a plusieurs sortes de blancs en Afrique . Il y a ceux qui savent tout et méprisent les noirs, ceux qui veulent s’intégrer à la culture indigène et se marient avec des africaines, ceux qui veulent transformer les noirs en petits blancs travailleurs et économes et ceux qui viennent en Afrique dans le seul but de faire des économies pour faire construire une maison dans leur ville et s’acheter une grosse mercédès. Peu de blancs viennent pour essayer de comprendre la réalité africaine.
Certains experts, d’organismes internationaux, arrivent avec des projets préfabriqués dans leurs ordinateurs portables. C’est à prendre ou à laisser ! Elaboré et décidé en haut lieu, ce n´est pas négociable. Les blancs savent ce qui convient le mieux aux peuples noirs. D´ailleurs les responsables africains ne discutent même plus le contenu des projets. Tout au plus ils s’inquiètent sur la durée et le nombre de voitures qu´ils pourront récupérer quand les blancs seront partis.

Les micro-projets des ONG sont réservés aux villages isolés à l’intérieur du pays, là où les Ministres ne vont jamais. Les chefs des villages désignés, pour ne pas avoir de problèmes avec les autorités, acceptent de cultiver des tomates, des carottes et des choux - qu´ils donneront plus tard, aux chèvres -. Dans ce but les chefs désignent quelques jeunes, qui doivent accompagner et protéger le "coopérant" blanc pendant tout son séjour. Les jeunes assistants noirs, étant toujours d´accord avec tout ce que propose le blanc, il partira deux ans plus tard, persuadé qu´il a apporté le progrès en Afrique et une solution au problème de la famine.

12 novembre 2011

Les artistes créatueurs

De remise en question
en restructurations profondes
la montagne du doute
mord de ses longues dents
la pomme verte et carrée
inondée de sueur et de sang
parmi ombre et mystère
illusion trop éphémère
d´un paysage intérieur lointain
qui accable l´artiste créatueur
de l´avant-garde de demain.

03 novembre 2011

La vie

C'est la vie !
Répètent sans cesse les survivants
de la nuit.

C'est la vie
quand tout va mal
et quand il pleut à torrents
sur le trottoir gluant
de la déchéance
sans amour
sans espoir
et la crasse la crasse
qui vous bouffe la vie.

C'est la vie !
Quand on tombe dans le ruisseau
gris de la dernière pluie
l'alcool qui vous sert de lit
qui vous sert d'oubli
sans un toit
sans amis
et la crasse la crasse
qui vous bouffe la vie.

D'ailleurs :
Est-ce vraiment une vie ?...

30 octobre 2011

Les travailleurs africains !

Parmi les nombreux défauts et vices attribués aux Africains il y a la paresse ! C´est probablement l’une des contre-vérités les plus répandues par les colonisateurs : la proverbiale fainéantise des noirs !

C´est un fait que partout où il y a, en Afrique, des activités modernes c´est l’oeuvre des blancs. Les plantations, les industries minières, l´extraction du pétrole, les transports, les routes et les ports étaient créés par des entreprises européennes. D´ailleurs, lors de la décolonisation, quand les blancs sont partis, peu de ses réalisations survécurent. Un Ministre marocain aurait dit, il y a quelques décennies : "L´Afrique commence là où l’entretien des machines s’arrête !". Donc les noirs seraient non seulement paresseux, mais incapables d´entretenir la technologie que les blancs leur apportent....

Quand j’ai pris, en Guinée-Bissau, la direction du chantier tout était commencé mais rien n’était fini. Pourtant il y avait trois techniciens français expérimentés pour réaliser le montage des installations. Une quinzaine de noirs les assistaient. La plupart étaient illettrés et ne parlaient pas le français. Deux des ouvriers, un mécanicien et un électricien, qui avaient appris le français sur le tas, se chargeaient de transmettre les ordres. Une de mes premières interventions autoritaires, auprès d’un technicien français, fut pour exiger qu’il n’insulte pas les ouvriers quand ils ne comprenaient pas les ordres.. Bien que mon intervention ait eu lieu dans mon bureau, je pense que les ouvriers africains ont senti le changement. Jamais il y avait eu, en Guinée-Bissau, une équipe de travailleurs plus performante et dévouée.

22 octobre 2011

J’affirme et je n’en sais pas plus que vous

J´affirme du haut de mon âge
que si le mur de Berlin
était une honte
comme disait unanimement la presse
des pays libres
le mur de Tijuana
est une triple-honte
que la presse “libre” oublie de dénoncer.

Alors moi, infime poète,
j´affirme que partout où il y a des murs
qui empêchent de circuler
c´est qu´il y a quelque chose
de honteux à cacher.

J´affirme qu´il y a des pays riches
qui dépensent beaucoup plus
pour défendre leur mur
que pour l´aide humanitaire
qu´ils pourraient apporter
aux quelques malheureux
qui veulent le franchir.

J´affirme que partout où il a des murs
qui séparent les hommes
il y a les premiers signes
de la fin d´une civilisation

Je sais que ceci n´est pas un vrai poème
mais qu´est-ce que je me sens bien !

10 octobre 2011

Etre ingénieur en Afrique !

On dit qu’un spécialiste est quelqu’un qui sait tout sur rien et un généraliste quelqu’un qui ne sait rien sur tout ! En Afrique, si vous voulez exercer dignement votre métier, vous devez savoir tout sur tout. Vous trouverez difficilement, sur place, des experts pour vous orienter. Chaque jour vous serez confronté à de multiples problèmes - souvent insolites et même inconcevables en Europe. - et vous serez néanmoins sévèrement jugé, par vos employeurs et par vos partenaires africains, sur le résultat de vos initiatives.

Simple ingénieur vous devrez devenir, en Afrique, planificateur, maître d´oeuvre, chef de chantier, instructeur et bien d’autres choses tout en développant et en affinant vos qualités de négociateur et de diplomate. C’est en particulier la maîtrise de ces deux dernières techniques qui déterminera votre succès ou votre échec.

Si vous construisez un hangar et qu’il s’écroule, lors d’une tempête, on l´attribuera à la mauvaise chance et on saura vous excuser. Mais si vous humiliez, un tant soit peu, un responsable africain rien ne vous sera plus jamais pardonné. Toutes les connaissances techniques, qui auront fait votre prestige en Europe, deviendront à leur yeux tout à fait inutiles et méprisables. En Afrique la courtoisie, la politesse et le respect du protocole passent au-dessus de toute autre considération.

Il serait parfois utile que certains blancs qui se croient importants, de par leur fonction ou parce qu’ils apportent "de l’aide", séjournent quelque temps dans un village de brousse africain, pour apprendre les rudiments de la vraie politesse.

08 octobre 2011

Lula!

Ce n’est pas sérieux
non, ce n’est pas sérieux
de vouloir être le Président
d’un immense pays
en étant…
un simple ouvrier
et s’appelant : Lula !

Voyez-vous
chez nous
on porte costume et cravate
on s’appelle Monsieur
et on sort des Grandes Ecoles
et on est certes moins drôles :
nous sommes des gens sérieux.

Chez nous on ne rit pas
Monsieur
non, on ne rit pas
quand on veux être Chef d’Etat.

Néanmoins, voyez-vous,
dans les discours sérieux
de nos très sérieux dirigeants
on parle parfois des pauvres
ou de l’environnement
on dit même : il faut, il faut…
Puis on passe à autre chose
car ce n’est jamais urgent.

Quand j’étudie
les chiffres et les faits
des uns et des autres
et je fais le bilan
des années Lula,
Président d’un pays émergent
de carnaval et de samba,
je découvre des résultats
encourageants
Pour les travailleurs
et pour les « favelas »
et, malgré la hargne
des riches et des puissants,
le peuple crie : Vive et Vive Lula !…

Pendant que
chez les gens sérieux
bien formés et informés
portant costume-cravate,
le peuple des oubliés
de la richesse et du progrès
déçu par tant de fausses promesses,
ne sait plus pour qui voter !…

Car chez nous, Monsieur,
on ne rit pas ;
oh non, on ne rit pas !…
on menace et on punit.

Mais pour qui donc voter
dans ce beau pays de liberté ?…

27 septembre 2011

A CEUX QUI N’ONT RIEN INVENTE

A ceux qui n’ont rien inventé
la roue
l’écrou
et le triple verrou
à ceux qui n’ont pas inventé
la poudre
la foudre
et la machine à coudre
à ceux qui n’ont pas inventé
le galion
l’avion
et la chair à canon
à ceux qui n’ont pas inventé
la priorité
la rentabilité
et la liberté des marchés
à ceux qui n’ont pas inventé
les horaire les honoraires
et leurs fidèles mercenaires
à ceux qui n’ont pas inventé
à ceux qui n’ont rien demandé
à ceux qui n’ont toujours rien
à ceux qui ont encore peur et faim.

