25 septembre 2010

Et l´art et la poésie dans tout ça ?

Malgré mes longues études techniques, mes heures de travail et les heures passées, souvent debout, dans les transports publics, j´ai toujours trouvé le temps de lire des livres de littérature et même de suivre des cours de dessin à la Mutualité des Beaux Arts. Je sortais aussi, certains dimanches, avec un groupe de peintres des beaux arts, pour peindre des paysages de la Boca. Je ne croyais pas en Dieu, mais je croyais à l´art et à la poésie. C´était, peut-être, ce supplément d´âme qui me permettait de continuer à assumer mes frustrations, mon manque chronique d´argent et ma fatigue. Mais je gardais l´espoir d´atteindre, par le travail et les études, la réussite sociale.. Je souhaitais, surtout, pouvoir voyager Je ne savais pas encore que ce serait mon premier grand échec professionnel (la perte de mon emploi à Fabriloza) qui me permettrait de recommencer ma vie en Europe...
L´Argentine entrait dans une période durable de décadence et l´Europe, au contraire, dans une période faste de reconstruction. Les Européens qui avaient subi, pendant et après la guerre, de dures restrictions de nourriture et de confort réclamaient, impatients, une société d´abondance. Par ailleurs il fallait, à tout prix, casser l´influence communiste en Europe. Certains responsables politiques souhaitaient même continuer la guerre et envahir l´Union Soviétique. Les capitalistes nord-américains, plus lucides et réalistes, choisirent d´envahir les pays du bloc occidental avec des produits de consommation. Ils gagnèrent cette première bataille. Quelques années plus tard l´Union Soviétique, trop rigide et austère, s´écroula d´elle même.

23 septembre 2010

Ma patrie boite de la jambe droite

Ma patrie est à gauche sur la carte
elle à connu beaucoup de guerres
noyées par l´immense océan
et par ses bonnes terres
ses forêts et ses rivières
qui ont généreusement nourri
toute une flopée de Louis
de rois de princes et de marquis
ignorants arrogants et tyranniques
héritiers de père en fils du fouet
de l´eau du blé et de la musique.
Il aura quand même fallu
des siècles de vols et d´abus
et quelques années de famine
pour que le peuple récupère
l´eau le blé et les terres
les moulins et les villes.
Mais maintenant quelques filous
accaparent et possèdent tout
même ce qui est le moins évident
comme la parole le pain et l´argent
et à nous ils nous ont laissé
les tâches les plus serviles
et le droit de bien voter
dans la banlieue des villes.
Un jour le peuple récupérera
ce qui lui revient de droit :
les terres l´eau le ciel
le blé les moulins et les villes
et le droit de moins travailler
pour avoir le temps de vivre.

22 septembre 2010

J´ai saisi l´occasion

J´ai saisi l´occasion
de mon premier voyage
pour devenir un autre
j´ai changé de langue
je n´avais pas de barbe
j´ai lu Zola et Roberto Arlt
j´ai aimé une vierge
qui s´est mariée avec Gunther
j´ai connu une autre vierge
mais j´ai aussi connu sa mère
j´ai perdu mon emploi
et je n´étais plus rien
alors je suis retourné
au point de tous les départs
à Paris où tout est possible
j´ai lu Malraux et Sartre
j´ai laissé pousser la barbe
j´ai même beaucoup travaillé
et j´ai visité de beaux musées
mais je voulais connaître la vie
à nouveau me voilà parti
je quittais sans regrets la France
vers de nouvelles langues
et de nouvelles expériences
à Stockholm j´ai fait la plonge
j´ai passé une nuit sur un banc
puis j´ai trouvé un bon emploi
dans mon rigoureux métier
et je me suis enfin marié
j´ai lu Gide et Strinberg
puis plus tard j´ai divorcé
et j´ai changé de métier
puis je me suis remarié
et j´ai lu Roa Bastos et García Márquez
et j´ai eu une vie très calme
dans plusieurs langues et pays
chaque fois une nouvelle vie
et maintenant que je suis très vieux
je lis et je traduis de la poésie
et quand je fais le bilan de ma destinée
je ne regrette rien du passé.

J´ai vécu et je n´ai pas connu l´ennui...

20 septembre 2010

Le voyage en bateau : lieu de rencontres...

Le voyage en bateau, entre l´Argentine et la France, offrait la possibilité de multiples rencontres et divertissements. A cette époque de nombreux jeunes juifs partaient, comme volontaires, pour travailler un an dans un kibboutz. Ils étaient encadrés par un animateur qui organisait, chaque jour, des cours d´hébreu et de danses folkloriques. Je m´y étais joint. J´ai retenu de ces cours la déclinaison en hébreu de “camarade” et quelques pas de danse. Tous ces jeunes étaient très motivés par les idées socialistes des kibboutz et par la création de l´ Etat indépendant d´Israël. Tant d´enthousiasme et de solidarité étaient excitants et attiraient, alors, toute ma sympathie. J´avais connu un camp de concentration pour juifs au Maroc et j´étais informé de l´horreur des camps d´extermination nazis. Comment ne pas être d´accord avec la création d´un Etat juif ? Tous les hommes ne devraient-ils pas avoir droit à un territoire et à une patrie ? N´est-ce pas dans l´esprit même de la Déclaration Universelle des Droits de l´Homme ? Mais il y a un problème qui ne peut être éludé : que faire des gens qui occupent, depuis des siècles, un territoire ? Qu´il s´agisse des Indiens d´Amérique, lors des invasions européennes, ou des Palestiniens dans le cas d´Israël il y a une question qui n´a pas encore reçu de réponse satisfaisante : A-t-on le droit de chasser des hommes d´un territoire pour en mettre d´autres, même pour de fortes raisons humanitaires ? Les décideurs politiques, dans les deux cas, quelles que puissent êtres leurs intentions, ont agit avec une légèreté lourde de conséquences historiques.

19 septembre 2010

Lève-toi et marche, camarade !

Lève-toi et marche, camarade !
Dit César Vallejo à ses voisins
de Santiago de Chuco
et il dut s´exiler à Paris.

Lève-toi et marche, camarade !
Dit César Vallejo à ses relations
et amis de Paris
et il fut expulsé en Espagne.

Lève-toi est marche, camarade !
Dit César Vallejo à ses camarades
de lutte à Madrid
et il dut retourner à Paris.

Lève-toi et marche, camarade !
Dit César Vallejo à quelques inconnus
de son quartier
et il mourut dans la misère.

Depuis c´est sa poésie qui nous dit :
Lève-toi et marche camarade !...

14 septembre 2010

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Je voyage et je vois partout
des grands M de Mac
et des grands C de Coca
des multitudes de F de Ford
des T de Toyota

Je vois partout
des N de Nestlé et des S de ESSO
des I d'IBM et des D de Disney.

Je vois de A à Z
des panneaux plein les rues
plein les yeux
de terre de feu
à Alaska
de Saint-Brieuc
à Calcutta.

Mais je ne vois nulle part
parmi tant de couleurs et de cris
le P de Poésie
ni le A de l'Art.