11 janvier 2013

La vie de village




C´est calme la vie de village
les gens ne se bousculent pas
on avait le temps de parler
chez le boulanger et le boucher
mais ils sont partis en ville
depuis que la poste à fermé
avec le tabac et l´épicerie
le village se meurt d´ennui.

L´ouverture d´un supermarché
dans la banlieue du chef-lieu
a torpillé l´existence du village
le petit commerce a périclité
et tous les jeunes ont émigré
il faut vivre avec son temps
affirme le député souriant
il faut faire des économies
ajoute satisfait le Président.

Pour les services de proximité
vous devrez vous rapprocher
des grandes villes rentables
où tout est prévu et étudié
pour rendre la vie agréable.

La ville a certains avantages
que n´aura jamais le village
il faudra bien vous habituer
à la vie moderne et au progrès.
Vous devrez vous adapter
aux transports surchargés
aux heures d´ouverture
et aux gens qui courent
qui courent à grande allure
sans trop savoir pourquoi
est-ce pour garder leur emploi
souvent bête et mal payé ?
et vous devrez apprendre
à attendre d´être appelé
à la poste et à l´hôpital
pour être accueilli vite et mal
par de tristes robots stressés.

Et le soir vous rentrerez fatigué
dans votre minuscule logement
vous ferez chauffer des surgelés
au micro-onde pour votre dîner
seul comme un con devant la télé
et le présentateur vous parlera
de plages de sable et de cocotiers
et vous penserez aux vacances
dans votre village des Pyrénées
avec sa rivière et sa belle forêt
où quand vous étiez adolescent
on y rencontrait encore des fées
et dans l´aimable bistrot du coin
tous les vieux se réunissaient
pour boire des verres de blanc
et parler du temps présent
mais aussi du temps passé.
Les jeunes parlaient de rugby
et les filles allaient à la messe
les gosses jouaient à la toupie
ou aux billes sous les marronniers
et quand elles sortaient de l´Eglise
en tenant par le bras leurs mémés
leurs regards malicieux souriaient
aux jeunes paysans endimanchés
(ils s´étaient même lavé le samedi
à l´eau fraîche et au savon !)
ils regardaient passer les filles
et chacun faisait son choix
tout était dans le regard
ça n´allait guère au-delà
car les mères attentives
protégaient leur innocence
du vilain méchant loup
honni soit qui mal y pense
et quoi qu´on dise à ce sujet
ce sont toujours les filles
qui savent le mieux garder
leur raison et leur sang froid
quand elles choisissent la proie
qu´elles veulent emprisonner
dans leur fine toile d´araignée
le brave niais qui les engrossera
quand ils se seront mariés.
Il faudra beaucoup d´astuce
et moult ruses pour éveiller
l´instinct insatisfait du rustre
avec des promesses de miel
et des promesses de paradis
sans jamais trop lui donner
avant d´avoir la bague au doigt
avec le certificat de la mairie
ainsi que celui du brave curé
car mieux vaut signer deux fois
quand on veut garder son mari.
Ne croyez pas qu´en province
les bonnes copines de l´école
sont moins garces qu´à Paris
les plus riches et les plus beaux
sont toujours les plus désirés
la concurrence est sans pitié
pour emporter le gros lot
car ils sont rares les oiseaux
qui sont en même temps
disponibles, riches et beaux
et qui se laissent prendre
dans les mailles du filet
des jeunes-filles à marier.
C´est comme ça au village
car tout le monde se connaît
et les commères jalouses
souvent aigries et frustrées
n´hésitent pas à dénoncer
les secrets les mieux gardés.
Dans les petits villages français
il n´y a pas de vrais secrets
car ce que les voisins ignorent
les médisantes vont l´inventer
et la rumeur populaire l´amplifier.

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