(hommage à Frantz Fanon)

LES POEMES DU GEBA, Bissau 1991

24 septembre 2011

Les vautours et les rats

Guinée-Bissau
mon cœur pleure pour toi
Guinée-Bissau
de tout ce que je vois
je vois défiler des technocrates
avec leur costume gris
et leur cravate
et leur serviette
pleine d’idées toutes faites
je vois défiler des bureaucrates
avec leur costume gris
et leur cravate
avec leurs formulaires
pour classer toute la misère
je vois
je vois
des vautours et des rats
je vois
défiler des diplomates
avec leur costume gris
et leur cravate
avec leur discours compassé
pour faire semblant d’exister
je vois
des technocrates
des bureaucrates
des diplomates
défiler avec des dossiers
au lieu de cœur
avec du papier
au lieu de fleurs
je les vois défiler
à la lueur fanée
des dossiers sous le bras
et leur sourire gras
toujours plus gros
toujours plus faux
toujours plus de papier
pour tout justifier
et surtout leur termitière
suivez suivez la filière
et voici et voilà
tu en trouveras
partout des vautours et des rats
qui se nourrissent de carrière
de discours sur la misère
et de mauvaise foi

LES POEMES DU GEBA, Bissau 1991

21 septembre 2011

Le travail en Guinée-Bissau !

Avant de connaître l’Afrique je n´avais vu des Ministres et des Ambassadeurs qu’à la télévision ou au cinéma. Dès le jour de mon arrivée je rencontrais le Ministre du Commerce et de l´Artisanat de la Guinée- Bissau. C’était un petit homme, très tendu et autoritaire, qui savait se faire respecter. C’était lui qui avait commandé la construction des usines et il suivait, attentivement, le déroulement des opérations de montage. Quand il y avait un blocage administratif, c’est lui que j’allais voir et en deux coups de téléphone le problème était résolu. Pendant la guerre d’indépendance - qui dura 11 ans - il était chargé, depuis la Guinée Conakry, de l´approvisionnement des guérilleros.

Il me raconta un jour que la frontière, étant très contrôlée par l´armée portugaise, les transporteurs refusèrent de livrer le ravitaillement. Il prit, alors, le commandement de la colonne et les amena, malgré les mines et les patrouilles, jusqu’au campement des guérilleros. De retour à la base, en Guinée Conakry, il réunit le groupe de ravitailleurs et leur dit : "Si moi j’ai pu passer, vous pouvez aussi le faire !". Il ajouta, à mon intention : "J’ai été formé par les Français !".

Plus tard il fit également construire une usine de montage de voitures Citroën. J’ai acheté l’un des premiers prototypes. Nous avons roulé sur toutes les pistes du pays avec notre FAF, jusqu´à notre départ.



Il essaya aussi de relancer le chantier naval à l’abandon, le commerce de cajou et de bois. C’était, sans aucun doute, l’un des Ministres les plus entreprenants. Il fut remercié par une condamnation à dix ans de prison

13 septembre 2011

Les chats et le patron

J´ai besoin de quelques chats
pour préserver mes sacs de grain,
mais si les chats sont trop gras
les souris continueront leur festin.

C´est ainsi que le meunier apprécie ses employés :

Il affirme qu´un ouvrier trop payé, aïe !
Il n´a plus envie de travailler.

11 septembre 2011

Le chômage....

Encore aujourd’hui j’en parle avec une certaine honte. Partout où j’ai vécu : à Buenos Aires, à Paris, à Stockholm, à Bissau j´ai trouvé des emplois intéressants et correctement payés. En 1977 il y avait "seulement" 500.000 chômeurs en France (il y en a dix fois plus aujourd’hui). J’avais 47 ans et j’étais déjà trop vieux pour trouver un emploi ! Les lettres et les C.V. que j´envoyais ne recevaient même pas de réponse !

A l´époque les chômeurs devaient pointer chaque semaine à l´ANPE. Chaque fois je demandais à parler à un responsable. Après quelques mois ils se cachaient pour ne pas me rencontrer. J’étais trop jeune pour prendre ma retraite et trop vieux pour travailler !!! Alors comment survivre ? Ils n’avaient pas de réponse satisfaisante à cette question embarrassante...

Avec l’accord de Monique, je commençais à prospecter à l´étranger. Je cherchais un travail en Amérique Latine et j’en ai trouvé un en Afrique. Une entreprise parisienne cherchait un ingénieur pour diriger le montage d’une usine d’oxygène et une d’acétylène, avec un contrat de trois mois ! A Buenos Aires j’avais dirigé un chantier et j’avais travaillé, sept ans, en Suède dans ce domaine industriel. Je me présentais à Paris et je fus immédiatement recruté et envoyé en Guinée-Bissau. Ce travail n’était pas l’enfer, mais c’était très proche !

Après trois mois d’essai on me proposa un contrat permanent. J’ai dirigé ensuite, dans des conditions particulièrement difficiles, le montage d’une troisième usine et, plus tard, celui d’une douzaine de coopératives pendant 13 ans. Je n’étais plus trop vieux !...

05 septembre 2011

L’immobilier à Antibes...


L’hôtellerie et l’mmobilier étaient les deux grandes sources d’emploi sur la Côte d´Azur. L’art n’en bénéficiait guère.

Ce fut néanmoins une rencontre amicale, à travers la galerie, qui prolongea notre séjour à Antibes. Une charmante peintre "naïve" visita la galerie, accompagnée de son mari promoteur immobilier et ils devinrent, par la suite, d´excellents amis. Informé de nos difficultés, le mari m´employa comme vendeur. J´appris avec lui tous les secrets de ce métier à risque. Plus tard, cette expérience nous permit de faire d’excellentes affaires.

Contrairement à ce qu´on pense, les marges de bénéfices du promoteur restaient assez modestes. Par contre les banques et les financiers privés, avec un minimum de risques, multipliaient en quelques mois leurs investissements. Il suffisait alors d’avoir un terrain bien placé, un grand panneau et quelques prospectus pour vendre "sur plan" les appartements à crédit. C´est le client qui finançait l´opéra-tion ! Cette époque d’or cessa avec la première crise pétrolière en 1974. Dès lors il fallut construire pour vendre et la concurrence était très dure. Plus on tardait à vendre plus chers devenaient les logements - donc plus difficiles à vendre - car il fallait ajouter au coût, les intérêts du prêt des banques. Bientôt il n´y eut plus que les banques qui, pour placer leurs énormes bénéfices, firent de la promotion immobilière, avec l´assistance, rémunérée, d´anciens promoteurs.

Ce fut alors que je quittais mon travail de vendeur dans l´immobilier, pour diriger les travaux de transformation de la galerie en restaurant.

01 septembre 2011

Galerie Art Club II


Art Club était devenu, pour les étrangers de la Côte, un lieu de rencontre où les artistes et les simples visiteurs étaient bien accueillis. Certains, quarante ans après, sont restés nos bons amis. Mais nous ne vendions pas assez pour assurer les frais. Nous faisions des expositions du mois de mai jusqu´en septembre. Pendant la saison, c´était un travail qui commençait à 7 heures du matin et qui finissait à minuit. Monique s´occupait de la maison, des courses et de la cuisine et moi de la galerie, des clients et surtout des angoisses existentielles des artistes. C´était parfois épuisant, mais toujours intéressant.

Ce qui l’était moins c’est, qu’en hiver, Monique devait trouver des emplois intérimaires de secrétaire, mal payés, pour que nous puissions assumer les frais généraux, dont les impôts qui augmentaient chaque année, bien que notre chiffre d´affaires fut stationnaire. Je dus, moi-même, prendre un emploi à plein temps, mais bientôt mon salaire n’arrivait plus à couvrir les frais de la galerie. La banque nous refusa un prêt. Nous devions 3.000 francs aux impôts et nous ne savions pas comment les payer. Le racket de l’Etat, aux petits commerçants, ne tenait pas compte de l’animation culturelle qu´apportaient nos expositions à la ville. Pour pouvoir continuer nos activités à Antibes, nous ‘avons pensé ouvrir un restaurant. Ça ne fit qu’accélérer notre perte !

Parmi nos amis il y avait un homme d´affaires, parisien, qui nous proposa une association. Ce n´est que trop tard que nous avons appris que c´était un escroc ! Nous avons pu payer notre dette au Trésor Public, certes, mais nous avons perdu notre galerie...

20 août 2011

La galerie Art Club I


Nous avons conçu la galerie Art Club sur une idée simple : les artistes suédois que nous connaissions souhaitaient faire une exposition en France. Par ailleurs tous les suédois désiraient passer leurs vacances au bord de la Méditerranée. Nous avons donc créé une galerie-auberge où, pour le prix d´un modeste hôtel provincial, on pouvait faire une exposition et passer trois semaines agréables au bord de la mer. L´idée, en soi, n´était pas mauvaise et nous avons fait le plein, pendant plusieurs années, tout en ayant un bon niveau d´expositions.

Nous avons pu, également, exposer quelques bons artistes français de la Côte d’Azur. En peu de temps notre galerie était devenue un lieu de rencontre international. Un soir, autour de notre table, nous avions des Suédois, des Polonais, un Autrichien, des Français et tous parlaient le suédois, sauf une amie journaliste de Nice-Matin.

Grâce à l´amitié d´artistes comme Michel Gaudet et Emile Marzé nous avons pu présenter, dans le salon de Haut-de-Cagnes et à la Biennale de Menton une sélection de nos meilleurs peintres suédois. Par contre nous n’avons pas pu exposer les artistes, des Alpes-Maritimes, dans notre galerie à Stockholm. Nous avions une clientèle de collectionneurs plutôt intéressée par les surréalistes et l´art fantastique. L´art abstrait, géométrique ou non, que pratiquaient beaucoup d´artistes français ne marchait pas en Suède. Les quelques artistes surréalistes de la Côte exposaient tous dans une bonne galerie à Vence..

Nous n’avions pas les moyens de leur faire la concurrence. Les tableaux que nous exposions se vendaient bien en Suède mais mal à Antibes !




15 août 2011

Le monde de l´art...

Aucune personne sensée peut imaginer vivre, aujourd’hui, d´une galerie d’art moderne sans disposer d´un énorme capital d´’oeuvres cotées et de relations amicales parmi les nouveaux riches. Les connaissances en art, le flair, la sensibilité, tout ça c’est de la littérature ! Les artistes, les critiques d’art, la presse, les musées, tous s’achètent pour pas cher ! La cote des artistes se fait, comme tout le monde le sait (!!!), dans les ventes aux enchères à New York. Quand un marchand possède quelques centaines d´oeuvres d´un artiste, il en met trois ou quatre dans une vente, chez un prestigieux et complaisant commissaire-priseur, et deux de ses agents se chargent de faire monter les prix. Quand ils arrivent à dix fois le prix payé à l´artiste, le marchand publie un luxueux catalogue et il organise, avec la complicité d’un directeur de musée, une grande exposition de prestige.
Le commissaire-priseur, lui, touche sa commission sur les ventes, le musée reçoit un don et l´artiste bénéficie, tout à coup, d´une forte renommée. Le marchand, quand ça marche, empoche quelques centaines de milliers de dollars (parfois même des millions...). Si ça ne marche pas il entrepose les tableaux dans un dépôt pour plus tard. L´artiste, s’íl veut conserver sa cote, ne vend plus rien et, s’il baisse ses prix, les mêmes journaux d´art qui l´encensaient s’empresseront de le démolir.

Tel est le marché de l´art contemporain ! Il n´a rien de poétique. Il est, comme toutes les modes, le résultat du travail d´habiles professionnels du marketing culturel. Les marchands ont pour réussir, le capital, leur talent de vendeurs et l´ignorance des collectionneurs..

09 août 2011

La pourriture


Baudelaire qui pourrissait du dedans
parlait avec une certaine jouissance de la pourriture
en connaissance de cause...

Je connais un poème qui parle
longuement méticuleusement
de la pourriture d'une orange.

J'ai vu un jour le cadavre pourrissant d'un cheval
au bord d'une belle rivière
au pied de la Cordillère des Andes
un porc en liberté le dévorait goulûment.

J'ai vu à la télévision des cadavres pourrissant
dans les tranchées
de multiples guerres coloniales organisées
par les gouvernements des pays les plus civilisés.

Pourtant
je ne trouverai certainement pas de revue de poésie
qui veuille dans l'état actuel de la culture occidentale
publier un poème sur la pourriture.

07 août 2011

Les poètes rêvent

Les poètes rêvent d'un monde meilleur
où les poètes seraient riches
admirés et aimés.

Les poètes rêvent d'un monde
où leur poésie serait éditée
distribuée et même parfois achetée
par des lecteurs de poésie.

C'est le propre de la poésie de rêver...

Mais c'est le propre de la réalité
de nous rappeler le goût amer du profit.

L'argent c'est le contraire de la poésie...

01 août 2011

La galerie Art Club !

Rue du Migrainier - une ruelle au cœur du vieil Antibes - nous avons acheté, en mai 1968, un ancien bistro, avec plusieurs chambres en annexes, pour créer notre galerie Art Club.

En Suède nous avions connu un jeune sculpteur cannois, Jean- Claude, qui nous proposa de s´occuper de l´aménagement de la galerie. Nous avions très peu d´argent. A part quelques cloisons en aggloméré, de la toile de jute sur les murs et quelques pots de peinture blanche nous avons gardé le cadre originel. Y compris le comptoir du bar et le vieux frigidaire en bois. Nous sommes retournés en Suède pour faire quelques économies supplémentaires pour l´aménagement. Nous y sommes restés jusqu´au printemps de 1969.

Nous avons acheté, avant notre départ, tous nos meubles à IKEA. Leurs meubles étaient démontables, d´excellente qualité et d´un esthétisme moderne.

A notre arrivée à Antibes les travaux n´étaient pas terminés. Jean-Claude avait recruté quelques hippies, qui traînaient sur le port, pour l´aider. L´ambiance était festive. Le soir Monique faisait des pâtes pour tout le monde et nous avions droit à leurs chansons. A la date prévue du vernissage nous étions prêts pour accueillir le premier artiste. Ce ne fut pas de tout repos !

Nous ne connaissions de lui que ses tableaux. Les tableaux étaient bien mais l´artiste, lui, était insupportable. C´est vrai qu´il avait quelques raisons d´être déçu. Malgré la distribution, sur toute la Côte, de son affiche nous avions très peu de visiteurs. Nous avons dû supporter, pendant trois longues semaines, sa mauvaise humeur !

10 juillet 2011

La survie du divorcé....

Tous mes tracas de logement recommençaient ! C´était toujours aussi difficile de trouver, en location, un studio à Stockholm. Après mon divorce j´ai cherché, en vain, un logement compatible avec mon salaire. Introuvable ! C´est la rencontre avec un Français de la radio, dans la même situation, qui m´incita à louer un grand appartement dont nous partagerions les frais. Nous en avons trouvé un ancien, meublé, en plein centre de la ville, près de la galerie et à 10 minutes de bus de la radio. Le loyer était l´équivalent de tout mon salaire après impôt. C´était risqué mais je n´avais pas le choix ! La cohabitation avec ce jeune journaliste et sa fiancée, venue de France, s´avéra par moment agréable mais parfois très houleuse, néanmoins elle changea favorablement ma destinée. Ce fut la divine Christine qui me présenta Monique, ma compagne depuis plus de 40 ans !

Voilà comment, encore une fois, le hasard d´une rencontre bouleversa toute mon existence. Monique étant française, l´envie de quitter la Suède me reprit. Malgré une certaine réussite de la galerie Latina - qui m´avait surtout apporté une nouvelle vision de l´art et du monde - et un travail relativement confortable à la radio je voulais recommencer ma vie ailleurs. Pourquoi pas sur la Côte d´Azur, là où le soleil brille et la mer est bleue ?

En été nous avons loué une maison à Vallauris et nous avons prospecté dans la région. C´est ainsi que, Antibes avec sa vieille ville et son Musée Picasso, me sembla un lieu prédestiné pour ouvrir une galerie. C´est alors qu´est né le projet d´une galerie d´art internationale. Elle s´appellerait Art Club.

04 juillet 2011

Journaliste à la radio !...

Ma formation d´ingénieur ne me prédisposait pas au métier de rédacteur et de "speaker" à la radio internationale suédoise. Ce fut ma connaissance de la langue castillane et mon amour de la lecture qui me donnèrent une certaine aisance pour rédiger - plus précisément pour traduire - les dix minutes de nouvelles et de commentaires de presse dont j´étais redevable cinq jours par semaine. La préparation me prenait deux ou trois heures de travail d´écriture le soir. J´avais donc toute la journée libre pour m´occuper de la galerie ! Mon salaire était le même que pour mon ancien emploi d´ingénieur ! Pourtant il m´exigeait trois fois moins d´heures de présence, de connaissances et de rigueur !

Les nouvelles étaient enregistrées sur bande magnétique - je disposais d´une demi-heure de studio par jour - et elles étaient retransmises sur deux longueurs d´ondes, vers l´Amérique Latine. Pendant cinq ans j´ai traduit et lu, parfois seul ou avec un collègue équatorien ces textes - prédigérés par la rédaction - sans aucun intérêt particulier pour les auditeurs d´Amérique. Nous respections tellement bien la neutralité suédoise que, pendant toutes ces années, le Chef de Rédaction - un ancien journaliste alcoolique - ne me fit jamais une observation sur la qualité de mon travail. Je pense que ces programmes - en six langues étrangères - étaient si peu écoutés que tout le monde s´en fichait ! Seul le programme, destiné aux marins suédois, semblait faire l´objet d´une certaine attention.

Ces conditions exceptionnelles de travail étaient ce qu´offrait alors de meilleur, la Suède, aux étrangers...

28 juin 2011

Je sais et j´insiste...

Je sais que parfois
je ne respecte pas
les règles de la poésie
je dirais même que je m´en fous
des enjambements et des paranomases
des métaphores et des apotegmes
des oxymores, des hiatus et des pieds
des césures, des polysémies
et des homonymies
je m´en fous éperdument
des allitérations et des anaphores
des didascalies, des euphémismes,
des rimes, des rythmes et des assonances
des églogues, des panégyriques,
des exhortations et des satires
et je me retiens, croyez-moi,
pour ne pas devenir grossier
car je doute qu´à l´université
tous les professeurs de poésie
soient de respectables érudits
ou même des gens honnêtes
quand ils enferment nos rêves
nos désirs et notre mélancolie
en cage comme un canari
avec des barreaux, des règles
et des mots très savants
et enveloppent de théories
nos vers irréguliers et sauvages
que nous créons page après page
dans un monologue inconscient
notre coeur palpitant de poésie.

16 juin 2011

La galerie Latina II

Nous organisions une dizaine d´expositions par an. Pour chaque exposition il fallait envoyer plusieurs centaines d´invitations, ranger les tableaux de l´exposition antérieure et accrocher la nouvelle. Entre les deux nous n´avions qu´une journée. Certains artistes étaient très exigeants sur l´accrochage. Parfois même, à l´heure du vernissage, ils hésitaient encore !

Un artiste emprunta, au Théâtre National, une réplique de la baignoire de Marat et il accueillit les visiteurs, assis dans cette baignoire, couvert de bijoux de fantaisie ! D´autres, très angoissés, voulaient tout changer au dernier moment. Nous-mêmes nous n´étions guère rassurés car nous ne savions jamais si les gens que nous avions invités assisteraient au vernissage. Rien n´est plus déprimant qu´un vernissage raté, surtout quand la réussite commerciale dépend, pour beaucoup, des affaires réalisées ce jour-là. Rarement la critique, dans la presse, favorisa les ventes et, une seule fois, le Musée d´Art Moderne nous acheta une œuvre (un tableau de Millares)…..le dernier jour de l´exposition !

Après trois ou quatre ans d´activités nous avions une plus grande renommée à Paris qu´à Stockholm. Certains des peintres suédois, que nous avons soutenus, réussirent une honorable carrière en province, mais n´ont jamais eu la reconnaissance du Musée d´Art Moderne. Les responsables faisaient plus pour la promotion des artistes de New York qu´ils ne firent jamais pour leurs propres artistes. Pourtant il y en avait de très bons. Sans le soutien institutionnel ils ne purent faire la carrière nationale et internationale qu´ils méritaient.

04 juin 2011

La galerie Latina I

Nous avons trouvé, pour la galerie, un local assez grand et situé près du parc Humlegården. Ni Inga, mon associée, ni moi n´avions une expérience de galeristes. Mais nous avions l´enthousiasme - il en faut beaucoup pour gérer une galerie ! - Nous avons commencé à exposer des artistes étrangers de Stockholm et quelques autres venant d´Espagne, de France et d´Argentine. Puis nous avons cherché, dans les salons officiels, quelques artistes suédois n´ayant pas de galerie à Stockholm.

Bien que nous choisissions de bons artistes modernes - certains très connus dans leur pays - la presse nous ignorait. Nous commencions à comprendre pourquoi les galeries de Stockholm n´exposaient pas les artistes étrangers : nous ne vendions rien !

Néanmoins, si au début les acheteurs étaient rares, la qualité et l´originalité des œuvres que nous présentions finit par trouver un public de jeunes collectionneurs. Non seulement nous arrivions à couvrir les frais, mais nous avons pu faire un vrai travail de galeristes engagés. Nous avons réussi à présenter, moyennant des échanges d´expositions, nos artistes suédois dans des galeries parisiennes. Nous étions alors la seule galerie suédoise à pratiquer ce genre de coopération.

Ce qui aurait dû éveiller l´intérêt des autorités, de la critique ou des responsables du Musée d´Art Moderne fut pour eux un motif d´irritation. Nos efforts pour faire connaître de jeunes artistes suédois, non reconnus par "l´élite" culturelle et artistique de Stockholm, fut considérée par certains comme une provocation. Nous étions des trouble-fête mais nous l´ignorions !

30 mai 2011

Viva la revolución !...

Lui profitait
de la soirée
dans son fauteuil
face à la télevision
un verre de whisky à la main
le téléphone pas loin
(on ne sait jamais !)
le frigidaire plein
pour la semaine
et la lumière allumée
dans toute la maison
un bain bien chaud
coulait dans la baignoire
dans la chambre bleue
le lit aux draps bleus
parfumés à la lavande
(on dort mieux tout en bleu)
et les voitures dans le garage
le moteur encore chaud
car lui venait de rentrer
de la salle de gymnastique
(important la forme physique
quand ont est stressé
par une journée au bureau)
et elle était allée chercher les enfants
à leur cours de karaté
depuis peu on avait installé
l´arrosage automatique du gazon
(un ennui en moins)
enfin un repos bien mérité
après une journée de travail
puis tout à coup sans prévenir
sur l´écran géant de la TV
apparait une famille de Haïtiens
maigres sales et misérables
assis par terre sous une bâche
souriant aux fonctionnaires du PAM
(Programme Alimentaire Mondial)
qui explique calmement
que suite à l´augmentation
des prix mondiaux des céréales
ils sont forcés de réduire les rations
et même qu´ils ne sont pas sûrs
de recevoir un nouveau chargement
faute de financements
cette scène troublante
cruelle est vite zappée
vers une autre réalité
mais c´est alors qu´un reportage
d´une ONG nous montre des enfants
squelettiques dans un camp de réfugiés
il s´empresse de zapper
et il tombe sur les dernières
bonnes nouvelles du jour
la chaîne nous informe
d´inondations dans des régions
où il ne pleut presque jamais.
Par milliers les gens, le bétail
et les récoltes sont noyés.
Ailleurs c´est la sécheresse
qui brûle la terre cultivée
c´est nous explique une présentatrice
blonde et bien coiffée
des centaines de millions
d´hommes de femmes d´enfants
qui n´ont plus d´eau potable
et plus rien à manger
car tous les recours sont épuisés.

C´est alors que, comme le ferait
tout bon père responsable,
je prends une importante décision :
j´éteins la télé
et je mets un CD
avec Tom et Jerry.
On comprend mieux maintenant
qu´il y a des gens outrés
qui réclament la révolution
quand on est harcelé chez soi
par des images insupportables
sans même prévenir
qu´il y a des scènes
qui peuvent être traumatisantes
pour les enfants.
Jusqu´à quand devrons-nous
supporter ces horribles images
de misère et de violence
entre deux spots de publicité ?...

A table les enfants
nous allons dîner !

22 mai 2011

Certains le regrettent...

Certains regrettent Hitler
avec sa moustache de Charlot
et sa mèche de travers
certains même admirent
la discipline germanique
les saucisses et la musique
les SS et leurs camps barbelés
et certains encore l´imitent
dans la haine des étrangers
car plus un homme
est méchant et bête
plus il a des amis
parmi les analphabètes
les débiles et les abrutis.
Ce charmant garçon
brun et autrichien
avait raté son entrée
aux Beaux Arts à Vienne
ce fut pour lui une peine
et pour nous aussi
car rien n´est pire
dans ce monde pourri
et quelque peu décadent
qu´un artiste frustré
qu´un artiste maudit
aux longues dents
avides de sang.
Plus tard Hitler
devenu caporal
fit la guerre des tranchées
dans la boue et la crasse
la merde et le sang
de ses amis allemands
dont il a tant admiré
la langue et la race.
On dit qu´après la guerre
il fut peintre en bâtiments
avouez que c´est vexant
pour un vaillant caporal
et jeune artiste de talent
de devenir simple ouvrier
dans la misère d´un chantier.
Pourtant lui l´artiste
qui avait tout loupé
découvrit un domaine
qu´il exploita avec succès :
les discours enflammés
sur la supériorité aryenne
qui furent très appréciés
par un public complaisant
qui avec le temps et la haine
firent de lui un brillant
lider du peuple allemand.
Ils avaient perdu la guerre
et beaucoup de leur fierté
mais ils leur promit de gagner
la prochaine et Hitler fut acclamé.
Il y avait beaucoup de chômage
il créa des milliers d´emplois
les chômeurs se transformèrent
avec enthousiasme et avec joie
en de courageux jeunes soldats.
Il y avait une paix fragile
et une Europe très divisée
il créa partout la guerre
et avec ses discours enflammés
il développa la haine
et une nouvelle armée
triomphante et disciplinée.
Ils gagnèrent l´Europe
le monde leur appartenait.
C´est pourquoi tant de gens
l´ont soutenu et admiré.
Des dizaines de millions
d´hommes et de femmes
furent détruits et ruinés
mais malgré le massacre
certains gardèrent l´espoir
et toute leur dignité
et bientôt la Résistance
fut active et organisée.
Ce fut l´honneur de la France
et la France fut sauvée
de la honte et de l´indignité.
L´idéologie nazie fut broyée
par la paix et la liberté
d´une Europe enfin libérée.
Pourtant il y en a encore
qui regrettent le passé.
Oui, Hitler est mort
mais pas tous les imbéciles
qui l´ont soutenu et aimé.
Votez Front National
et vous serez dirigés
par de vrais néo-nazis.
Méfiez-vous des beaux discours
la guerre n´est pas finie.

20 mai 2011

Le retour en Suède

Nina, mon épouse, avait quitté à contre-cœur la Suède et notre retour n´arrangea pas les choses. Mon échec professionnel en Argentine avait perturbé son besoin de calme et de sécurité, et avait accentué mon besoin de changement.

Bien que nous ayons tous deux repris notre emploi à AGA AB et que je travaillais maintenant comme assistant du Directeur Technique des 200 usines du groupe, je n´y croyais plus. Pourtant mon nouveau patron, très compétent et courtois, était une excellente personne, et mon travail plutôt tranquille - peut-être trop tranquille ! - Je m´ennuyais. J´avais perdu l´envie de me battre pour progresser professionnellement...

J´étais au maximum du salaire que je pouvais espérer gagner en Suède et l´entreprise nous avait trouvé un appartement dans le même quartier où nous habitions avant notre départ. Plus de 100.000 suédois attendaient, à Stockholm, 10 ans pour avoir un logement semblable ! Lidingö était une banlieue particulièrement recherchée. Que pouvais-je reprocher à la Suède si ce n´est son hiver trop long, son manque de spontanéité et l´ennui profond de son mode de vie. J´aurais dû être satisfait et je ne l´étais pas. Je ne trouvais aucun plaisir dans cette existence médiocre de routine. Je voulais de l´émotion et du changement ! J´en ai eu !...

Un acteur suédois disait que tout homme, pour s´accomplir doit, au moins une fois, changer de métier, de pays et de femme. Avec des amis j´ai ouvert une galerie d´art, j´ai trouvé un travail de rédacteur à la radio et je me suis séparé de ma femme ! Le cycle complet !...

16 mai 2011

Buenos Aires : la dégringolade...



Je fus, dès le premier jour de mon arrivée, très froidement accueilli par le Directeur suédois de la filiale.
Heureusement que mes parents étaient venus nous chercher. Ce fut Natalio, mon beau-père, qui négocia avec le douanier le montant du bakchich pour sortir les valises. Ce sont également mes parents qui avaient réservé une chambre dans une pension correcte. Néanmoins, je passais au siège de l´entreprise pour signaler ma présence. Le Directeur m´accueillit avec un dossier urgent, bien que mon bureau ne soit pas installé et mes propres dossiers dans une caisse à la douane du port. Il manifesta, ostensiblement, son irritation. Le jour suivant je découvris que mon bureau était dans une usine, en banlieue, et que ma place, de responsable commercial, était déjà occupée par une relation du Directeur ! Néanmoins, mon substitut étant un homme charmant, nous avons très rapidement trouvé un terrain d´entente : lui la vente et moi la technique. Ensemble, nous obtenions d´excellents résultats mais j´ai demandé, à AGA, ma mutation.

Après une première dévaluation du peso, d´autres suivirent. De mois en mois mon salaire se dévalorisait. Après plusieurs demandes de réajustement et n´ayant pas reçu de réponse satisfaisante, ni de Buenos Aires ni de Suède, je présentais ma démission. Nous vendîmes nos meubles et nous réservâmes un passage de retour en Suède. Le rêve d´une promotion sociale par l´effort et le mérite s´était évanoui de mon esprit. Je compris alors que je n´avais plus aucun avenir en Suède. Toutes les connaissances techniques que j´avais acquises, en sept ans de travail et d´études, ne valaient plus rien !

14 mai 2011

La retraite II

Vivement la retraite
la retraite à 35 ans
le chômage volontaire
voilà une proposition
très respectable pour
les prochaines élections
le travail n´est guère utile
le travail ne donne
aucune satisfaction
vive la révolution
criaient dans la rue
des millions de manifestants
à bas les patrons
à bas les uniformes
à bas les horaires
et vive la révolution !
vivons simplement
brisons les chaînes
à bas l´exploitation !
criaient les esclaves
sur tous les continents
deux heures par jour
de travail contraignant
c´est largement suffisant
pour couvrir nos besoins
criaient les manifestants
et les flics en uniforme
avec leurs casques en acier
et leur hargne disciplinée
écrasèrent la révolution
à grands coups de baton.

06 mai 2011

Quand

Quand les murs seront en verre ou encore mieux
en cristal de roche
quand les tuiles seront d´argent
quand les portes
n´auront plus de serrures
quand les banques ouvriront leurs coffres
et vous donneront leurs dollars
pour acheter des livres de poésie
quand les verres et les brosses-à-dent
voleront dans la maison
et se poseront gentiment
sur les branches du sapin la nuit
quand les meubles auront des roues
et des pédales au lieux de tiroirs
pour déménager à chaque saison
quand l´école buissonnière sera obligatoire
et le dimanches le seul jour de travail
quand le printemps et l´été
dureront toute l´année
et toutes les villes seront
au bord de la Méditerranée
quand les pistes de ski
seront couvertes de tulipes
et les autoroutes seront
transformées en pistes cyclables
quand les voitures deviendront poulaillers
et les avions de ligne refuges de montagne
quand toutes les armes seront enterrées
au fond des mines d´or et de diamants
alors nous pourrons respirer.. Oui, respirer.

01 mai 2011

Le départ à Buenos Aires

Avant le départ je fus invité, par la Direction, à un déjeuner dans un restaurant chic de Stockholm. Il y avait le PDG de l´entreprise et deux directeurs, dont celui qui m´avait chargé de retrouver les pièces détachées égarées. C´est lui qui devint, quelques mois plus tard, Directeur de l´Amérique Latine. L´autre, celui qui m´avait jusques là soutenu, pris sa retraite...en Argentine.
Le repas fut raffiné et ces messieurs ne se privèrent pas de bien manger et de boire des alcools forts. Je me sentais honoré, mais en même temps inquiet. Je ne bus qu´une demi-bouteille de vin. Cette habitude très française faisait toujours rire les suédois. Comme dans presque tous les repas, en Suède, j´ai eu droit à un discours très conventionnel. Le Directeur de l´Amérique Latine me demanda, à fin de son discours, si je souhaitais quelque chose de particulier avant mon départ...

- "J´apprécierais d´avoir mon contrat de travail avant de partir", j´ai osé dire en souriant.

J´ai senti comme un flottement. Les trois directeurs m´affirmèrent que je garderai tous les droits et prérogatives des ingénieurs suédois.

- Notre contrat sera un "gentleman agreement" affirma le PDG, soutenu par les deux autres.

Je n´étais pas d´accord mais, comment dire à ces messieurs que je mettais en doute leur parole ? J´ai appris, ce jour-là, que les patrons suédois sont aussi malhonnêtes que les autres. Payé en monnaie locale, arrivé à Buenos Aires, la première dévaluation du peso me fit perdre, par rapport à la couronne suédoise, un tiers de mon salaire. Je compris alors le vrai sens du mot "gentleman".

28 avril 2011

Les préliminaires d´un départ à Buenos Aires II

La tâche de retrouver des centaines de pièces détachées perdues dans des hangars ne m´enthousiasmait guère. Si dans une organisation aussi parfaite la Direction n´avait pas pu, en un an, résoudre le problème, c´est qu´il était complexe et certainement au-dessus de mes moyens. Je voyais mon proche départ très compromis. Mais, fort heureusement, j´avais connu, quand j´étais dessinateur de balises maritimes, deux charmantes dames, chargées d´archiver les dessins. Je suis donc allé les voir et je leur ai montré la liste que m´avait remis le Directeur Technique.. Le problème était résolu ! Tout était enregistré sur des fiches. Ma confiance dans la conscience professionnelle suédoise ne fut pas déçue. Deux semaines plus tard j´avais, à côté des numéros de la liste, le nom des pièces et des machines concernées. Il ne me manquait plus que la localisation géographique des machines.
C´était un autre bureau moins coopératif, mais l´invocation du Directeur et de l´urgence de sa requête fit son effet. Une semaine plus tard le travail était terminé. En moins d´un mois j´avais trouvé la solution. J´étais heureux et fier de mon exploit.
Quand je remis le dossier au Directeur il me reçut plutôt froidement. Il avait l´air plus vexé que satisfait. Je n´avais pas compris alors que moi, jeune technicien étranger, je venais de dévoiler une faille de gestion au plus haut niveau de la hiérarchie ! Plus tard, nommé Directeur de l´Amérique Latine, il me le fit payer!
Néanmoins, quelques jours après, la Direction m´annonça notre départ à Buenos Aires.

26 avril 2011

Logement

Chacun doit avoir un toit
un refuge
un emploi
chacun doit pouvoir construire
un cabanon ou une villa
pour avoir son petit chez-soi
en ciment en briques
ou en bois
des murs des fenêtres
des portes et un toit
un pays
et un vrai emploi
pour vivre heureux
chez soi
entouré d´amour et d´amis.

Encore une utopie ?...Merde alors !
Pourquoi la vie est-elle si compliquée ?

20 avril 2011

Les préliminaires d´un départ à Buenos Aires I

Je faisais les stages avec tellement d´ardeur que la direction commença - peut-être pour me tester ? - à me confier des stagiaires latino-américains et des techniciens de filiales francophones pour que j´oriente leur formation technique. Avec l´assistance des spécialistes des ateliers, ma documentation et mes connaissances de langues j´ai ainsi formé plusieurs ingénieurs aux techniques d´utilisation et d´entretien de notre matériel. Mais, malgré l´intérêt de ce travail, je commençais à m´inquiéter pour mon avenir. Avaient-ils oublié le but de ma formation ?

C´est alors que je fus convoqué par le Directeur Technique qui me présenta un épais dossier, avec des pages pleines de chiffres, que je reconnus comme étant des numéros de dessins de pièces détachées.

- Voilà, il y a un an que ce dossier traîne d´un bureau à l´autre et nous n´avons pas de résultat. Il s´agit de pièces de rechange entreposées depuis des années dans nos dépôts et nous voulons savoir, en clair, de quoi il s´agit, à quelles machines elles sont destinées et pour quelles usines. Quand vous aurez fini vous pourrez partir rejoindre votre poste en Argentine...

- Mais, monsieur, j´en ai pour au moins un an !...

- Prenez le temps nécessaire...Vous pouvez commencer aujourd´hui si vous le voulez

J´étais totalement découragé. Je voyais mon départ retardé et même compromis. Je me sentais floué, mais je commençais, néanmoins, à étudier le dossier. Ce fut alors que je me suis souvenu qu´il y avait, dans mon ancien département technique, un petit bureau qui enregistrait et classait tous les dessins...

15 avril 2011

Logement

Chacun doit avoir un toit
un refuge
un emploi
chacun doit pouvoir construire
un cabanon ou une villa
pour avoir son petit chez-soi
en ciment en briques
ou en bois
des murs des fenêtres
des portes et un toit
un pays
et un vrai emploi
pour vivre heureux
chez soi
entouré d´amour et d´amis.

Encore une utopie ?...Merde alors !
Pourquoi la vie est-elle si compliquée ?

12 avril 2011

Le dimanche de Charlie

La question est simple :
faut-il le faire piquer ?

Un chat qui grimpe
sur les meubles
et qui casse le pot à fleurs
que nous a offert Morelia
a-t-il le droit de vivre
sous notre toit
comme si rien n´était ?

Un chat qui occupe ma chaise
dès que je me lève
qui pianote sur mon ordinateur
brouillant mes poèmes
et mes rêves
des jours sans souci
a-t-il le droit d´exister ?

Un monstre poilu nous habite
et tout lui est pardonné
car quand il nous regarde
et nous dit miaou miaouuu
complaisants nous interprêtons :
- je vous pardonne d´être humains
de m´avoir rencontré
un jour dans votre jardin
sous un jeune palmier

07 avril 2011

Femmes

Il y a des femmes qui sourient coquettes
belles irrésistibles
des femmes pour lesquelles les hommes
se suicident
il y a des femmes qui pleurent
faibles
belles tristissimes
de femme pour lesquelles les hommes
s´entre-tuent
mais il y a aussi parfois
des femmes qui nous aiment
modestes
solidaires décidées
des femmes pour lesquelles
on ne donne jamais assez
car
il y a des femmes, souvent les mêmes,
coquines et dévouées
qu´on aime qu´on aime
à la folie
jusqu´à la fin de notre vie
car larirette larirette
toutes les femmes coquettes
sont notre phare notre boussole
et notre avenir.

(D´autres poètes l´ont dit...)

01 avril 2011

Partout c´est la révolution

Partout c´est la révolution
en Egypte en Tunisie au Maroc
en Jordanie en Algérie
au Yemen et en Libye
mais chez nous tout va bien
malgré des milliers de Maghrébins
sur nos chantiers
dans nos usines
dans le métro
et dans nos taudis
tout va bien
tout va bien
tant qu´il y a du pain
un robinet et de l´eau
et parfois même un lit
pour dormir
dans une banlieue pourrie
on oublie
le mépris
les humiliations
on oublie
facilement
quand on est musulman
pauvre et guère admis
malgré le droit d´être exploité
on oublie on oublie
pour se faire oublier
et ne pas offenser
nos meilleurs amis
buveurs de vin
et mangeurs d´hosties.

26 mars 2011

Les préliminaires d´un retour II

Pendant 18 mois j´ai lu, j´ai analysé, j´ai écrit et j´ai rassemblé une documentation impressionnante sur les techniques et les produits de l´entreprise. J´ai étudié et expérimenté, dans les ateliers et les laboratoires, les techniques d´entretien des appareils et des instruments et j´ai étudié toutes les sciences modernes de ventes. Des techniciens, hautement spécialisés, me transmettaient gentiment tout leur savoir-faire. J´apprenais certains secrets de fabrication des ateliers et je prenais librement des notes. J´ai même travaillé deux semaines à l´hôpital Karolinska pour apprendre, avec un technicien AGA, l´utilisation des appareils d´anesthésie et l´entretien du coeur-poumon artificiel, pour les opérations à coeur ouvert, qui était alors l´un des plus performants du monde.

Accompagné d´un technicien-vendeur, j´ai aussi visité, pendant quelques semaines, toutes les entreprises industrielles de la région de Stockholm. Partout nous étions accueillis par des techniciens extrêmement compétents dans leur domaine. Leurs questions étaient toujours pertinentes et parfois très pointues. Je mesurais ainsi mes faiblesses. J´apprenais certes, mais comment retenir, en quelques mois, autant de connaissances ?

Je doute qu´il y ait, aujourd´hui, beaucoup d´ingénieurs ayant un libre accès à tant d´informations dans une entreprise de pointe. Je connais des usines, en France, où il est interdit de passer d´une section à une autre. A Paris, je n´ai pas eu le droit de visiter les ateliers auxquels je fournissais les plans !

Parfois je regrette de ne pas avoir pu exercer, par la suite, convenablement mon métier. Quel gâchis !

22 mars 2011

Les préliminaires d´un retour I

J´aurais pu, comme nombre d´étrangers qui ont adopté la Suède, par nécessité ou par goût, continuer à dessiner des signaux maritimes à AGA, partir une fois par ans à Palma de Majorque et chanter “små grodarna” lors des fêtes mais cette vie, pourtant paisible et rassurante, ne me convenait pas. Je le confiais à mon chef direct et je lui demandais de m´obtenir un rendez-vous avec le directeur pour toute l´Amérique Latine. Il avait été, pendant de nombreuses années, le directeur de la filiale argentine. Je pensais qu´il pouvait comprendre mon souhait.

Il me reçut froidement, me posa quelques questions, en suédois, et me jeta de son bureau coupant court à mes ambitions. Heureusement ce n´était pas définitif. Deux semaines plus tard, l´Ambassadeur du Mexique - où AGA avait une douzaine d´usines - fut invité à déjeuner par la direction. Je connaissais bien S.E. M. Maldonado car je donnais, deux fois par semaine, des cours de mathématiques à ses deux fils et j´étais souvent invité à leur table. Donc, lors du repas avec les directeurs de AGA, il leur expliqua que, grâce à moi, ses enfants pouvaient continuer leurs études en Suède..

Quelques jours plus tard je fus convoqué par le même directeur qui m´avait chassé de son bureau. Aimable et souriant il m´annonça que je commencerai, la semaine suivante, des stages et des cours avant d´être envoyé comme responsable commercial...en Argentine.

Ce qui me permet de dire aux plus jeunes que, pour réussir, il faut trois choses : des connaissances, de la volonté et surtout...des relations.

19 mars 2011

La révolution

La révolution la révolution c´est un tambour
qui court
les rues
les chantiers
les usines
et parfois, hélas !
les ruines.

La révolution la révolution
c´est un tambour
très lourd
de peau et d´acier
de promesses et de sublime
et les yeux lumineux
de futurs merveilleux
de justice
et c´est croire
à la victoire...

La révolution la révolution
c´est aussi les larmes
et les yeux éteints
de ceux parfois
qui ont perdu leur sang
qui sont morts pour rien
et même souvent
pour si peu...

Mais ce rien n´est pas rien
s´il vous ouvre les yeux
ce rien n´est pas rien
s´il vous tend la main...

12 mars 2011

53 millions de pauvres parmi les riches

Il y a les pauvres des pays riches puis les très pauvres
puis les pauvres parmi les pauvres
puis les plus démunis
puis les affamés
puis les faux riches
ceux qui trichent
et qui sont au bout du rouleau
et ceux qui n´ont plus de boulot.

Il y a les misérables des villes
il y a les miséreux
les malades et les vieux.

Il y a les habitants des bidons-villes
il y a les sans-logis
et ceux qui sont mal logés
et ceux qui n´ont même plus un lit
dans un asile de nuit.

Il y a toujours plus pauvre que soi.

Il y a les marginaux
et les marginalisés
puis ceux qui ont tout perdu
même la foi...

Puis il y a ceux qui n´ont jamais eu de chance
il y a la mouise
il y a la dèche
il y a la pauvreté absolue
et la misère totale et têtue
il y a la cloche
il y a la manche
et il y a le fond de la déchéance.

Il y a que ce n´est plus
le hasard obtus
ou la malchance.

Il y a les vrais riches
ils trichent ils trichent...

Il y a que c´est prévu
et peut-être voulu
que notre siècle d´abondance
génère tant de déliquescence
et génère tant d´exclus.

07 mars 2011

La rencontre...

 Ce fut grâce à un copain médecin argentin, Julio, que je connus celle qui fut ma première épouse. Nous cherchions une place, pour nous asseoir, à la terrasse d´un café. Une fille seule occupait une table. Julio lui demanda si nous pouvions la partager. Sonia était américaine d´origine suédoise et, comme nous, elle découvrait la Suède. Les présentations faîtes arriva Nina, ma future compagne, avec un plateau. Elle parlait couramment le français. Nina était suédo-finlandaise ! C´est ce jour là que j´entendis, pour la première fois, parler de cette minorité. Ils étaient alors, en Finlande, 12% de la population mais ils avaient leurs journaux, leur théâtre, leurs écoles et même tout un quartier dans la banlieue d´Helsinki. Les noms des rues, dans la capitale, étaient bilingues finnois/suédois. D´où venait une telle influence? Comme les colons français en Afrique du Nord, avant l´indépendance les Suédo-finlandais possédaient, depuis des siècles, les richesses et le pouvoir dans le pays. Ils les perdirent, peu à peu, à partir de 1919. Ils avaient perdu leurs biens mais ils gardaient un certain orgueil aristocratique et une culture d´influence française.
Quand Nina et moi nous décidâmes de vivre ensemble, je demandais à AGA s´il ne pourrait pas l´employer. Non seulement elle obtint le poste de secrétaire du département technique, où je travaillais, mais la société nous proposa un appartement proche de notre lieu de travail. Tout allait pour le mieux pour nous. Tout, sauf que je me mis dans la tête l´idée de retourner en Argentine avec un contrat d´AGA. C´était une ambition démesurée pour un jeune ingénieur.

27 février 2011

Notre vie à Stockholm II

Le mythe de la liberté sexuelle en Suède avait du vrai, mais ce n´était pas aussi simple. Les moeurs suédoises étaient plus libres que libertines. Nous étions, pour les filles, des objets de curiosité exotique. Peu d´entre elles pensaient, en nous approchant, à la possibilité de créer un couple stable avec un étranger. Il ne faut pas oublier que nous étions, avec les alcooliques, au plus bas de l´échelle sociale. Les filles nous considéraient plus amusants que les suédois, mais moins fiables.

Notre ami José, peu de temps après son arrivée à Stockholm, connut une jeune étudiante très belle. Elle avait de grands yeux bleus innocents et un joli sourire attendrissant. Un samedi soir elle l´amena dormir chez elle et, le matin, c´est sa mère qui leur apporta le petit déjeuner au lit. Nous admirions tous la chance de José.

Le samedi suivant il lui proposa de la raccompagner chez elle mais elle refusa. Son fiancé rentrait de vacances !...

Il y avait certes une catégorie de filles, désaxées, qui couchaient avec tous les étrangers. Elles draguaient dans les boîtes. Selon nos estimations, elles étaient une centaine. Elles ne couchaient jamais plus d´une fois avec le même type. Puis le samedi soir il y avait aussi les infirmières. Souvent originaires de la province, enfermée toute la semaine à l´hôpital comme des nonnes, elles sortaient pour s´amuser. Et puisque la meilleure façon d´attirer un homme c´était de coucher avec lui, elles le faisaient sans états d´âme. C´était thérapeutique...

Dans notre situation, il était particulièrement difficile de rencontrer une fille pour une relation stable.

22 février 2011

La terre brûle

Si tu sortais de ta petite auto
tu verrais que la terre brûle
mon coco

la terre brûle
de Sarajevo au Congo.

Si tu sortais
de ta coquille
tu verrais que la terre fume
à la Bastille

la terre brûle
de Guatemala à Manille.

Si tu sortais
de ton bureau
tu verrais que la terre craque
p´tit rigolo

la terre brûle
de Panama à Maputo.

Si tu sortais
de ta maison
tu verrais que la terre crache
feu et passion

la terre brûle
de Mexico à Asunción.

Si tu sortais
de ton trou
tu verrais que la terre souffre
de tant de fous

la terre brûle
de New York à Moscou.

12 février 2011

Quand

Quand les flics ne tapent plus
sur les ouvriers et les étudiants
quand les militaires rêvent de paix
à l´ombre douce du printemps
quand les ministres les patrons
les décideurs ne décident plus
et rêvent de participation
de démocratie et d´égalité
quand les technocrates inventent
la simplicité de la solidarité
et l´homme de la rue sourit.

Quand la forêt est un jardin
et chaque branche porte un nid
quand pousse le jasmin
au bord de chaque ruisseau
d´eau claire et pure
comme l´air d´un flûteau
alors,,,

l´humanité a trouvé son chemin.

08 février 2011

Notre vie à Stockholm I

Avec un travail stable et relativement bien payé (après six mois de travail j´avais bénéficié, sans rien demander, de 50% d´augmentation de mon salaire !), j´aurais dû être satisfait de mon sort. Par rapport aux quelques étrangers que je connaissais, j´étais un privilégié. Mais je vivais mal le fait de louer une chambre chez l´habitant. Pour avoir un appartement à soi, dans la région de Stockholm, il fallait s´inscrire sur une liste et attendre...dix ans ! Ce fut Joaquin, un espagnol en stage à AGA (son père était le représentant de la société à Madrid), qui me proposa de partager un appartement en ville. Les ateliers et les bureaux de AGA étaient sur une île reliée au centre ville par un pont et un tramway (qui d´ailleurs appartenait à la société).

Joaquin, très sûr de lui (j´ai toujours eu une certaine admiration pour les gens culottés !), obtint la location d´un vieil appartement meublé, de trois pièces, pas loin du centre. C´était assez cher, mais nous dépenserions moins dans les cafés et restaurants le soir. Nous pourrions ainsi recevoir nos copains et nos éventuelles copines à la maison.

Malgré de petits désaccords, dus à la cohabitation, ce fut une période très agréable d´amitié. Nous étions, une fois encore, des privilégiés. Peu d´étrangers, à Stockholm, pouvaient disposer d´autant de confort et d´espace pour recevoir et bien rares étaient les soirées solitaires. Joaquin faisait de grandes paëllas, avec beaucoup de riz et d´huile mais peu de fruits de mer, mais tout le monde était content. Les copains étaient priés d´apporter le vin. Mais ça manquait de filles !

03 février 2011

Le retour à Stockholm

Dès notre retour nous présentâmes notre candidature à AGA, une société multinationale suédoise spécialisée dans les applications des gaz industriels et médicaux. Une importante et prospère industrie, qui nous avait été recommandée. Mon expérience de bureaux d´études fit que je fus le seul retenu...à l´essai. J´y suis resté sept ans. J´ai travaillé dans un bureau, avec quatre autres dessinateurs, sans connaître plus de dix mots de suédois. Notre chef parlait l´espagnol, un autre le français et tous parlaient l´anglais (moi peu !). Je dois dire, en toute objectivité, que jamais je n´avais travaillé dans de si bonnes conditions. A AGA il n´y avait pas de réponses évasives. Le chef connaissait à fond son métier et si, par hasard, il y avait un doute il convoquait le directeur du département et tous mes collègues en discutaient. Chaque modification, chaque petit perfectionnement, était étudié et analysé dans le but d´approcher la perfection. L´à-peu-près n´existait pas dans ces bureaux. La seule religion était “la qualité suédoise” dont se vantait chaque entreprise.dans sa publicité. Je pourrais m´étendre, longuement, sur les méthodes de travail dans les bureaux et les ateliers, mais ce serait inutile. La qualité des produits venait surtout de la conscience professionnelle des suédois. Cétait d´ailleurs ce sens du devoir y du travail bien fait qui faisait de la social-démocratie un régime social presque parfait. Le revers de la médaille était un manque total d´imagination et de fantaisie. La Suède était l´un des pays les plus ennuyeux du monde ! Un socialiste français souhaitait : “la social-démocratie suédoise plus le soleil !”

28 janvier 2011

Il était une fois l´imagination

L´imagination au pouvoir !...
J´ai dit
comme ça pour rire
par défi.

L´imagination sans fusils !...
J´ai dit.
Vive la paix !...
Vive l´amour !...

Comme ça pour rire
en souvenir des pavés
en souvenir des jours et des nuits
d´un célèbre mois de Mai.

L´imagination au pouvoir
et vive la liberté !...
J´ai dit
comme ça pour rire.

Et vive la vie !...
J´ai dit.
Au pouvoir la solidarité
et vive l´Utopie !...

Et je n´ai vu que la haine
des porteurs de chaînes
des porteurs de gris
je n´ai vu qu´une moue obscène
malsaine et racornie

et le gaz et les matraques
de toutes les Saint-Barthélémy...

24 janvier 2011

Le départ pour Kiruna

J´ai fait un journal du voyage de Stockholm à Luleå et retour. Je ne l´ai pas retrouvé dans mes anciens carnets de notes. Je me souviens néanmoins que le 7 août 1957, jour de mon anniversaire, nous étions à Boden et nous n´avions plus un sou. Nous avions proposé, en vain, nos services dans chaque ville traversée. On nous a même suggéré, à Luleå, d´aller voir le représentant des syndicats de travailleurs qui a, gentiment, téléphoné à Kiruna pour se renseigner sur la possibilité d´emplois dans les mines : La réponse fut négative ! Il nous a alors conseillés d´aller voir, dans la ville de Boden, proche de Luleå.

Nous venions, dans la société minière de Boden, de subir un nouveau refus et nous étions stationnés, dans la ville, totalement désemparés quand approcha un homme, d´aspect négligé, qui nous montra des monnaies. Nous avons cru qu´il mendiait. Il tombait mal ! Nous avons fini par comprendre qu´il était un numismate amateur à la recherche de monnaies étrangères. Nous n´en avions pas, mais José proposa sa bague de fiançailles en or et Carlos sa machine à écrire portable. Il prit les deux et nous demanda d´attendre. Il revint, un quart d´heure plus tard, avec l´argent et il nous invita à boire le café chez lui. Le café était accompagné d´un plein panier d´exquises viennoiseries. Ce fut mon repas d´anniversaire ! Nous avions mangé, ce jour là - en raclant nos fonds de poche - un pain industriel avec de l´eau.

Avec l´argent de nos ventes nous avons fait le plein d´essence, nous avons également acheté quelques provisions et nous sommes retournés à Stockholm.

20 janvier 2011

J´ai perdu ma pendule

J´ai perdu ma pendule
         mon bidule
         du temps
         bon enfant
         rataplan
du temps où il faisait encore beau
         et chaud
         et chat
         et chien
tous les matins
tous les jours
à tous les carrefours
des petits techniciens
dévoués et consommables
aux heures rentables
          au petit matin
les yeux pleins de sable
          et le cerveau carré
          régulier et discipliné
          le cerveau géométrique
          et bien organisé
comme la république
des nombreux privilégiés
ceux qui ont leur pendule
dans le salon Louis Machin
et ne prennent jamais le train
au petit matin.

15 janvier 2011

L´arrivée à Stockholm III

Pour trouver un emploi, dans mon vrai métier, il fallait attendre la fin de l´été. Très vite mes réserves d´argent s´épuisèrent et, pour survivre, je fis comme les copains : maître plongeur. “Disquaire” comme disaient les Français de Stockholm. Même ce travail déprécié n´était pas stable. Dans certains restaurants le rythme de travail était infernal. J´ai écrit un long poème sur ce sujet : “Le blanc et le noir”. Je raconte comment, dans une cuisine, je suis devenu un esclave noir. J´ai appris que, même dans un pays considéré comme un modèle social avancé, les travaux les plus durs sont toujours les moins bien payés et, subséquemment, réservés aux étrangers. J´ai quand même réussi, en quelques jours, à m´intégrer dans ce milieu et à survivre. Nous étions au mois d´août et bientôt les activités industrielles allaient reprendre. Ce fut alors que Carlos eut une idée géniale pour nous sortir du “lumpen prolétariat” : nous irions travailler trois mois dans les mines de fer de Kiruna et nous passerions le nouvel an sur la Côte d´Azur !

Dans ce but Carlos échangea, avec un Argentin qui retournait dans son pays, sa belle veste sport pour une voiture. C´était une vieille Austin pourrie qui néanmoins fut courageuse et, avant de rendre l´âme, nous transporta jusqu´au Nord de la Suède et nous ramena de retour à Stockholm. Nous l´avions baptisée “Rocinante”. J´avais peint, au-dessus du pare-brise, quatre drapeaux : le drapeau argentin pour Carlos, l´espagnol pour José et le “pelado”, le français pour moi et le drapeau suédois en hommage au pays. Et nous voilà partis, à l´aventure, avec nos maigres économies et nos illusions !

04 janvier 2011

Je voudrais dire...








Je voudrais dire mon coeur
mes yeux fatigués
je voudrais dire oui
et mon âge dit non.

Mon âge pèse septante cinq kilos
sur la balance du temps
qui s'échappe doucement
de ma pauvre cervelle grippée.

Et la poésie qui tape à ma porte
et ma porte coince grince
faute d'huile de sycomore
pour les articulations signalées.

Que vais-je devenir plus tard
dans l'immensité du silence
de l'infini poussiéreux des étoiles
dans un champ blême de croix
que vais-je devenir sans poésie?

02 janvier 2011

Moi

Moi moi moi

avec moi
et toujours moi.
Mon oeuvre...
et mes bonnes oeuvres
mon foie ma foi.

Garçon ! Mes hors-d´œuvres
Moi plus que le roi.

Le moi égoïste et triste
et le soleil pourquoi pas
pourquoi pas moi ?...

Le moi des artistes
créateurs
apologistes
pour mieux parler de soi
jamais détestable
lorsqu´il s´agit de moi.

Le moi comme un crapaud
gonflé comme un veau
qui se prend pour moi
chaque fois qu´il entend sa voix.

Et qui regarde son image
une et autre fois
dans le miroir
dans l´album de famille
dans son tiroir
et même dans le noir
dans sa folie de tant de moi.